De la start-up nation

Concept repris par le « macronisme », la start-up nation serait-elle une usine à gaz made in USA ?

Un petit livre qui en dit long, sur l’un des chants des sirènes macronistes. Foto: Jean-Marc Claus

(Jean-Marc Claus) – Puisque nous sommes dans la seconde époque de règne du prince-président, se voulant régénérateur après avoir été péripathéticien, et à la veille d’élections législatives dont ce dernier espère obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale, il convient de rappeler que non seulement, les start-ups ne sont pas là pour restaurer le plein emploi, mais aussi que la start-up nation est un mythe contemporain. Un stakhanovisme pour open-space, dit Arthur de Grave, dans un petit livre d’une centaine de pages publié en 2019.

Loin du dénigrement systématique du start-up-système, qui a permis et permet encore d’innover et de percer, l’auteur s’attaque au concept de start-up nation mis en avant dès son premier mandat en 2017, par le prince-président réélu ce printemps. Partant du constat qu’une start-up est « une entreprise qui a été fondée dans un garage », Arthur de Grave pose la question du « comment, par tous les diables, il est possible de construire une nation entière avec des garages à licornes en guise de briques ».

Si cet opuscule peut se qualifier de pamphlet, par son ton plutôt badin, il n’en demeure pas moins que le choix de problématiques mises en exergue, est particulièrement pertinent. Comme quoi, on peut se montrer taquin et incisif, sans pour autant survoler les sujets et médire pour médire. C’est d’ailleurs la marque de fabrique d’Arthur de Grave, ou pour paraphraser le start-up language, « the Arthur’s touch ».

Prenant comme « patient zéro » Israël, dont le noyau de la start-up nation est…. le service militaire obligatoire. Arthur de Grave analyse ce qui se joue hors de nos frontières, pour, entre autres, conclure qu’aux USA, le concept ne fait plus rêver grand monde. Mais comme nous avons en France toujours une guerre de retard dans bien des domaines dont l’économie, ce qui ne fait plus recette là-bas, donne encore de l’espoir ici.

En Europe, l’Estonie, charmant pays peuplé d’1,3 million d’habitants, soit dix fois la ville d’Amiens, c’est l’effondrement de l’URSS et donc de ses structures centralisatrices, qui a favorisé la naissance de l’e-gouvernement, avec en 2014, la création du statut d’e-résident permettant en quelques clics, de créer une entreprise et de la gérer à distance. Un modèle pour les ultra-libéraux, car les structures administratives du pays sont très largement numériques et par conséquent, les impôts sur les sociétés très faibles.

Or, en Israël comme en Estonie et aux USA, la start-up nation n’est pas un objectif en soi, mais la conséquence d’une démarche et d’une évolution. En clair, ce modèle ne s’impose pas en claquant dans les doigts et pour qu’il se développe, il nécessite notamment des investissements très lourds dans l’éducation supérieure, la recherche et les infrastructures sont nécessaires, soit l’inverse des politiques de rigueur budgétaire.

Les enjeux pour le « macronisme » sont aussi moraux si l’on peut oser l’emploi de ce mot pour un jeu de dupes auquel nous devrions maintenant être habitués. Reformater la pensée des Gaulois réfractaires pour en faire des start-upers permanents, tel est l’objectif visant, par une rééducation de masse, à fabriquer du consentement. Mieux encore, une politique fiscale favorisant les plus riches, n’a aucune incidence sur l’investissement dans les start-up.

Quant au stakhanovisme pour open-space évoqué plus haut, dans un rappel historique, Arthur de Grave souligne que contrairement à l’idée véhiculée par une certaine mythologie, le 31 août 1935, Alexeï Stakhanov travaillait avec une équipe lorsqu’il réalisa sa performance. Ainsi, le mérite n’en revient-il pas à lui seul, contrairement à l’idée fausse voulant que Jeff Bezos, Elon Musk et consorts se seraient faits tout seuls.

Destruction des structures collectives et atomisation de la société, tel est le projet de la start-up nation à la française. Ceci, bien sûr, au profit d’un groupe social en très bonne voie pour gagner la lutte des classes. What else, Mister Buffett ?

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