De crise en crise : Faim d’Europe ou Fin de l’Europe ?

Les «responsables» nationaux nous éloignent tous les jours un peu plus de ce qui aurait pu devenir une réalité en 1957 – les «Etats-Unis de l'Europe».

En 1957, lorsque les élections se passaient encore en noir et blanc, les gens rêvaient d'Europe. Un rêve qui aura été déçu. Foto: KKB / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Nous serons quelques uns à penser ces jours-ci au 17 Novembre 1957, il y a presque soixante ans ! Ce jour là -un dimanche- des milliers de citoyens se rendaient aux urnes à Düsseldorf, Turin, Maastricht, Lyon, Milan, Strasbourg et… Genève pour participer à une sorte de referendum privé organisé par une association bien oubliée aujourd’hui qui s’appelait «Congrès du Peuple Européen». L’association demandait aux électeurs de se rendre dans des bureaux de vote officiellement ouverts pour l’occasion pour désigner un certain nombre de candidats envoyés à Turin au «congrès du peuple européen». Les «élus» au congrès, symboliquement réunis à Turin où Garibaldi décida l’Unité Italienne, devaient solennellement réclamer la convocation d’une Assemblée Constituante chargée de rédiger et d’adopter la future constitution des… Etats-Unis d’Europe !

En dehors de Strasbourg, 53 autres communes alsaciennes avaient accepté d’organiser cette consultation qui permit, avec si peu de moyens, à près de 100.000 Alsaciens de se prononcer pour le processus proposé ! Près de 100.000 Alsaciens ont proclamé, ce jour là, leur faim d’Europe ! Tout jeune lycéen, je tenais ce jour-là un des bureaux de vote strasbourgeois. Et comment ne pas penser aux engagements citoyens de l’époque en ces jours proches de la date-anniversaire de la consultation ! En ces jours aussi où, plus que jamais, l’Europe peine à se sortir d’une crise politique et institutionnelle qui la secoue profondément parce que, au nom d’une souveraineté nationale totalement illusoire aujourd’hui, chacun de nos états -la crise des réfugiés en est un signe tangible- croit pouvoir s’en sortir en érigeant, si nécessaire des murs contre son voisin !

Et voilà que certains hommes politiques, venus de Bavière, ont même lancé l’idée, 25 ans après la chute du «Mur de Berlin», de construire, à leur tour, des murs pour essayer d’arrêter le flot des réfugiés ! Pourtant «aucun mur, aussi haut soit-il, ne peut empêcher les hommes de circuler», a rétorqué Angela Merkel qui n’est pas trop mal placée pour en juger !

Guerre ou Paix en Europe ! – Et ne voilà-t-il pas que la chancelière met en garde, à Darmstadt, contre les risques de conflits y compris militaires, que,même en Europe, la construction de murs risque d’engendrer d’un incident à l’autre ! Et voilà que le Ministre luxembourgeois des Affaires Etrangères lance, à son tour, un cri d’alarme : l’Union Européenne est, selon lui, menacée : elle peut très vite tomber en morceaux et éclater !

Et voilà que la crise grecque menace de rebondir et que le Premier Ministre britannique présente son cahier de doléances dont les conditions devront être respectées si ses partenaires veulent que la Grande Bretagne reste dans l’Union Européenne. Pour beaucoup elle n’avait réellement guère plus d’un pied dans cette Union où elle bénéficiait déjà d’un statut particulier : non seulement elle contestait, au nom de sa souveraineté nationale, les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, mais au sein de l’Union, elle avait gardé et préservé sa monnaie nationale, sa contribution financière était inférieure à celle des autres membres, elle ne participait pas à l’espace Schengen et elle n’hésitait pas à jouer cavalier seul, lorsque l’occasion s’en présentait !

Les incroyables revendications de David Cameron ! – Parmi les revendications que l’Union Européenne devrait satisfaire pour que la Grande Bretagne reste en son sein, David Cameron place l’abandon dans le préambule du Traite de Lisbonne de la mention que l’objectif de l’Union est de resserrer de plus en plus les liens entre ses membres, le retour des possibilités de veto, la reconnaissance de la supériorité des parlements nationaux qui doivent pouvoir décider en dernier ressort (y compris face aux décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme), le respect des monnaies nationales (dont la livre sterling), l’engagement qu’il n’y aura pas de discrimination entre membres et non-membres de l’eurozone, le refus de la libre circulation prévue dans le cadre de Schengen, le refus de la mise en œuvre (comme pour la Grèce) du principe de solidarité financière.

David Cameron fait fort et ses demandes relèvent sans doute de la la provocation inhérente à tout début de négociation, mais l’Union Européenne a un tel souci de la négociation et du compromis, les premières réactions de la Commission de Bruxelles sont telles («On peut discuter !…») qu’on peut craindre le pire ! Faut-il aller jusqu’à redouter que la Grande Bretagne qui n’avait pas réussi à structurer efficacement sa «zone de libre-échange», réussisse aujourd’hui ce qu’elle n’avait pas obtenu hier ?

Eviter le «clap» de fin ! – L’ancien scrutateur «fédéraliste» du bureau de vote de 1957 que j’ai été, n’ose pas y croire même si, comme l’ensemble des citoyens européens, il ne peut que constater tous les jours que l’Europe dont il rêvait (dont «nous» rêvions) est loin de s’être concrétisée !… Non parce que, contrairement à ce que la plupart des citoyens croient (ou font semblant de croire), les institutions ont failli, mais parce que les gouvernements des états membres ont refusé de jouer le jeu de l’intégration, en bloquant au nom de leur souveraineté, les harmonisations souhaitables sur le plan fiscal, social, économique, de la défense… Le sommet euro-africain de La Valette de ces 11 et 12 Novembre n’a pas échappé à la règle !

Le non-aboutissement du «rêve» européen est le fait des états. Il y a un peu plus d’un mois, devant le Parlement Européen à Strasbourg, François Hollande et Angela Merkel avaient laissé espérer une relance de l’Europe. On a même vu refleurir sous la plume des éditorialistes l’espoir d’une Europe à deux vitesses : un cercle d’états qui ne souhaitent pas s’engager plus avant dans la voie de l’intégration tournant en orbite autour d’un noyau dur de pays (ceux de l’Eurozone ?) qui eux, souhaitent s’engager davantage. L’Europe à deux vitesses pourrait naître ainsi. Depuis les discours des deux responsables, rien n ‘est venu conforter les espoirs : et on en est à se demander si la «faim d’Europe» sera encore suffisante pour éviter la «fin de l’Europe» ! Personne n’ose se pencher sur cette perspective : pourtant, au lendemain de la commémoration de l’Armistice qui mit fin à la «Grande Guerre», il n’était pas inutile de le faire… Voilà qui est fait !

1 Kommentar zu De crise en crise : Faim d’Europe ou Fin de l’Europe ?

  1. Alexis LEHMANN // 14. November 2015 um 11:47 // Antworten

    Alain a trop raison ! En fait,les dirigeants des pays de l’Union ne supportent pas de se soumettre à une Union Européenne . ils ne sont absolument pas mûrs pour la “TRANSITION EUROPEENNE ” et s’accrochent à leur souveraineté illusoire des Etats ,suicidaire pour les peuples!

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