Courte victoire aux points pour Martin Schulz

Lors du premier duel TV entre Martin Schulz et Jean-Claude Juncker, Schulz a su se présenter comme le candidat d’une Europe plus sociale et solidaire.

Hier soir, Martin Schulz a su se positionner comme le candidat d'une Europe plus solidaire et sociale. Foto: Martin Rulsch, Wikimedia Commons

(KL) – Le premier duel télévisé entre le social-démocrate Martin Schulz et le chrétien-démocrate Jean-Claude Juncker sur les deux chaînes allemande et autrichienne ZDF et ORF a tourné légèrement à l’avantage de Martin Schulz. Les deux candidats, dans le cadre d’un débat factuel, respectueux et parfois même détendu, représentent deux perceptions différentes de l’Europe. Celle de Jean-Claude Juncker, incollable sur les dossiers, mais technocratique et trop à l’écoute des «marchés» et celle de Martin Schulz, plus tournée vers l’équilibre social et les conditions de vie des citoyens. Ce qui offre aux électeurs et électrices, un véritable choix d’orientation de la politique européenne.

En ce qui concerne l’Ukraine, les deux candidats ont fait des déclarations qui ne se contre-disaient pas. Tandis que Jean-Claude Juncker s’est dit défavorable à une adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE, Martin Schulz a parlé d’une «attitude plus dure» qu’il convient d’adopter vis-à-vis de Vladimir Poutine. Les deux, logiquement, ont souligné l’importance de continuer et d’intensifier le dialogue entre tous les partis impliqués. Difficile de défendre une autre position.

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, le public remarquait rapidement que l’un des candidats vient du Luxembourg. Juncker favorise une «compétition fiscale» entre les états-membres de l’UE, tandis que Schulz martellait que c’est justement cette compétition fiscale qui permet aux grandes entreprises de se délocaliser là où elle paye le moins d’impôts ou pas d’impôts du tout. «Il faut en finir avec une situation où les grands groupes réalisent des bénéfices sans payer d’impôts, tout en se faisant rembourser des pertes par le contribuable», estime Schulz, tandis que Juncker parlait déjà des exceptions à appliquer à cette taxe. Là, Schulz marquait des points, en défendant une Europe taxant les grandes capitaux pour allèger les moins fortunés. Juncker, lui, ne s’est pas dit hostile à une telle taxe, mais en la diluant en proposant d’exclure de nombreux produits financiers de cette taxe – voilà une opposition entre l’Europe des Citoyens et l’Europe des Marchés.

La politique que propose Jean-Claude Juncker en matière de réfugiés arrivant en Europe, est la même depuis des décennies – la politique des promesses non tenues. Juncker propose d’investir dans les pays du Tiers Monde «pour que les gens puissent rester là-bas, travailler et vivre dignement». Mais – dans la pratique, on reste à l’effet d’annonce. Déjà au sommet G8 de Heiligendamm en 2008, les puissants du monde avaient décidé de créer un «fonds de solidarité pour l’Afrique» de 50 milliards de dollars destinés à améliorer les conditions de vie en Afrique. Pour permettre aux gens de rester vivre chez eux. Belle idée. Dont on attend encore aujourd’hui la mise en oeuvre. Schulz, lui, a demandé des quotas européens pour distribuer la charge sur l’ensemble des pays européens.

Autre grande différence entre les deux candidats – le chômage et plus particulièrement, le chômage dramatique des jeunes dans les pays du sud de l’Europe. Jean-Claude Juncker souhaite combattre ce fléau avec la sacro-sainte croissance, ce que l’Europe essaye en vain depuis longtemps. La proposition de Schulz est la mise en oeuvre d’un fonds de crédits pour les PME-PMI dans ces pays, des primes pour l’embauche de jeunes chômeurs à la clé, générant ainsi une dynamique économique, tout en réduisant le chômage. Toutefois, il faut avouer que ce programme est aussi assez théorique – tous les programmes comparables déjà lancés dans ce sens, se sont enlisés soit dans la lourdeur de l’administration bruxelloise, soit dans la lourdeur administrative (et parfois la corruption) dans les pays concernés. Pour que la proposition de Schulz puisse réussir, il faudra d’abord créer un environnement permettant d’éviter les problèmes rencontrés dans le passé.

A la question sur le TTIP, le traité sur la mise en oeuvre d’une zone d’échanges libres avec les Etats-Unis, les deux candidats n’étaient pas convainquants. Tous deux ont refusé la possibilité de revoir des standards européens à la baisse pour les «harmoniser» avec les standards américains, tout insistant de vouloir faire signer ce traité. Difficile de comprendre comment on peut s’opposer à l’esprit d’un traité, tout en maintenant la volonté de le signer. Seule différence entre les deux : Schulz demande à ce que les négociations soient transparentes, Juncker étant pour les négociations derrière des portes fermées «pour ne pas divulguer la stratégie». Eh ben.

Si Schulz a su se positionner un peu plus comme le défenseur des citoyens européens, si Juncker se positionne comme le représentant de l’Europe d’hier et d’aujourd’hui, les deux n’ont pas pu conquérir le coeur des électeurs. Et – ni Schulz ni Juncker n’ont parlé de Strasbourg. Pour les deux candidats, l’Europe, c’est Bruxelles. Toute la misère commence là.

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