Coronavirus : que fait l’Union Européenne ?

Le manche, la lame et le couteau

L'Enfant malade, Tadeusz Kuntze Foto: MBA Carcassonne Joconde/Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – On entend parfois reprocher aux institutions européennes leur inaction et/ou leur inefficacité. C’est injuste : malgré certains couacs comme l’actuel refus du RGPD à autoriser la publication de la liste des pros de la santé (ce qui empêche la livraison de masques de protection), c’est plutôt de trop peu d’Europe que souffre l’Europe… Et pourtant, le tissu de protection sanitaire et anti-catastrophe est là et bien là : guère de défauts dans l’organisation, et des fonds assez considérables. Le bât blesse plutôt en amont, dans la détermination même de la finalité de l’UE : faciliter l’enrichissement d’une nouvelle classe de technocrates, ou bien servir la population des 27 pays membres ? Et aussi, assez gravement, dans la circulation de l’information. Mais c’est précisément sur ce plan que le trop peu d’Europe présente aujourd’hui les plus graves conséquences. D’autant plus qu’on ne peut guère s’attendre, hélas, à une intégration renforcée pour les années à venir… A moins que la société civile s‘y attelle sans relâche.

Ces mois ci, la pandémie du COVID-19 nous confronte très concrètement et de manière très apparente à l’éparpillement des Etats membres dans ce qui porte difficilement le nom d’ « Union ». Les 6, 7 et 10 mars ont eu lieu des réunions (en visioconférence) des 27 ministres de la Santé. Le COVID-19 sévissait déjà depuis au moins deux mois ; mais aucune concertation n’avait encore eu lieu ! Et chacun de ces ministres s’interrogeait sur les intentions de son ou de ses voisins… Les mesures mises en œuvre par l’UE ont donc été tardives ; très tardives… C’est qu’en effet, il est illusoire d’espérer voir l’UE fonctionner autrement que par le fameux Article 168 du Traité de Rome (renforcé à Lisbonne en 2007), qui régit l’action européenne dans chacun des Etats membres, dans un sens qu’on peut juger très restrictif.

Au-delà de ce constat, on ne peut que constater l’abondance des fonds et des institutions mis en œuvre pour parer à la pandémie et pour essayer d’y mettre fin. Le 10 mars, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission Européenne, a annoncé que la CE allait dépêcher un fonds d’investissement de 25 milliards d’euros ; le Conseil et le Parlement doivent encore entériner cette décision.

L’UE bénéficie d’un atout considérable : à savoir le caractère pluriannuel de son budget, et donc, la souplesse de sa mobilisation des fonds ; et par là même, sa flexibilité actuelle sur les critères de convergence, concédée le 17 mars par les 27 ministres des Finances. Ce même mois a été prise une décision ambivalente, mais sans doute nécessaire dans cette urgence sanitaire : 37 milliards d’euros normalement réservés à la politique de cohésion seront accordés aux Etats, ainsi qu’une garantie de prêts de 8 milliards pour relancer leur économie.

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies est une sorte d’OMS européenne ; c’est un instrument d’observation et d’analyse remarquable. Pour ce qui est de la recherche du vaccin contre le coronavirus, Horizon Europe, le programme de recherche européen, disposera de 140 millions de fonds. Par ailleurs, le Conseil Européen, sous les espèces de RescEU, mécanisme de lutte contre les catastrophes naturelles, achètera les équipements individuels.

La Banque Centrale Européenne,elle, dont on critique si souvent la roide inertie, compensera les dettes des Etats membres et de certaines entreprises (750 milliards d’euros) pour inciter les banques à concéder des prêts au taux le plus bas possible.

Et puis, les mesures restrictives aux frontières de l’UE, assurées par le Mécanisme contre les menaces graves pour la santé dans l’UE, fondé en 2009-2013 pour lutter contre la fièvre porcine, le Système d’alerte et de réponse pour la prévention et le contrôle des maladies transmissibles, la rétention du matériel médical et de protection pour l’UE, tout cela complète la panoplie européenne d’urgence appelée à lutter contre le COVID-19. S’ajoutent à cela les dispositifs d’urgence comme le Mécanisme de protection civile mis à contribution pour le rapatriement de ressortissants européens (notamment du Wuhan). Ce mécanisme a essuyé beaucoup de critiques en Italie à cause de sa lenteur…

Liste non entièrement exhaustive. Il faut y ajouter le Fonds de solidarité de l’UE, mobilisable en cas de catastrophe naturelle, et qu’on n’a pas encore utilisé cette année.

Tout cela forme un dispositif très remarquable, sans équivalent, qu’on qualifiera même d’admirable. Resterait à en renforcer très vite la cohésion et l’unité. L’efficacité même de la lutte contre le COVID-19 en dépendra. Ainsi que celle du combat contre d’autres éventuels malheurs, auxquels l’Europe pourrait répondre de manière très pertinente si on s’y employait activement, si s’éveillait un nouvel activisme européen. A commencer par l’injustice, les inégalités et la pauvreté.

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