Covid-19 vs Péninsule Ibérique

Face à la Crise du Covid-19, Espagne et Portugal innovent.

Le Tage (Tajo ou Tejo), à la frontière ibérico-lusitanienne, traverse la Péninsule Ibérique d'Est en Ouest. Foto: Lucyin / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Il y a peu, la police espagnole mettait la main sur deux millions de masques FFP2 volés qui, dans un entrepôt de Saint-Jacques-de-Compostelle, attendaient avec du matériel médical d’être acheminés discrètement vers le Portugal, pour y être revendus tout aussi discrètement. Soit une prise d’une valeur de 5 millions d’euros. Le Portugal où une équipe d’ingénieurs et de médecins, rassemblés autour du projet Open Air lancé le 11 mars 2020 via Twitter par le scientifique et philosophe João Nascimento, a réussi tout aussi récemment, grâce à des matériaux utilisés couramment dans les circuits d’eau et de gaz, à mettre au point un respirateur 25 fois moins cher que les modèles couramment utilisés par les hôpitaux. Soit 1.000€ l’unité contre 25.000€. Ces deux informations, mises en perspective, montrent combien, dans la Péninsule Ibérique comme partout ailleurs, l’être humain est capable du pire mais aussi du meilleur.

Il convient alors de s’attacher prioritairement au meilleur, le pire manquant rarement une occasion de se manifester. Ainsi, autre élément encourageant, celui-ci sans aucune ambiguïté  contrairement à l’association des deux informations précédentes, en Espagne, un bouclier social est imaginé par le gouvernement de coalition de gauche conduit par le socialiste Pedro Sánchez.

Voulant à tout prix éviter que la crise du Covid-19 entraîne les mêmes effets que la crise des subprimes de 2008, une aide de 200 milliards d’euros est apportée par l’État aux entreprises. Ce soutien à l’économie du pays se double de mesures sociales, comme l’interdiction des licenciements annoncée par Yolanda Díaz, la ministre communiste en charge du travail. Autre mesure importante, à travers laquelle on perçoit l’influence de Pablo Iglesías (Podemos), ministre en charge des Droits sociaux et de l’agenda 2030, l’instauration d’un revenu universel va venir directement en aide à nombre de personnes mises à mal par la crise sanitaire. La combinaison de ces deux axes démontre qu’une coalition de gauche peut se montrer, en situation de crise, à même de soutenir à la fois l’économie et l’humain. Les deux étant indissociables, contrairement à ce que martèlent dans nombre de médias mainstream, les tenants de la pensée ultra-libérale. On ne sauve pas prioritairement l’économie et par un supposé éventuel ruissellement, l’humain, car dans le monde réel, c’est bien l’humain qui est à la fois « moteur et objet » de l’économie.

Ce revenu universel concernera d’abord les travailleurs temporaires qui pourront bénéficier de 440 euros mensuels, le salaire moyen brut étant en Espagne, selon les chiffres de 2019, de 1.725€ contre 2.255€ en France. Ceci se combinant avec d’autres mesures sociales, comme la hausse record (22,3% en 2019 + 5,5% en 2020) du salaire minimal portant ce dernier à 950 euros bruts mensuels sur 14 mois, mesure concernant 2 millions de personnes sur une population de près de 47 millions d’habitants.

Le bouclier social comporte aussi un moratoire sur les crédits immobiliers et les loyers des familles les plus modestes, avec pour ces dernières, durant toute la durée de la crise sanitaire, maintien des services de base tels qu’eau, gaz, électricité et accès internet. Ceci conduit inévitablement à penser que, le meilleur y côtoyant le pire comme partout ailleurs, la Péninsule Ibérique, dans ce qu’elle a de meilleur, montre à l’Europe l’exemple à suivre.

Les innovations techniques portugaises, comme le projet Open Air, ne sont pas plus à assimiler à du système D, que les innovations sociales espagnoles à considérer comme des rêveries utopistes. Nous sortirons de cette crise sanitaire par le haut, seulement si nous prenons en compte les besoins et les idées de ceux se trouvant en bas. Ce qui inclut tant des mesures sociales nécessaires que des politiques d’innovation ambitieuses. Sans quoi nous allons nous retrouver confrontés à des systèmes mafieux, et l’affaire des masques de Saint-Jacques-de-Compostelle n’en sera alors qu’un infime exemple devenant très vite purement anecdotique.

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