Contes de 1001 nuits…

L’Arabie Saoudite a assassiné le journaliste Jamal Khashoggi dans les locaux de son consulat à Istanbul. Après avoir nié ce meurtre, Riyad présente maintenant une histoire rocambolesque. Mais Donald Trump y croit…

Jamal Khashoggi en entrant au consulat saoudien à Istanbul. Il ne devrait plus en ressortir vivant. Foto: ScS EJ

(KL) – L’Arabie Saoudite est un partenaire privilégié des nations industrialisées. Deuxième plus grand importateur d’armes, le pays est devenu quasiment intouchable. Et son influence est énorme – ainsi, l’un des pays les plus moyenâgeux a pu « s’acheter » la présidence de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Comme quoi, ça sert d’être riche. Mais avec l’histoire que l’Arabie Saoudite vient de raconter concernant le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, les cheiks de Riyad se moquent du monde. Heureusement pour eux, il y a toujours un imbécile qui croit même les plus grandes âneries. Son nom : Donald Trump.

La version officielle de l’Arabie Saoudite concernant la mort de Jamal Khashoggi, niée d’abord pendant une bonne semaine, se lit comme suit : lors de son passage au consulat saoudien où le journaliste voulait chercher des papiers pour son mariage, il se serait battu avec une douzaine d’agents et pendant cette bagarre, il serait accidentellement décédé. Et malheureusement, on ignore où il a bien pu se rendre après sa mort. Pour Donald Trump, cette version tient la route. Evidemment, il s’agit de ne pas froisser son plus grand client.

Cette version officielle pose toutefois quelques problèmes. Pourquoi est-ce que Khashoggi, 60 ans, petit et un peu rondelet, se serait battu avec une douzaine d’agents bien entraînés qui, quel hasard, étaient venus en Turquie juste pour la date où Khashoggi était censé chercher ses papiers ? Une soudaine envie de tabasser une douzaine de machines à tuer humaines ? Peut-être parce qu’il estimait que la file d’attente était trop longue ? Impossible d’imaginer la scène… Et il est aussi difficile de trouver une réponse quant à la raison de la simple présence de ces agents secrets dans l’ambassade, arrivés de Riyad juste avant ce meurtre. Et où se trouve maintenant le cadavre de Khashoggi ? Et pourquoi avoir nié ce présumé « accident » pendant une semaine ?

Les pays occidentaux n’ont pas trop envie de creuser. Selon l’Institut de Recherche sur la Paix SIPRI, l’Arabie Saoudite est le deuxième plus grand acheteur d’armes au monde – fermer les yeux devant les méfaits de la famille royale sauve donc des emplois aux Etats-Unis, en Allemagne et en France. Considérant le poids économique de l’Arabie Saoudite, on comprend mieux pourquoi Donald Trump gobe cette histoire d’une « bagarre » ayant entraîné la mort de Jamal Khashoggi.

Où est donc le cadavre de Jamal Khashoggi ? Même si l’histoire farfelue proposée par l’Arabie Saoudite devrait être vraie, où est alors la dépouille de Khashoggi ? Quelqu’un a du déposer du corps, qui ? Où ? Quand ? Où sont les documents officiels ? Où est le certificat de décès ? Où est le rapport du docteur que les diplomates saoudiens auraient certainement appelé en cas d’accident ?

Les grandes nations industrialisées (comprendre : les grands producteurs d’armes) vont d’abord s’indigner, souligner leur attachement à la liberté de la presse et on finira par décider d’enquêter sur ces questions, sans toutefois précipiter les choses. Le gouvernement à Riyad promettra de faciliter cette enquête et dans quelques semaines, plus personne ne parlera de Jamal Khashoggi. Les ventes d’armes, elles, continueront. Comme dit, qui froisserait son meilleur client ?

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