Danemark : un pas de plus dans le ghetto

Le gouvernement veut éliminer les ghettos. Comment compte-t-il s’y prendre ?

Des habitants de Mjolnerparken plantent des fleurs dans leur quartier avec des responsables politiques Foto: Ane Cecilie Blichfeldt / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 2.5Denmark

(MC) – A Copenhague et dans les autres grandes villes danoises, le niveau de violence a augmenté de manière assez impressionnante, et ce depuis quelques années déjà. Le quartier de Mjølnerparken, par exemple, entre Nørrebro et Bispebjerg, au nord-ouest de la capitale danoise, depuis des décennies le plus inquiétant de Copenhague, s’est réellement transformé entre ses murs de briques rouges en camp retranché pour bandes de malandrins. Deux bandes s’y affrontent : Brothas et Loyal to Familia, après les fameux Bandidos et AK 31 des années 1990. A Mjølnerparken, 82 % des habitants sont d’origine étrangère, principalement issus de pays musulmans. L’ambiance ressemble ici à celle de certains quartiers de Londres, avec leurs femmes voilées de noir et qui n’ont pour grâce apparente que celle de leurs chaussettes.

L’arrivée et l’accueil fort généreux de migrants en 2015, en tout cas, a renforcé la droite au pouvoir et l’a décidée un peu plus tard à mettre en œuvre une politique plutôt radicale. La coalition qui dirige le pays, faite des « libéraux « et du Folkepartiet très conservateur et xénophobe, a édicté 22 mesures à prendre d’urgence. Ce projet a été voté le 28 mai 2018 au Folketing, le Parlement danois. Il s’intitule : Un Danemark sans société parallèle – Plus de ghetto en 2030. (Et Danmark uden parallelsamfund – Ingen ghettoer i 2030 ). Les parlementaires socio-démocrates aussi ont voté ce projet. Ce qui n’a rien de vraiment surprenant puisque le parti de gauche, qui a été très longtemps le grand parti de gouvernement, a glissé de plus en plus, par démagogie et pour conséquence de ses mauvais scores, vers un populisme pesant et vers de nombreux accords formels avec la droite et l’extrême-droite. Comme dans tous les pays scandinaves.

Il ne s’agit pas du premier plan de lutte contre ce problème des ghettos urbains. En tout cas, le document a pour mérite de définir, certes très sommairement, ce qu’est un ghetto ! On l’y caractérise comme un lieu d’habitation peuplé pour moitié d’habitants d’origine extra-occidentale, par un fort pourcentage de criminalité et par un taux élevé de chômage. Le territoire danois en comporterait 26, et parmi eux, 16 particulièrement graves. A savoir 60 000 têtes au total.

De quoi s’agit-il ? Essentiellement de 4 points importants que Lars Løkke Rasmussen, le Premier ministre issu du parti Venstre, dont le nom signifie « gauche » et qui est un parti de droite (nous sommes au Danemark), qu’on qualifie de “libéral”, a exposé devant les habitants de Mjølnerparken, au printemps dernier. Voici ces 4 points.

D’abord, favoriser la mixité sociale. A l’école : on réduira la proportion d’enfants d’immigrés à 30 %, en les disséminant partoutdans les villes. Dans les cités : en limitant le nombre de HLM à 40 % du parc immobilier.

Ensuite, diminuer la somme des allocations allouées aux immigrés, réfugiés ou non. Jusqu’à cette année, ceux qui arrivaient avaient droit aussi à des cours gratuits de langue danoise. En même temps qu’ils touchaient ces allocations, il leur était possible d’exercer une activité professionnelle à l’occasion des stages rémunérés. Dorénavant, on les oblige à chercher un emploi dans les deux semaines qui suivent l’obtention de leur statut de réfugié.

Et puis inscrire obligatoirement les enfants dans les crèches à partir de l’âge d’un an – les enfants d’origine danoise n’ont pas la même obligation. L’objectif est bien évidemment d’initier ces tout jeunes enfants le plus souvent musulmans aux valeurs et à la culture danoise. Interdiction d’envoyer ces enfants dans leur pays d’origine pour les y marier et/ou pour les éduquer dans une culture très/trop différente. Au cas contraire, les « fautifs » risquent 4 années de prison.

Enfin, pour ce qui concerne les délinquants, double peine : en certaines circonstances, le juge pourra condamner deux fois plus lourdement que des personnes extérieures un habitant de l’un de ces ghettos décriés… Une étrange mesure, qui aura surtout pour effet de stigmatiser les accusés, et dont on ne voit pas l’utilité rationnelle sauf celui, ténu, de la dissuasion. Par ailleurs, interdiction sera faite aux détenteurs d’un casier judiciaire de bénéficier d’un logement social en de tels quartiers.

Comme on voit, les intentions du gouvernement de ce petit pays de 6 millions d’habitants, que deux attentats dans la capitale ont traumatisé comme ailleurs d’autres victimes-spectateurs, sont composites, sans être hésitantes. Une volonté réelle d’assimilation, voire d’intégration, voisine avec une tendance à la stigmatisation qui risque de porter des fruits bien vénéneux… De même que la forte répression policière qui accompagne, on s’en doute, la mise en œuvre de ces mesures énergiques.

Une répression qui cependant, vaut peut-être mieux que les vélléités de mise en oeuvre de fragments de la charia dans le Bombistan copenhaguois…Tout cela est à suivre attentivement.

 

 

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste