De la laïcité dans la cité

Trop souvent instrumentalisée, tant par les pros que les antis, la laïcité est pour tous les citoyens de la République, une garantie de liberté, d’égalité et de... fraternité !

Dans le 8ème arrondissement de Lyon, le Square de la Laïcité, nommé ainsi en 2012, se trouve à l’immédiate proximité de l'école publique Combe Blanche : tout un symbole ! Foto: Benoît Prieur / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Le 7 janvier 2015, jour de sortie du 1.177ème numéro de l’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo, vers 11h30 débuta à Paris le premier des trois attentats islamistes, qui jusqu’au surlendemain, coûtèrent la vie à 17 innocents et à 3 terroristes. Un scénario qui se répéta le 13 novembre de la même année en six endroits différents de la capitale, tuant 132 innocents et 7 terroristes.

Tous victimes, directes ou indirectes du fondamentalisme religieux, en l’occurrence musulman, mais certains chrétiens ne sont pas vraiment en reste, comme lors de l’attentat d’Oslo et de la tuerie d’Utøya en juillet 2011, sans compter l’héritage des diverses inquisitions. Et que dire des juifs, qui en invoquant un supposé héritage divin de ce territoire, depuis des années colonisent illégalement la Cisjordanie et violentent les palestiniens ?

En France, la loi du 9 décembre 1905, à laquelle avait alors échappé l’Alsace-Moselle pour cause d’annexion depuis 1871, a établi un compromis et non, comme on le pense à tort, une rupture entre l’Église et l’État. C’est une loi d’équilibre, ne niant pas les croyances religieuses, mais instituant la neutralité de l’État vis-à-vis des religions. Donc, exit la formule « France fille aînée de l’Église », tout comme les « Gott mit uns » et« God bless America » ou le « Wir wollen trauen auf den höchsten Gott » du médiéval serment de Grütli dont on retrouve trace dans l’actuelle Constitution Fédérale Helvétique commençant par « Au nom de Dieu Tout-Puissant ! ».

En décembre, nous célébrerons le 120ème anniversaire de la loi de 1905, à laquelle s’ajouta vingt jours plus tard le décret prévoyant l’inventaire des biens des Églises, afin de préparer leur dévolution aux associations cultuelles définies dans l’article 4 de la loi dite de séparation des Églises et de l’État. Une scène d’anthologie du premier épisode de la mini-série « Au plaisir de Dieu », tirée du célèbre roman de Jean d’Ormesson, montre bien à travers Sosthène de Plessis, Duc de Vaudereuil, et de « ses gens », la résistance qui y fut opposée au début du XXe siècle.

Le Mouvement de l’École Libre, de juin 1984 à l’encontre de la création d’un grand service public unifié et laïc de l’éducation nationale, inscrit dans les « 110 propositions pour la France » du programme de François Mitterrand, a contribué largement par le retrait du projet de Loi Savary le mois suivant, à la chute du gouvernement Mauroy. Dix ans plus tard, l’immense manifestation laïque mettant un million de personnes dans la rue à Paris le 16 janvier 1994, mobilisait contre la loi dite « Bourg-Broc » (ou « Bayrou » qui était alors Ministre de l’Éducation Nationale), visant à supprimer toute contrainte en matière de financement des écoles privées.

Trop souvent instrumentalisée, tant par les pros que les antis, la laïcité est pour tous les citoyens de la République, une garantie de liberté, d’égalité et de… fraternité ! Contrairement à ce que prétendent ceux qui n’y ont rien compris, elle ne relègue pas la religion à la sphère privée. Par ailleurs, l’État qui n’a pas vocation à gouverner les consciences, permet dans l’espace public une liberté d’expression qui inclut la manifestation d’une appartenance à une religion. Par contre, ce à quoi s’oppose la loi de 1905, c’est la gestion des affaires de la cité au nom d’une religion, mais aussi toutes pressions visant à imposer à quiconque de croire ou de ne pas croire.

Ainsi, ce texte vise-t-il tant à contrer les manœuvres laïcardes et/ou athéistes forcenées, que le prosélytisme coercitif. Toute pression, exercée tant dans la sphère privée que publique, destinée à forcer ou empêcher un individu d’exercer un culte, tombe comme le dit clairement le texte, sous le coup de la loi.

Article 31 : Sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ceux qui, soit par menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, ont agi en vue de le déterminer à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

Article 32 : Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

Par ailleurs, le texte précise à l’article 19 que « Les associations cultuelles ont exclusivement pour objet l’exercice d’un culte. Elles ne doivent, ni par leur objet statutaire, ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l’ordre public. ». Ce dont s’est un temps saisi l’extrême-droite, pour s’opposer aux prières de rues pratiquées par les musulmans, sans pour autant s’offusquer des processions catholiques !

Dans son livre intitulé « La laïcité n’est pas ce que vous croyez », le communiste Pierre Dharréville écrit : «  Il y a une immense richesse, dont la société peut se nourrir, dans les grands courants philosophiques comme dans les grands courants religieux. La laïcité ne consiste pas à nier et masquer les influences socioculturelles qui déterminent les choix des êtres humains. Elle ne consiste pas à organiser l’espace public comme un lieu tristement uniforme où chacun est dépouillé de sa personnalité et de ses appartenances multiples pour se fondre dans un moule. Elle permet au contraire à toute cette diversité de faire société et d’entrer en dialogue pour produire du commun. A mille lieues de la théorie dévastatrice du choc des civilisations. » (page 89). Quelle hauteur de vue et quelle humanité !

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