De la stratégie du pourrissement

S’asseoir sur la démocratie réelle, en lui opposant une forme de démocratie représentative verrouillant l’exercice du pouvoir pour la durée d’un mandat, tel est le choix fait par ceux qu’une Ve République pourrissant sur pied, a conduit au sommet de l’État.

Il flotte dans ce pays, comme une odeur de pourriture... Foto: Chabe01 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Les communicants du palais élyséen et de l’hôtel matignonesque ne s’en cachent plus, c’est la carte de la stratégie du pourrissement qui est jouée, tant par ce gouvernement de millionnaires que par le président des ultra-riches. S’asseoir sur la démocratie réelle, en lui opposant une forme de démocratie représentative verrouillant l’exercice du pouvoir pour la durée d’un mandat, tel est le choix fait par ceux qu’une Ve République pourrissant sur pied, a conduit au sommet de l’État. Ce qui revient à poser sérieusement la question : « De quel côté est donc la pourriture ? ».

Qualifier, comme on l’entend trop souvent, les actuels président et gouvernement français d’autistes, est une insulte aux personnes présentant un trouble du spectre autistique, tout comme dire schizophrènes ceux qui dirigent le pays. Le seul diagnostic possible et vraisemblable, s’approche de la perversion, pas forcément narcissique comme le voudrait la tendance du moment, mais sans qualificatif spécifique, pour revenir aux bases de la sémiologie classique, donc sortant du champ réducteur du DSM.

Le psychiatre et psychanalyste Jean-Pierre Lebrun évoquait dans un article sur la perversion publié en 2019, « l’immonde sans limite » auquel nous avons affaire aujourd’hui. Il y parlait d’une perversion sans la norme, à l’inverse d’une perversion contre la norme, comme on l’entendait jusqu’ici classiquement. Or, avec le macronisme, qui n’est en rien un humanisme, nous assistons à l’apogée de l’inversion de la hiérarchie des normes, illustrée en 2016 par la loi faussement nommée El Kohmri, « femme de paille », derrière laquelle se dissimulait alors un prétendu Mozart de la finance.

Criminaliser systématiquement l’action syndicale, bien que les douze journées de grèves et de manifestations soient en termes de troubles à l’ordre public aux antipodes de celles de mai 68, agiter le chiffon rouge des exactions d’une prétendue ultra-gauche montant en puissance, alors que le risque réel est en France la montée bien réelle de l’extrême-droite, ayant pour bras armé l’ultra-droite, par des petites phrases assassines prononcées à distance, c’est jeter de l’huile sur un feu qu’on a allumé soi-même, plutôt que se rapprocher du pays réel, pour se mettre à son écoute, voici quelques-unes des méthodes employées par ceux qui gouvernent la France avec la plus grande perversité.

Se rapprocher du pays réel pour, comme disait Lacan, « avoir un rapport véridique au réel », n’est pas plus le projet du président que du gouvernement. La rencontre de la première ministre, accompagnée de son aréopage avec les représentants des syndicats à l’Hôtel Matignon le 5 avril dernier, était plus digne d’une farce du 1er avril que d’une démarche de dialogue social. Mais cette opération procède d’une stratégie perverse, visant à transformer la victime en coupable et le coupable en victime. Le gouvernement se dit prêt à discuter de tous les sujets relatifs à l’amélioration des conditions de travail, sauf de ce qui impactera le plus gravement les travailleurs. Le front syndical se montrant sans failles sur le refus du report de l’âge de la retraite à 64 ans, il devient alors tentant de persévérer dans la stratégie du pourrissement en prétendant que si rien n’avance, c’est à cause des syndicats.

Tentant, mais toute tentation, et qui plus est succomber à la tentation, reste un jeu dangereux même et surtout lorsqu’on pense avoir la maîtrise de tout. N’est pas Jupiter qui se prend pour Jupiter ! Si l’on revient au sens des mythologies, récits fantasmagoriques présentant au peuple un narratif expliquant les phénomènes naturels par des interventions surnaturelles, plus personne au XXIe siècle ne croit en l’existence de l’Olympe. Enfin, plus personne exceptés ceux qui, pris à leur propre jeu pervers, ne peuvent plus en sortir sans se discréditer.

Il flotte dans ce pays, comme une odeur de pourriture, et elle est bien plus puissante que celle des ordures ménagères non collectées pour cause de grève…

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