Coup de geule : France – Allemagne : Halte au feu !

Le ton monte à chaque fois que des élus allemands et français se rencontrent. Parfois, on pourrait se dire qu'ils feraient mieux de prendre exemple sur des initiatives citoyennes...

Malgré son sourire angélique, Ingeborg Gräßle a employé un ton assez désagréable. Foto: (c) European Union / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Martin Luther a lancé un jour : «Dieu, préservez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge !» Une phrase terrible qui mériterait, au train où vont les choses, d’être placée en exergue du nouveau chapitre d’une «amitié franco-allemande» qu’on ne cesse de célébrer officiellement dans le droit fil du… Traité d’amitié franco-allemand dit «Traité de l’Elysée» bien malmené en ce moment ! «Quand, vous les Français, allez vous respecter vos engagements», a lancé l’euro-députée allemande Ingeborg Grässle (CDU), en interpellant Jean-Luc Melanchon, Cécile Duflot et Léo Hamon, élus se réclamant de la majorité de gauche, tous anciens ministres. Et d’ajouter : «Vous n’êtes pas fiables». L’échange -particulièrement tendu- se situait dans la première partie de l’émission «Des Paroles et des Actes», animée par David Pujadas, le journaliste-vedette de la deuxième chaîne de la télévision française.

Plus de 2.200.000 téléspectateurs ont suivi l’échange entre la députée du Bade-Wurtemberg brutale et sans concession et les élus où Jean-Luc Mélanchon, redoutable tribun du Front de Gauche, tint le verbe haut lançant notamment : «… Notre peuple ne manque pas de courage. Il le prouve tous les jours, chaque matin et vous seriez bien avisée de nous parler sur un autre ton… Nous n’avons pas de leçon à recevoir de vous, ni de l’Allemagne !»

Quand le ton fait la musique ! – Son interlocutrice eut évidemment beau jeu de lui rappeler qu’en matière de ton, un certain nombre d’hommes politiques français n’ont guère été mesurés lorsqu’ils ont attaqué la politique allemande : «On ne vous donne pas de leçon. On vous rappelle juste ce qu’on a décidé ensemble. Vous avez promis de vous attaquer au déficit budgétaire. Vous l’avez promis trois fois», a rétorqué Ingeborg Grässle qui estime que les mesures prises par Paris sont insuffisantes : «Il est temps de le faire : on ne donne pas de leçon en vous le rappelant», a-t-elle conclu. Sans doute avait-elle raison sur le fond, sans doute n’a-t-elle été que le reflet de l’irritation croissante côté allemand devant la lenteur des mesures prises France, mais, comme le dit une chanson populaire française «c’est la manière qu’elle n’avait pas !…».

Cela étant, il est évidemment plus difficile de procéder à des réformes dans des pays dont l’économie ne relève pas réellement de l’économie libérale, comme c’est le cas en France où on ne souligne pas assez que, selon une longue tradition d’interventionnisme d’état, 57% du PIB dépend de la dépense publique, alors que ce taux ne dépasse pas 45% en Allemagne : le moindre déplacement du curseur sur l’échelle des dépenses publiques a, dès lors, des répercussions économiques parfois disproportionnées de ce côté-ci du Rhin. Sans doute aurait-on du y penser au moment de la négociation des traités !

Montebourg : «Contre les axiomes idéologiques allemands» ! – Certes, le ton employé par l’élue CDU reflétait assez bien celui utilisé par nombre de médias allemands qui dans la course au «french bashing» tendent, parfois, à concurrencer les médias britanniques. Il rappelle aussi les diatribes qui se sont développées en France lorsque l’ancien Ministre Arnaud Montebourg, comparant la politique d’Angela Merkel à celle de Bismarck, a lancé : «La France ne peut plus se laisser faire face à l’Allemagne prise au piège de la politique austéritaire… La France n’a pas vocation à s’aligner sur les axiomes idéologiques de la droite allemande !…» Tandis que Claude Batolone, le Président de l’Assemblée Nationale française réclamait «une confrontation avec l’Allemagne !», évoquant les relations franco-allemandes, il soulignait : «François Hollande appelle ça la tension amicale, pour moi c’est la tension tout court et s’il le faut, la confrontation !»

On espérait ne plus en être là, même si des difficultés apparaissaient dans un certain nombre de dossiers : le difficile ralliement de l’Allemagne à l’idée d’Ariane 6, les réticences de Sigmar Gabriel face aux éventuels rapprochements entre entreprises franco-allemandes dans l’armement, les réserves de l’Allemagne face aux interventions au Mali et en Centre-Afrique derrière lesquelles on cherchait un nouvel essai français pour garder la main sur une partie de l’Afrique, le retrait sans concertation d’Allemagne d’un régiment français de la brigade franco-allemande etc… On peut y rajouter, plus récemment, l’absence d’Angela Merkel, invitée, aux cérémonies commémorant l’Armistice de 1918… Il est vrai qu’une coopération dans le dossier ukrainien s’était engagée et que tout porte à croire que, soucieuse d’éviter de jeter de l’huile sur le feu de ses relations avec François Hollande, Angela Merkel a su éviter que… Nicolas Sarkozy ne vienne à Cologne, au Congrès de la CDU !

Merkel «super-star» malgré les critiques ! – Pour certains observateurs, ses propos peu amènes, dans «Die Welt», sur le manque de réformes en France et sur son adhésion à la thèse de son «poulain» Jean-Claude Juncker (dont Hollande ne voulait pas) affirmant que la France n’aurait plus de délais supplémentaires pour engager ses réformes, sont une réponse aux entretiens décidés en solitaire entre Hollande et Poutine, l’ex-protégé de la Chancelière. Pour d’autres observateurs, l’interview dans «Die Welt» voulait, en fait, déminer le terrain du congrès de la CDU et prévenir les critiques qui se sont faites jour, ces derniers mois, contre la politique (ou plutôt l’absence de politique !) d’Angela Merkel. Ne lui reproche-t-on pas les élections régionales perdues, le résultat décevant de nombreuses élections municipales, une «gauchisation» sous l’influence du SPD, les débuts d’essoufflement de l’économie, la politique vis-à vis de la Russie et de l’Ukraine. Tout cela n’empêchera pas que la Chancelière vivra, à Cologne, un nouveau triomphe !

Cela n’empêchera pas non plus tous ceux -nombreux- qui sont favorables à l’indispensable tandem franco-allemand, moteur d’une Europe à relancer, de s’inquiéter devant le passage à vide -pour ne pas dire plus- dans les relations franco-allemandes. L’escalade verbale à laquelle nous assistons, reflète-t-elle quelque chose de plus profond dont on prendra la mesure lors du prochain sommet européen ?Celui-ci aura lieu à Bruxelles, les 18 et 19 Décembre. On espère y assister à une désescalade : en attendant, croisons les doigts et lançons un vigoureux «Halte au Feu !»

2 Kommentare zu Coup de geule : France – Allemagne : Halte au feu !

  1. Et voila, avec le choix de Berlin comme capitale fédérale, c’est un glissement de l’Allemagne vers une position plus prussienne. Il est de plus en plus loin le temps de Bonn, l’Allemagne rhénane …

  2. Entièrement d’accord avec vous – cette Allemagne rhénane avait un côté modeste, sympa, mais depuis le déménagement de la capitale à Berlin, ce n’est plus pareil. En tant que natif de Bonn, je ne suis pas neutre, mais la capitale Bonn n’était vraiment pas une mauvaise chose…

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