Croatie : ou bien, ou bien ?

Le serpent de mer des forages en Adriatique resurgit !

Les Cascades de Krk, en Dalmatie Foto: Version13 / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – A hauteur de l’île de Krk et sur terre, un choix cornélien, comme si souvent : le respect des paysages, magnifiques, et de la biodiversité, ou bien l’indépendance énergétique assurée ? Mais en réalité, les choses ne se présentent pas de manière aussi dualiste.

Le gouvernement croate prétend ainsi conclure de façon autoritaire le différend qui l’oppose aux défenseurs de l’environnement, mais aussi… aux partisans de la transparence financière et de la lutte contre la corruption. Dans les Balkans occidentaux, c’est déjà une vieille histoire, puisqu’elle remonte au début des années 1990. Au Nord de l’ex-Yougoslavie, la prospection pétrolière remonte même par delà les années 1960 ; elle a été entreprise en Istrie, à l’époque de Tito, dans le grand centre industriel de Pula. Un certain nombre d’initiatives très pertinentes ont vu le jour depuis les années 1990 pour rassembler les pays riverains de l’Adriatique dans une défense cohérente et conséquente de l’environnement : côtes, mer, rivières côtières, environnement plus loin à l’intérieur des terres qui seraient nécessairement impactées par des projets pharaoniques de prospection et de forage.

Mais tout récemment, l’automne dernier, au Monténégro, l’organisation de l’opération SOS Adriatique (SOS ja  Zadran) avait mobilisé un réseau d’associations balkaniques de protection de la nature, dont Zelena Akcije (Action verte), essentiellement pour empêcher un projet gigantesque et sans aucun doute aberrant de prospection non loin des bouches de Kotor. Une pétition que vous avez certainement signée, chers lecteurs d’Eurojournalist(e), puisque nous l’avions reproduite et transmise en novembre 2018, avait récolté de très nombreuses signatures, et avec succès.

Ces jours ci, c’est en Croatie que le serpent de mer Adriaticus resurgit, et il a besoin d’une bonne tape sur le groin. Le gouvernement de Zagreb a voté le budget de la première phase des travaux de construction d’un terminal méthanier à Krk, près de la ville d’Omišalj. Coût : 234 millions d’euros ; cela pour l’acquisition d’un navire spécifique, la construction d’un port et ses installations et un gazoduc à haute tension. Il faudra aussi procéder à des expropriations (coût : 14 millions d’euros).

La Commission européenne a considéré que ce projet était « d’intérêt général » : pour cette raison, il bénéficiera de 101, 4 millions d’euros de subventions européennes. «Général», vraiment, ou plutôt particulier, vu la manière dont les travaux publics se distribuent et s’organisent trop souvent, en Croatie et ailleurs ? Certes, le gouvernement dispose d’un argument-massue, qu’il assène auprès des institutions européennes : celui de l’indépendance énergétique non seulement du pays inventeur de la cravate, mais aussi de ses voisins, la Hongrie et l’Ukraine. Comprendre : l’indépendance par rapport à la Russie, qui est actuellement le fournisseur quasi exclusif de la Croatie. Ce qui n’est en principe pas faux : indépendance au moins partielle, oui ; mais à quel prix ? A un prix énorme et incalculable dans la durée.

Un fait plutôt étonnant : après vérification, on s’aperçoit que les décisions d’autoriser les subventions publiques, prises normalement par la Commission européenne, ne sont pas encore entérinées ! Le gouvernement et son ministre de l’Environnement et de l’Energie, Tomislav Ćorić, anticipent donc de façon autoritaire et aléatoire sur ces décisions.

Par ailleurs, le gouvernement de Zagreb a aussi ouvert le champ à des prospections pétrolières et gazeuses dans l’intérieur du pays. Désormais, c’est la quasi-totalité du pays qui va ressentir dans son fondement les trépidations des foreuses et donc, la destruction de moult sols et de nombreuses rivières où vivent de nombreuses espèces désormais menacées (notamment Mosor, Velebit, les Dinarides…)

Chez les défenseurs de l’environnement, c’est le branle-bas de combat. Les associations maintenant bien connues Zelena Akcija et Zelena Istra organisent la campagne Contre le LNG (pour : Gaz Liquide), considérant que ce projets sont nuisibles et insuffisamment rentables. La campagne ira certainement en s’amplifiant, ces prochaines semaines. A propos de l’anticipation des décisions par le gouvernement, ces associations s’interrogent sur de possibles pressions sur la justice.

Il faut espérer, disent les membres de Zelena Akcija, que les citoyenn.nes s’opposeront aux prospections avec la même énergie que lors de la campagne SOS Adriatique, il y a 4 ans. En effet, de tels investissements dans les énergies fossiles ne sont pas rentables, ils sont contraires aux Accords de Paris sur les changements climatiques, et ils nous mènent à la catastrophe.

A suivre de très près ! Les défenseurs de l’environnement, dans les Balkans occidentaux, sont de plus en plus nombreux et de plus en plus efficaces : c’est l’une des raisons qui nous permettent d’espérer un avenir meilleur dans l’Europe de demain.

 

 

 

 

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