Covid-19 – La « guerre des générations » n’aura pas lieu !
Dans la crise pandémique actuelle, les jeunes générations et les personnes plus âgées, doivent rester solidaires. Si la compréhension mutuelle peut être améliorée, la solidarité intergénérationnelle existe bel et bien
(Alain Howiller) – C’est -croit-on- le nouveau sujet qui fâche et qui accompagnerait les débats nés de la crise sanitaire et de ses effets ! Pourtant, le débat est ancien : il s’était déjà imposé à l’opinion, en 2008, lorsque la crise financière dite des « surprimes » avait instillé chômage et déroutes dans l’économie. Les jeunes avaient alors été particulièrement frappés, tout particulièrement en France. Mais les « seniors » acteurs de de ce qu’on commençait à appeler la « silver economy »(!), n’avaient pas été épargnés dans leurs économies (pour les retraités surtout), alors que les plus de 50 ans voyaient se préciser chômage et… pré-retraites. Un peu plus de dix ans après, la pandémie vient à nouveau menacer la santé des populations à travers le monde et engage un processus majeur de déstabilisation de l’économie mondiale.
Les effets sur l’économie sont comparables à ceux nés au moment de la crise financière en 2008, même si l’impact -sur le pouvoir d’achat voire sur les pertes d’emplois- a pu être, cette fois -et quoiqu’on dise- encadré par les mesures de soutien développées (mais jusqu’à quand ?) par les gouvernements. Jeunes et seniors ont été à nouveau frappés, mais si, en France en particulier, état et collectivités ont essayé de lutter contre les effets de la crise en mettant en place des « plans jeunes », « l’Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines – ANDRH » a réclamé, par la voix de son président Benoît Serre, un « plan senior » pour « enrayer le volume important de seniors sans emploi qui risque de marquer, en Septembre ou Octobre, la sortie de crise ».
La majorité qui croit au conflit ! – Alors, « Jeunes » et « Seniors » -actifs donc- ou ceux qu’on appelle un peu hypocritement « personnes fragiles » (en fait les retraités !) prêts à en découdre pour faire face à la crise ? Un récent sondage Odoxa révèle que 44% des sondés redoutent « un peu » et 12% « beaucoup » un « conflit de génération » dans les mois qui viennent : la part de ceux qui craignent « assez peu » voire « pas du tout » un tel conflit est respectivement de 8 et 35%. Dans l’adhésion au « oui », on compte 60% de jeunes de 18 à 34 ans et 56% des sondés de 65 ans et plus. 59% des jeunes de 18/34 ans sont favorables à des mesures de confinement des personnes âgées et vulnérables, le pourcentage tombe à 48% pour les 35/49 ans, à 40% pour les 50/64 ans et à… 26% pour les 65 ans et plus.
Et si les deux catégories se retrouvent presque à égalité (82% pour les jeunes, 80% pour les 65 ans et plus) pour considérer que les décisions prises par le gouvernement ne prennent pas correctement en compte leur besoins dans la crise, une autre étude souligne que 70% des 65 ans et plus considèrent que les jeunes ne se rendent pas compte de leurs difficultés alors que 57% des jeunes considèrent, de leur côté, que les « anciens » ne se rendent pas compte de leurs difficultés ! Incompréhensions, faux dialogue de sourd, impasse intergénérationnelle, délitement de ce lien de solidarité entre les générations déjà hérité du… Conseil National de la Résistance ?
Payer pour les baby-boomers ? – Le diagnostic s’avère difficile et les conclusions restent hasardeuses : faut-il pour autant adhérer à cette affirmation un peu simpliste et radicale que « la génération-confinement » (ou génération Covid !) paie pour les « baby-boomers » ou reprendre à son compte cette interrogation du magazine « Philosophie » : « Au nom de la protection des plus âgés, des plus exposés, avons-nous sacrifié une partie de la jeunesse ? Sommes-nous à l’aube non seulement d’une lutte de fond contre un agent pathogène, mais aussi d’une guerre entre les générations ? » Si ainsi formulée, la question est assurée (…la preuve !) de trouver une reprise dans les médias, elle mérite, pour le moins, d’être nuancée, non pour nier un risque, mais pour en recadrer -voire relativiser- la réalité. A vrai dire c’est « d’une » réalité qu’il s’agit, car « la » réalité est, par la force des choses, relative !
D’abord, l’écart entre les « oui » et les « non » émergeant dans les sondages se rapproche lorsqu’on intègre dans les données, le pourcentage (limité : de l’ordre de 1% ici) de « ceux qui ne savent pas » et la marge d’erreur (habituellement de l’ordre de 2 à 3%). La réalité des « blocs » interrogés n’est pas aussi évidente qu’il y paraît : les réponses aux questions globales ne seraient sans doute pas les mêmes si… l’anonymat était levé !
Des solidarités estompées ou inexistantes. – Car si les solidarités semblent estompées à travers les réponses apportées par les sondages, la réalité montre l’engagement des « personnes fragiles » auprès des jeunes à travers de multiples services rendus, y compris d’ordre financier. Elle met aussi en évidence les soutiens apportés par les jeunes à ceux qui souffrent et réclament de l’aide. Ils n’hésitent pas à s’engager, dans un monde où la progression du digital est source de handicap pour les « anciens », à apporter leur soutien aux personnes fragiles que « l’illectronisme » menace.
Ils aident comme ils peuvent proches et moins proches : selon une analyse de la « Direction de la Jeunesse, de l’éducation populaire et de la Vie Associative – Djeva », 40% des jeunes entre 18 et 30 ans répondent à un engagement bénévole et 46% ont déjà signé une pétition de solidarité et de soutien sur Internet ! Dans les mouvements « scouts », les associations à buts humanitaires, les églises, les organisations de défense de l’environnement (« Youth for Climate », par exemple, compte 130 groupes en France !) recrutent un nombre impressionnant de jeunes, d’après leurs dirigeants.
Rappelez-vous les « Gray Panthers » ! – Cet engagement qui souligne une importante disponibilité « intergénérationnelle », tend à prendre à rebours ceux qui, portés par un ciblage souvent contestable de la part des réseaux sociaux et des médias, utilisent et contribuent inconsciemment à jeter de l’huile sur le feu des tensions. Ces dernières s’inscrivent désormais dans un contexte de désescalade : après un an de crise, qui peut croire que les dirigeants, quoi qu’il en coûte, ne seront pas amenés à affiner et à assouplir les mesures restrictives qui encadrent notre quotidien ? L’arrivée des vaccins, la perspective de traitements, le nécessaire engagement de dirigeants qui voient des périodes électorales (!) proches, contribuent à retisser la toile jusqu’ici tendue des relations intergénérationnelles.
Ils sont redevenus nombreux ceux qui -à tort ou à raison- pensent que l’enfer de la Covid-19 s’éloigne pour laisser la place à l’espoir. La guerre entre « jeunes » et « vieux » n’aura pas eu le temps de s’installer. Comment, à ce propos, ne pas retenir cette interview de Juliette Rennes, sociologue et maître de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes de Sciences Siociaes-EHESS, qui rappelle (Le Monde du 26 Février) : « Le premier nom des Grays Panthers (ndlr : collectif de femmes né aux Etats-Unis en 1970 pour dénoncer l’attitude « anti-anciens ») était d’ailleurs « l’association des adultes les plus jeunes et les plus âgés pour le changement social » ».
Le choc est derrière nous et la guerre des générations » n’aura pas lieu !
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