Cybervigilance au Portugal

L'identification et le suivi des discours haineux sur internet : une nouvelle mission pour la ministre portugaise Mariana Vieira da Silva.

« De Cajado à Internet », sculpture érigée à Castanheira de Pera, au centre du Portugal, symbolisant l'évolution du traitement de l'information. Foto: Vitor Oliveira / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Les pays du Sud de l’Europe, notamment du Sud-Ouest, ne sont pas les derniers en matière de nouvelles technologies et d’internet. Il s’y déroule des événements d’importance tels que le Mobile World Congress, né à Cannes en 1987 puis émigré à Barcelone en 2012 et le Web Summit né à Dublin en 2009, installé à Lisbonne en 2016. Deux manifestations dont la transplantation sur la Péninsule Ibérique devrait donner à réfléchir aux observateurs employant au sujet des pays du Sud européen l’acronyme dédaigneux PIGS (Portugal-Italy-Greece-Spain).

Pour mémoire, en 2011, le taux de pénétration du haut débit dans les foyers portugais était de 56,61% contre 65,22% pour la moyenne européenne. En revanche, en termes de couverture en 2010, 97,51% de la population portugaise pouvait bénéficier du haut débit, contre 94,31% pour la moyenne européenne. Ce qui n’était déjà pas mal du tout et s’est amélioré avec l’arrivée de la 4G couvrant 80% de la population portugaise fin 2012, puis de la 5G déployée à partir de juillet 2020, alors que l’Espagne l’expérimente depuis un an déjà dans plusieurs villes. Le Portugal connaît actuellement une véritable révolution numérique sur laquelle peuvent notamment s’appuyer les entreprises. Entreprises dont le dynamisme était déjà avéré en 2011 car le taux de pénétration du haut débit était de 82,51% au Portugal contre 85,41% pour la moyenne européenne, donc meilleure qu’au sein des foyers.

Mais Internet signifie aussi libération d’une parole qui n’a parfois  rien de constructif. Ainsi, la Ministre de la Présidence et de la Modernisation Administrative Mariana Vieira da Silva (PS) s’est donnée pour objectif de travailler sur l’identification et le suivi des discours haineux propagés via Internet. Notamment en réponse à  la députée Joacine Katar Moreira qui l’avait interpellée à ce sujet. Originaire de la Guinée-Bissau, cette dernière vit au Portugal depuis 1990 et a obtenu la nationalité portugaise en 2003. Universitaire reconnue, elle fut en 2019 la première femme noire tête de liste d’un parti aux élections législatives. Son parti nommé  Livre (= Libre), créé en 2014 et classé à gauche, a gagné avec elle son premier siège à l’Assemblée de la République. Victime de plusieurs campagnes de désinformation et de diffamation notamment sur les pages web du parti d’extrême droite Chega (= Assez !), elle est particulièrement bien placée pour solliciter la ministre. Il s’avère que la Comissão para a Igualdade e Contra a Discriminação Racial (CICDR) a enregistré une augmentation très importante des plaintes, toutes renvoyées vers le ministère public.

Une récente publication de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) intitulée « Panorama de la société 2019 » montre que les jeunes âgés de 14 à 24 ans passent quotidiennement jusqu’à 4h30 sur Internet. Ce chiffre s’envolent dans les pays où son usage est très répandu comme les Pays-Bas, la Suède et… le Portugal. Or, quand en moyenne un jeune sur dix relevant de cette étude reconnaît avoir été victime de cyberharcèlement, il est légitime de penser que ce chiffre représente la partie émergée d’un iceberg dont on ignore le volume total. Le cyberharcèlement ne touchant pas que les jeunes, comme l’a montré l’exemple de Joacine Katar Moreira, et l’extrême droite commençant à prendre corps au Portugal, il appartient à un  gouvernement de progrès social tel que celui conduit par Antonío Costa de s’attaquer à ce problème dès à présent. Mariana Vieira da Silva ne va pas manquer de travail.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste