Croissance – le pire n’est pas toujours certain !

Alain Howiller analyse les perspectives économiques en pleine crise du coronavirus. Personne ne sera surpris que la situation reste inquiétante. Mais l'espoir meurt en dernier...

Une lueur d'espoir... malgré tout... Foto: Mario Hains / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Ils ne seront pas rares, ceux qui trouveront la référence insolite voire… incongrue et pourtant, en voyant tous les économistes et les conjoncturistes du monde entier scruter l’horizon pour espérer y trouver les signes d’un retour de la croissance, comment ne pas penser à l’épouse menacée du sanguinaire « Barbe Bleue » ? « Ma sœur Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? », lançait l’héroïne du conte de Charles Perrault à sa sœur juchée au haut d’une tour et scrutant l’horizon dans l’espoir de voir arriver ceux qui la sauveront de sa mort programmée par Barbe Bleue !

Quasiment un an après sa prise de fonction (le 1er Novembre 2019) à la tête de la « Banque Centrale Européenne – BCE », Christine Lagarde, Présidente de la BCE, ne va pas les rassurer : « La deuxième vague épidémique en Europe, notamment en France, et les nouvelles mesures de restriction qui l’accompagnent, ajoutent à l’incertitude et pèsent sur la reprise. Après le rebond observé cet été, la reprise était inégale, incertaine et incomplète. Elle risque désormais de s’essouffler », a-t-elle déclarée dans une récente interview (Le Monde des 8 et 20 Octobre). La reprise ne reviendra que très progressivement et pas avant 2022, elle sera longue et inégale souligne, de son côté le « Fonds Monétaire International – FMI ».

Sombres prédictions ! – « L’Organisation de Coopération et de Développement économique – OCDE » confirme : « Le rythme de la reprise mondiale a perdu de son élan pendant l’été ». Et voilà que, pour ne pas demeurer en reste, Paolo Gentiloni, Commissaire chargé de l’économie, constate depuis Bruxelles : « …En ce qui concerne le coronavirus, il est trop tôt (!) pour prendre la mesure de ses conséquences économiques négatives ». Valdis Dombrovskis, le Letton, Vice-Président exécutif de la Commission Européenne, à peine moins prudent, estime que la « situation est difficile et chargée ! »

Alors, si on ne voit pas bien la croissance revenir rapidement, faut-il, pour autant, ma sœur Anne(!), désespérer ? Si tous les pronostics convergent pour souligner que le retour à la normalité d’avant la crise sanitaire n’aura pas lieu avant 2022, quelques signes positifs se sont inscrits dans le ciel des prévisions. Les mesures de soutien prises par les états ont limité la casse même si, en France, ceux qui avaient prédit la perte de près de 800.000 emplois en 2020 (ce qui correspondrait à un taux de chômage de l’ordre de 9,7%) risquent fort de voir confirmé d’ici à la fin de l’année, leurs sombres prédictions.(1)

France-Allemagne : des ministres optimistes ! – En Allemagne, l’optimisme sans doute exagéré (2021 est l’année du renouvellement du Bundestag !) du gouvernement qui prévoit une croissance de +4,4% pour l’année prochaine (après -5,8% cette année !), est tempéré par les deux instituts d’analyse de conjoncture les plus connus : « l’ifo-Munich » et le « DIW-Berlin ». Pour le premier, si l’été a été moins « meurtrier » qu’attendu (-5,7% de croissance contre – 6,7% redoutés) et si l’économie comme le climat des affaires donnent quelques signes de reprise, « d’importantes incertitudes continuent de peser sur les prévisions. Personne ne peut prévoir la manière dont la pandémie va évoluer, personne ne peut savoir quelle sera l’issue du Brexit ni si ‘oui’ ou ‘non’ la guerre commerciale (note de la rédaction : entre les USA et la Chine) marquera une pause. (Tilo Wolmershäuser, responsable des analyses de conjoncture de l’institut munichois). Pour le « DIW-Berlin », la « pandémie n’est toujours pas vaincue et si les indicateurs s’améliorent, c’est lentement. » Et l’Allemagne, malgré ses efforts approuvés par 85% de la population, doit faire face, elle aussi, à sa deuxième vague de Covid-19 !

