Croatie : Le mouvement populiste Mur vivant

Cinq Etoiles et demi au palmarès du n’importe quoi

Ivan Pernar, l'un des fondateurs de Zivi zid Foto: Victoria Migalic / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Tous les pays d’Europe ont leurs champions du y a qu’à ; ces partis populistes empêchent tout progrès social réel. Les populistes contre le peuple, encore et partout.

Le parti Mur vivant, ou Bouclier humain (Živi zid), représente aujourd’hui entre 12 et 15 % des suffrages croates. Les membres de Mur vivant sont des groupies de Poutine ; ils s ’entendent fort bien avec certain parti ultranationaliste serbe, propagent des fake news complotistes en exploitant notamment des « informations » transmises par le média salafiste de Sarajevo, par exemple celle qui veut que l’attentat de Berlin de décembre 2016 (12 morts), n’est qu’une fiction théâtrale montée de toutes pièces, qui n’aurait fait aucune victime. Živi zid veut le Croaxit, la sortie de l’UE – et de l’OTAN en même temps. Il veut que la Croatie s’associe à la Russie et… à la Chine (déjà bien présente dans le pays et dans tous les Balkans, d’ailleurs). Ce parti, qui ressemble furieusement à ses congénères populistes d’Italie et de bien d’autres pays européens, est devenu à Zagreb le principal parti d’opposition…

Un parti dangereux, en somme, tout comme son frère Cinque Stelle : des problèmes posés de façon partiale et unilatérale, des solutions dignes de gourous allumés à la graine de volubilis, une infaillibilité autoproclamée de ses pontifes. Mur vivant est un mur du çon. Mais pourquoi ce parti de déjantés a-t-il pris une telle importance ?

Et ceci, comme le font bien remarquer les dirigeants de Nova ljevica (Nouvelle gauche), grâce au recul et à l’affaiblissement de la gauche dans son ensemble. Un problème qui touche toute l’Europe – pour des raisons diverses et complémentaires.

Il y a en tout cas des constantes dans la montée européenne du populisme, avec une caractéristique plus visible cependant dans les anciens pays « socialistes ». Ici,le rejet des élites, réelles ou supposées, prend davantage qu’à l’Ouest l’aspect du rejet de toute idéologie, compréhensible – bien qu’illusoire – après un demi-siècle de « socialisme ». Il y a valorisation d’un supposé pragmatisme, qui tend à faire penser aux citoyens qu’avec un peu de bon sens, on peut tout régler par soi-même… Mais on confond alors trop souvent bon sens et ressentiment, bon sens et préjugés.

Les dirigeants de Živi zid, Ivan Vilibor Sinčić et Ivan Pernar, clament que leur parti « n’est ni de droite, ni de gauche », qu’il est « post-idéologie ». Et comme Cinque Stelle, comme tous les partis populistes, il décrète que le peuple, c’est lui, et personne d’autre : il ne peut donc qu’avoir raison sur tout, puisque le peuple, dans cette optique et par définition, ne se trompe jamais quand les élites, les banquiers, les méchants riches en somme, ne le trompent pas. C’est là que le bât blesse le plus douloureusement : le peuple est évidemment constitué de strates, voire de classes souvent antagonistes, qui ne peuvent se concilier dans un « peuple » que grâce à une conscience sociale aigüe et un arrangement propice à la cohérence de la société ; mais jamais à partir d’un affect où les composantes de la société s’estompent dans une vapeur nébuleuse.

Živi zid est né d’une activité sociale : celle du mouvement qu’il a organisé, en 2014, contre des expulsions d’appartements occupés par des familles dépourvues de moyens financiers. Il a ainsi pu surfer sur une popularité assez importante dans le pays. Sur cette lancée, l’un de ses fondateurs, Ivan Vilibor Sinčić, originaire de Karlovać, a marqué les esprits lors des élections présidentielles de 2014 par sa jeunesse (24 ans à l’époque) et son allure déjantée. La presse l’a présenté comme « le candidat anarchiste à la présidentielle ». Anarchiste ? Certes non !

Curieusement, il semble que Živi zid soit emmené par un mouvement paradoxal : populaire auprès des électeurs potentiels, il connaît actuellement beaucoup de départs en son sein : on peut expliquer ces nombreuses défections par la lassitude qu’éprouvent les militants quant à leur propre incohérence, aux contradictions qui l’abîment et l’enraient.

Ceux qui peut-être, vont bientôt dominer l’opposition se présenteront aux élections européennes de mai 2019. Comme tous les partis populistes, ils se proposent de détruire les institutions européennes de l’intérieur, en profitant de leur importance électorale.

A cette montée du populisme quelque peu délirant, pas d’autre solution sans doute que celle, maintes fois répétée, d‘une réforme du parti dominant la gauche, en l’occurrence, le Parti social-démocrate (SDP) de Davor Bernardić. Ramasseur des miettes de la période communiste, le Parti a certes changé depuis 1991. Mais il lui faudrait devenir un parti de gauche moderne, produisant une analyse pertinente et nouvelle de la situation et prenant en compte les les revendications de la société.

Un vœu pieux, une aspiration naïve ?

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