Croatie : le retour de la « gauche historique » ?

Victoire de Milanović aux présidentielles

Le nouveau Président de la République croate, Zoran Milanovic Foto: Roberta F./Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Le candidat du parti issu de la période communiste, Zoran Milanović, a battu la candidat de droite, la Présidente sortante Kolinda Grabar-Kitarović, malgré son look de top model. Mais il n’est pas sûr qu’on assiste aux débuts d’une nouvelle ère dans ce pays, le dernier à avoir intégré l’Union européenne…

Dimanche dernier, la participation a été faible dans les bureaux de vote croates : 44 %, contre 38 % lors des précédentes élections présidentielles, en 2014. Dans les Balkans aussi, la politique souffre d’une crise de la représentation… Qui est renforcée dans cette région par la corruption endémique et générale et le lien patent entre les pratiques politiques et le crime organisé, cependant plutôt plus discret ici qu’en Serbie ou qu’au Monténégro.

Le candidat social-démocrate SDP, Zoran Milanović, l’a emporté avec 52,7 % des suffrages, contre 47 % pour la Présidente sortante. La défaite de Kolinda Grabar-Kitarović s’explique sans doute, outre par un bilan économique contrasté, par la division du parti HDZ, tiré à hue et à dia entre des tendances centristes et en sens inverse, par des tentations ultra-nationalistes et fascisantes – qui ne semblent guère gêner ou déranger réellement Madame Kitarovic, comme le font bien voir certaines de ses déclarations récentes. Le HDZ est le parti qu’a fondé Franjo Tuđman lors de la dislocation de la Yougoslavie, à partir de 1990. Bien que la formation ait connu un très net glissement vers le centre-droit, il « ramasse » aussi et encore beaucoup de personnages très… actifs lors de la guerre contre la Serbie, dont un certain nombre de criminels de guerre dont les butins fructueux n’ont toujours pas été confisqués et redistribués.

Face au HDZ, le parti de gauche, le SDP, est largement l’héritier de l’époque communiste ; il est issu de la Ligue des Communistes. Et en tient pour une social-démocratie forte, et donc, pour une protection sociale conséquente… et paternaliste. C’est là une explication, au moins partielle, de la subsistance d’une forme de bipartisme croate, et de la victoire actuelle de Milanović.

Et cependant, après l’écrasante victoire des nationalistes de Tuđman, dans les années 1990, le SDP a dû faire des concessions très risquées pour pouvoir subsister : il l’a fait par le moyen d’alliances, de coalitions et… de véritables cadeaux, royaux, aux profiteurs de guerre lorsqu’il s’est agi à la fois de défendre les frontières du pays (encore controversées, d’ailleurs, par ses voisins du Nord, du Sud et de l’Est!) et de privatiser les entreprises et l’ensemble des biens et propriétés de l’État yougoslave en Croatie. Bonnet blanc et blanc bonnet ?

En tout cas, cette rivalité pérenne entre les deux grands partis permet d’assurer ce qu’on peut appeler un équilibre entre un libéralisme conservateur et une gauche assez autoritaire et népotique, assez bien incarnée et symbolisée par le dirigeant du parti, Davor Bernardić.

La division du parti de droite s’est révélée le plus gravement lorsqu’un chanteur populaire membre du HDZ, Miroslav Škoro, a décidé de présenter sa candidature fin 2019. Le premier tour de ces présidentielles, le 22 décembre dernier, a été très mouvementé et riche en déclarations fracassantes, et finalement aucun des onze candidats n’avait réussi à obtenir la majorité.

Cette victoire de Zoran Milanović, candidat d’un parti en principe social-démocrate, va-t-il changer quelque chose en Croatie et en Europe, dont le pays va assurer la présidence tournante cette année ? Rien n’est moins sûr, puisque le Président n’exerce qu’un rôle assez secondaire : il peut imposer sa marque ans la diplomatie, et le cas échéant, dans les services secrets…

Rendez-vous à Zagreb en automne, donc, au moment où auront lieu les élections législatives. Elles risquent de présenter plus d’importance et d’entraîner des conséquences dans le domaine économique et dans celui des relations avec l’ Union européenne, notamment dans celui de l’élargissement de l’Union. Et de la politique à mener face au Brexit…

 

 

 

 

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