Cumbre Vieja : un cimetière englouti

Après l’avoir durant plusieurs semaines recouvert quotidiennement de cendres, le volcan a englouti un cimetière sous la lave.

Le cimetière El Salvador à Alajeró, sur l’île de La Gomera, voisine de La Palma. Foto: Jean-Marc Claus / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – A La Palma, la Cumbre Vieja dont l’actuelle éruption n’a jusqu’ici heureusement coûté la vie à personne, ne laisse pas plus de répit aux vivants qu’aux morts. A Los Llanos de Aridane, dans le quartier de Las Manchas, le Cementerio Nuestra Señora de Los Ángeles abritant 5.000 tombes sur une surface de 1.000 m², fut longtemps couvert quotidiennement de cendres. La semaine dernière, il a disparu sous une coulée de lave.

Comble de malchance, c’était le seul parc funéraire de l’île, disposant d’un crématorium. Ce qui oblige les familles qui en ont les moyens, à faire incinérer leurs défunts à Tenerife. 5.000 tombes sur une surface de 1.000m², ce n’est pas un cimetière à la nord-américaine, c’est à dire spacieux et couvert de gazon. Dans plusieurs régions d’Espagne, et à plus forte raison sur une île volcanique comme le sont toutes celles de l’archipel canarien, les morts ou leurs cendres, reposent dans des tombes mais aussi des niches, comme le montre la vidéo accessible par le lien inséré plus haut.

Pour les habitants du lieu, c’est la double peine : privés d’une partie de leur île et pour certains de leurs biens dévastés par la lave, les voilà privés d’un lien les reliant à leurs ancêtres. Un lien qui n’est pas des moindres, quand on sait le respect qu’a la société canarienne pour ses morts. Le volcan a définitivement enlevé à certains insulaires, ce lieu de recueillement qui leur était si familier.

Plus de 1.000 hectares touchés sur l’île, dont un tiers de terres cultivables, environ 1.500 bâtiments détruits dont 80% à usage d’habitation, c’est énorme en comparaison de 1.000m² de cimetière, sauf que sur cette surface de 0,1 hectare, se trouvait le témoignage du passage sur terre de milliers de Palmeras et Palmeros. C’est pour cela qu’un travail, associant clergé et psychologues, a démarré bien avant le 1er novembre.

Comme le rapporte El País, citant les propos de la doyenne du Collège Officiel de Psychologie de Santa Cruz de Tenerife en charge de la coordination des soins psychologiques d’urgence à La Palma, Carmen Linares, qui souligne l’importance d’agir très tôt et de deux manières différentes. Intégrer qu’aucun événement naturel, ne pourra enlever à la personne endeuillée, ce que ses êtres chers ont partagé avec elle. Ensuite et parallèlement à cela, il faut trouver un lieu de culte et de mémoire alternatif.

C’est là qu’interviennent le clergé, mais aussi la municipalité qui a pour la Toussaint, installé au centre de la ville une tente où fut célébrée l’eucharistie avec ceux ne pouvant plus se rendre au cimetière alors fermé par sécurité. Les dimensions psychologique, matérielle et spirituelle, ont été prises en compte dans un même mouvement, pour apaiser la douleur d’une population meurtrie par cette éruption volcanique, mais il reste encore beaucoup à faire.

Autre démarche entreprise par la municipalité, certaines familles qui le souhaitaient, ont pu faire exhumer les restes de leurs proches, pour les inhumer dans un autre cimetière de l’île. Le nombre de ceux ayant eu recours à ce service reste inconnu, pour des raisons évidentes de discrétion. Mais ce choix proposé par les autorités municipales, dans une telle période de crise, montre à quel point l’ensevelissement de ce cimetière, par d’abord la cendre puis maintenant la lave, a été pris au sérieux.

Pour comprendre cela, il faut avoir passé un moment dans un cimetière canarien, sur une île telle que La Palma ou La Gomera. Dans ce relief souvent abrupte, à la végétation par endroits luxuriante et la présence majoritaire du minéral dans d’autres, le silence d’un tel lieu : troublé par le seul souffle du vent, porte à la méditation sur non seulement la mort, mais aussi le sens et la valeur de la vie, car cet environnement clos mais largement ouvert en direction du ciel, conduit inévitablement à l’élévation de l’esprit.

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