Covid-19 : les Français, las et moroses, attendent… l’après !

Alain Howiller sur l’état psychologique des Français après une année de pandémie. Supporter cette situation devient de plus en plus difficile…

Oui, tout le monde aimerait retrouver "la vie d'avant"... Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Il aura suffi, après la période neigeuse et froide que nous venons de vivre, que le soleil brille, ne serait-ce qu’un jour (!), pour que les spéculations sur l’après-Covid-19 se relancent. Hier encore, les titres des médias incitaient à accepter « le vouloir vivre avec le virus », aujourd’hui, la tonalité du « je veux qu’on en sorte » s’impose. La pression de la rue se fait plus forte sur les gouvernants, au risque de les amener à prendre des décisions légitimant des mesures de relâchement qui pourraient coûter cher et pas seulement en matière de santé publique !

Il est vrai que tant la lassitude que la morosité se sont installées dans l’opinion. « Les Français ont l’impression d’être plongés dans une crise qui s’éternise », souligne le politiste Bruno Cautrès (Le Monde du 23 février et BFM-TV du 22 février) commentant la dernière enquête commandée à Opinion-Way par le Centre de Recherches Politiques de Sciences Po (Cevipof). « Depuis l’automne 2018 », poursuit-il, « il y a eu les gilets jaunes, puis la contestation contre la réforme des retraites et maintenant, cette longue épidémie. Il y a le sentiment d’une crise sans fin dont on ne verrait jamais la sortie ». Il est significatif, d’après cette enquête(1), que 41% des Français (+13 points par rapport à Avril) déclarent éprouver de la lassitude et que 34% (+6 points) d’entre eux déclarent éprouver de la morosité !

Un vaccin pour retrouver une vie normale ? – Il est peut-être plus significatif encore de relever que 48% de la catégorie de « ceux qui ont été vaccinés ou qui comptent se faire vacciner » ont suivi cette démarche pour retrouver une vie normale, alors qu’ils sont 22% à adhérer à la démarche pour se… protéger contre le virus et 16% pour protéger les autres et notamment les plus fragiles.

On peut noter que, de leur côté, seuls 15% des Allemands (+3 points par rapport à Avril) ont avoué éprouver de la lassitude et 14% (+7 points) de la morosité.

Un peu plus de un an après avoir découvert la réalité d’un virus que d’aucuns estiment circuler, en Chine, depuis l’automne 2019 et dont un chercheur colmarien pense avoir pu relever des traces dès le mois d’août, il n’est pas étonnant que lassitude et morosité se soient installées, même si la pandémie a induit des comportements, voire une phraséologie dont on aura sans doute du mal à se sortir lorsque, un jour (mais quand ?) la crise sanitaire aura vécue !

Des mots pour le dire ! – Pour ce qui est du dernier aspect, la Covid nous a familiarisé avec des termes de corona-pistes (pistes pour vélos), locavore (consommer des produits de « proximité »), homewear (tenues qu’on porte à la maison en cas de télé-travail), confinement, pandémie, click&collect, « génération Covid » ou « génération pandémie », visioconférences, drive, marketplace, réunion en « présentiel », épargne Covid etc…

Les humoristes ont déjà brocardé un après-crise sans serrage de main, sans bises, mais avec masques et après s’être… lavé les mains ! Les économistes, sociologues, psychologues, comportementalistes -et j’en oublie- s’interrogent, de leur côté, sur la pérennité des changements d’habitudes induits par la crise sanitaire et les multiples restrictions liées aux diverses formes de confinement. Les achats sur internet (+8,5% l’année dernière) représentent 13,4% du commerce de détail en France contre 9,8% en 2019 : la progression va-t-elle se poursuivre, voire s’intensifier, maintenant que la crise a contribuée à démythifier le digital pour pousser vers les « drives », les « marketplaces » ou les « click&collect » ?

L’évolution du digital combiné à un souci désormais évident, selon les sondages, d’acheter à bon compte va-t-elle contribuer à soutenir les transactions entre particuliers, les achats de produits d’occasion. Un sondage « IPSOS » a souligné que, dans un souci d’économies à réaliser, un tiers des sondés avaient l’intention de recourir désormais à l’achat de produits de « seconde main » notamment dans les secteurs… textile et produits technologiques (téléphones, ordinateurs…) ! Et le même sondage révèle que 37% des sondés avaient consommé plus de « plats maison » qu’avant la pandémie.

De nouvelles habitudes de consommation et des… livres ! - Une intéressante étude de la « Chambre de Commerce et d’Industrie – CCI » a mis en lumière que 64% des sondés avaient changé leurs habitudes avec la crise : 56% avaient changé leurs habitudes de consommation en produits non-alimentaires, 22% achetant en « seconde main » : 80% ont déclaré vouloir privilégier leurs nouvelles approches lorsque aura lieu la sortie de la situation pandémique ! 18% ont révélé qu’ils achetaient désormais auprès de particuliers et 74% ont affirmé qu’ils avaient gardé leurs nouvelles habitudes de consommation après le confinement du premier trimestre 2020 : le symbole en étant que, retrouvant une liberté de mouvement, ils ont continué à acheter des… livres, des jeux de société et du matériel de bricolage !

Tous les sondages, toutes les analyses convergent pour constater que, en France, les restrictions sous toutes les formes (contraintes de circulation, télé-travail, fermeture des restaurants et de cantines) ont conduit à retrouver les repas à domicile (y compris en utilisant les livraisons), à privilégier le « bien manger » avec des produits « bios » achetés souvent chez des producteurs à proximité, dont les ventes de fruits, de légumes et de viande se sont envolées (les prix aussi) !

Une étude de l’IFH de Cologne. – Ils mettent en évidence que la fréquentation des commerces, et par conséquent, des centres de nos villes doivent s’adapter désormais aux nouvelles donnes : tenir compte des exigences d’achat aux meilleurs prix possibles, allier ventes en points de distribution physique et sur internet, prendre en considération les nouvelles politiques de mobilité mais tout faire, aussi, pour créer des emplois en ville.

Etudier et s’adapter à une clientèle sur laquelle une récente étude de « l’Institut für Handelsforschung – Köln » (IFH – Köln – Institut pour la Recherche sur le Commerce de Cologne) a jeté une lumière, valable sur l’axe rhénan : 65% des personnes ayant entre 51 ans et plus, 61% de celles ayant entre 26 et 50 ans se rendent en ville pour faire du « shopping », mais seulement 50% des jeunes jusqu’à 25 ans font de même.

L’après-Covid reste à définir : mais ceux qui venant se faire vacciner avec l’espoir de « retrouver une vie normale », se trompent, sans doute, lourdement en pensant que ce terme reste synonyme de « vie d’avant ».

 

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