En France, le récent bulletin de conjoncture publié par l’INSEE relève que, en fin d’année, l’activité resterait cinq points en dessous du niveau d’avant la crise, le PIB subissant une régression de 9%. Selon le Ministère de l’économie et des finances, l’économie française mettrait deux ans pour retrouver le rythme de croissance de 2019. Et pour Julien Pouget, le Directeur du Département « conjoncture » de l’INSEE : « L’Horizon est limité à la situation épidémique ». Et le moral des chefs d’entreprise, qui s’était amélioré avec la fin du confinement, a replongé, souligne un sondage réalisés par l’INSEE fin septembre/début Octobre. Bruno Le Maire, le Ministre de l’économie et de la relance, a annoncé de nouvelles mesures pour faire face au rebond de la crise sanitaire et aux effets de l’extension des mesures de couvre-feu : malgré cela, l’espoir de progrès de la croissance qu’avait espéré l’INSEE pour la fin de l’année, semble menacé.

Le Grand Est : l’avant-crise est encore loin. – Qu’en est-il dans le Grand Est sur lequel tant l’INSEE que la Banque de France se sont penchés ? Pour l’institut national de la statistique, la région n’a (évidemment) pas retrouvé son niveau d’avant crise, le Haut-Rhin étant particulièrement touché en raison du poids de l’industrie automobile, le Bas-Rhin étant l’un des départements les moins touchés par la montée du chômage. Quant à la Banque de France (direction de Strasbourg, elle relève dans sa dernière note de conjoncture : « Léger tassement de la production en septembre. Carnets de commande proches de l’attendu(1). Légère reprise de la production prévue à court terme avec maintien des effectifs. Baisse conjuguée de la demande et de l’activité pour les services marchands. Pas d’inversion de la tendance au cours des prochains semestres. »

Si pour les observateurs, l’impact de la suppression de la plupart des marché de Noël, tout comme les mesures de couvre-feu, ne resteront évidemment pas sans effet sur une part essentielle du secteur des services marchands, la banque note, quant à elle, à propos de l’industrie : « Légère baisse des cadences de production assorties de quelques embauches. Carnets de commandes se rapprochant de la normale. A court terme, croissance modérée de l’activité avec stabilité des moyens humains. »

Un peu de lumière quand même ? – Un peu de lumière se dégagerait donc dans ce tunnel d’interrogations ? L’économie politique n’est pas une science exacte et la prévision n’a jamais été aussi difficile qu’à l’occasion de l’irruption de la pandémie ! A la longue, une cohorte des promoteurs du « il n’y a qu’à » et « on aurait du » s’oppose à une réalité sans cesse changeante. Pourtant, selon un sondage du « think tank Institut de l’Entreprise », 72% des Français ont une bonne opinion des entreprises, 72% des sondés pensent qu’elles ont été à la hauteur de la situation pour gérer la crise sanitaire, opinion que ne partagent que 36% d’entre eux, lorsqu’il s’agit de juger de l’attitude des syndicats et 25% pour ce qui est de l’action des partis.

L’espoir vient, d’une certaine façon, des chefs d’entreprise eux-mêmes : selon un sondage (DNA du 20.10.) de l’Institut Kantar pour la presse régionale : 43%, 40% et 42% des chefs d’entreprise sont inquiets quant à l’avenir respectivement en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, mais 44%, 46% et 43% sont confiants et, toujours dans l’ordre, 23%, 14% et 15% sont déterminés face à l’adversité. Et si, pour les ministères allemands et français de l’économie, les effets de la crise son restés en retrait par rapport à ce qu’on redoutait, aussi bien l’OCDE que le FMI, dans leurs toutes dernières analyses, tempèrent leur pessimisme : « Mais il reste encore beaucoup à faire pour assurer une reprise durable », conclut le fonds mondial. Il est vrai, pour reprendre l’aphorisme : « le pire n’est pas toujours certain ! »…

(1) Voir eurojournalist.eu des 20.07 et 20.08.

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