«Crédit forcé» : Remboursons la Grèce – maintenant !

En 1942, les parachutistes de la Wehrmacht occupaient l'île de Crète. Beaucoup d'Allemands l'ignorent. Foto: Bundesarchiv, Bild 183-L22010 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Après le Bac, j’ai passé un an sur l’île de Crète, dans un village qui s’appelle Azogires, près de Paléochora, et un jour, un vieux du village qui m’aimait bien, m’a pris par la main pour m’emmener faire une balade. «Je veux te montrer quelque chose», disait-il. Nous arrivions à un cimetière en pleine montagne où étaient enterrées environ 150 résistants grecs, fusillés par les Nazis pendant la guerre. Jusqu’à ce jour, j’ignorais que le nazisme s’était frayé un chemin jusqu`aux villages les plus reculés dans les montagnes de l’île de Crète, où encore dans les années 80, il n’y avait ni électricité, ni télé, ni radio, ni journaux – mais les Nazis étaient passés par là.

Pourquoi je vous raconte cela ? Les générations allemandes d’après-guerre ignorent beaucoup de choses qui se sont passées pendant la guerre, moi le premier. Les horreurs que les Nazis ont infligées à la Grèce ne figurent pas dans nos livres d’histoire à l’école – on nous parle de Stalingrad, de Dresde, du Débarquement, peut être encore de El-Alamain. Mais pas de la Grèce. Ce qui explique, en partie et sans le justifier, le manque d’empathie allemand vis-à-vis des souffrances du peuple grec.

Il convient de se souvenir de cette époque pour évaluer à juste titre la dette allemande vis-à-vis de la Grèce que le nouveau gouvernement grec veut faire valoir. Si la situation juridique concernant cette dette semble compliquée, elle est pourtant claire au niveau moral. En 1942, les Nazis avaient forcé la Banque Centrale de la Grèce à leur accorder un «crédit» de 476 millions de Reichsmark. De nos jours, on estime que cette somme correspondrait, avec intérêts, à un montant entre 11 et 70 milliards d’euros. Une somme que l’Allemagne n’a jamais remboursée.

L’Allemagne clame avoir payé, en 1960, la somme de 115 millions de DM à la Grèce. C’est correct, mais cette somme constituait un dédommagement aux victimes du nazisme en Grèce, qui étaient nombreux. Rien à voir avec ce «crédit forcé» que les Nazis avaient pris au passage. Il est donc inconcevable et pas correct de citer ces 115 millions en disant «mais nous avons payé».

Les juristes sont en train de jubiler avec ce cas. Est-ce que la République Fédérale d’Allemagne est vraiment l’héritière légale de l’Allemagne nazie ? Est-ce que la RFA peut être tenue responsable des crimes des Nazis ? Là où chaque être humain répond, sans hésiter, par «oui», les juristes répondent par «oui, peut être, non, il faut voir». Le Droit et la Morale ne vont pas toujours de paire.

En laissant les considérations juridiques de coté, force est de constater que l’Allemagne n’a jamais remboursée ce «crédit» que la Grèce a du lui accorder sous la menace des armes en 1942. La morale voudrait que l’Allemagne sorte son portefeuille (bien garni – la crise en Grèce a bénéficié à l’Allemagne sur un plan financier) et qu’elle passe par la caisse.

«Stop», disent les juristes allemands, «dans le traité `4+2` définissant l’unification allemande en 1990, il est écrit noir sur blanc que l’Allemagne n’est plus redevable de `réparations` pour l’époque nazie». C’est vrai aussi, le traité stipule cette clause. Mais, pour rester au niveau juridique, le remboursement de ce «crédit forcé» n’est pas une «réparation» dans le sens du terme. Et autre question – est-ce que les Alliés et l’Allemagne étaient en droit de déterminer une telle clause sans le consentement de l’ensemble des pays concernés ? Personne n’avait demandé à la Grèce si elle était d’accord d’éponger à tout jamais les réparations allemandes. On voit, la situation juridique est tellement compliquée que des juristes pourront s’y amuser pendant des décennies.

Mais la Grèce ne dispose pas de décennies pour resoudre sa crise. Le pays traverse une catastrophe humaine sans précédent et la morale veut que l’Allemagne réagisse. Non pas en imposant de nouvelles règles d’austérité, non pas en donnant des conseils à trois sous sur la gestion du pays, mais en mettant de l’argent sur la table. De l’argent que des Allemands avaient volé aux Grecs. C’est aussi simple que cela.

Un tel geste éviterait non seulement un litige juridique, onéreux et peu honorifique pour l’Allemagne, mais il constituerait un geste de solidarité, de fraternité et de cohérence européenne. Il est honteux de réduire les Grecs que l’Allemagne ont délestés de 476 millions de Reichsmark en 1942, à des mendiants à qui on ne rend pas ce qui est du. L’Allemagne, pays riche ayant profité comme aucun autre pays de la crise en Grèce, a l’obligation de rembourser cette dette immédiatement. En laissant l’appréciation de la valeur actuelle de ces 476 millions de Reichsmark à des experts indépendants. Et ce, sans broncher.

Et non, ce n’est pas un citoyen grec qui le demande, mais un citoyen allemand qui a honte de son pays qui encore en 2015, se comporte comme si la IIe Guerre Mondiale n’avait été qu’un «détail technique de l’Histoire».

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