Danemark : la fuite en avant ?

La Reine a 80 ans, le virus va bien

Famille danoise Foto: mchaudeur Eurojournalist.eu/CC-BY-SA/ 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Dans la langue danoise, le vouvoiement n’existe pas, sauf pour la Reine. Hier, Margrethe II a eu 80 ans. God Fødselsdag, Hendes Majestæt ! La Reine a adressé à la nation un discours d’espoir et de courage dès le 17 mars. Le gouvernement, lui, a décidé de rouvrir les écoles à partir du 15 avril. Mais est-ce bien prudent ?

La Première ministre social-démocrate, Mette Frederiksen, a en effet décidé de rouvrir les écoles le 15 avril, en commençant par les élèves de moins de 11 ans, suivi le 10 mai par les collégiens et les lycéens. Curieux : ne vaudrait-il pas mieux commencer par les plus grands pour profiter de l’expérience acquise, et mieux assurer ainsi la sécurité sanitaire des petits ? Les parents sont moyennement rassurés. Il y a ceux qui affichent une confiance inébranlable ; ce que permet en partie la situation dans le pays sur le front du virus, qui est plutôt bonne : 6500 personnes atteintes, et moins de 300 décès (pour l’instant) pour une population de 6 millions d’habitants (soit 0,0005 % !).

Il y a aussi les parents qui ont peur d’avoir peur ; et il y a ceux qui ont peur. C’est ainsi qu’une page facebook intitulée Mon Enfant n’est pas un cobaye ! (Mit barn skal ikke være forsøgskanin for covid-19), fondée le 6 avril, a recueilli l’adhésion de 30 000 personnes en moins d’une semaine… Les mesures annoncées (cours qui se tiendront à l’extérieur, limitation stricte à de petits groupes de 3 ou 5 enfants, 2 mètres de distance minimale, etc) ne suffisent pas pour rassurer les parents,on le comprendra aisément.

Le Danemark s’en sort bien, et cela pour plusieurs raisons. Le pays a fermé ses frontières dès le 13 mars, le même jour que le début du confinement, et ses frontières donnent sur des pays plutôt modérément contaminés, la Suède et l’Allemagne. Ensuite, la population danoise s’est auto-confinée quelques jours avant la décision officielle, et le télétravail s’est mis en place dès le 10 mars. Et puis, comme on sait quand on fréquente les pays scandinaves, cette distanciation pose moins de problèmes qu’en France, en Italie ou en Espagne…

La politique gouvernementale à l’égard de la maîtrise de la santé publique et de la contention du COVID-19 est cependant très controversée. « Il faut éviter de garder le Danemark confiné plus longtemps que nécessaire, cela est important ! », a dit Mette Frederiksen voici quelques jours. Mais que signifie concrètement cette expression ? Comment juger de ce qui est vraiment nécessaire ? Le calcul est ici économique et financier avant d’être médical.

Certes, la situation n’a à peu près rien à voir avec celle parfois apocalyptique qu’on a pu connaître en Italie ou, à un moindre degré, dans la Grande Nation aux grands discours : population réduite et capable de s’auto-discipliner, hôpitaux excellement équipés… Mais c’est l’option fondamentale du gouvernement Frederiksen qui sans doute pose problème. C’est celle, adoptée aussi ailleurs, en Suède , aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne. Il s’agit d’immuniser progressivement la population après un pic d’une certaine proportion de personnes contaminées. Après quoi on retournerait « à la normale ».

Ce calcul est dangereux, et il y a de fortes chances qu’il soit erroné. La proportion en question, les experts l’évaluent à 60%. Une proportion extrêmement élevée ! Cela représenterait en France, au lieu des 143 500 actuellement, 32 millions de personnes… Imaginons plus de la moitié de la population atteinte par ce sale virus ! (actuellement, le taux de contamination est de 0,2%, celui de mortalité de 0,025%…). Par ailleurs, cette politique est peut -être très dangereuse pour l’avenir, puisqu’il semble de moins en moins certain que les personnes contaminées se trouvent par le fait même et automatiquement immunisées ; de plus en plus d’exemples observés, hélas, montrent que ce n’est pas le cas.

Remettre les enfants à l’école dès le 15 avril, et les adultes au travail en entreprise très bientôt, c’est une décision prise par crainte de la récession qui s’annonce en effet. Mais cela va malheureusement contre la sécurité sanitaire et par là, contre une saine tradition social-démocrate. Celle là même que Mette Frederiksen et son parti sont censés incarner.

 

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste