De Paris à Berlin…

… une convergence insoupçonnée dans la crise du politique !

Le Sénat français - presque la moitié des français l'abolirait. Foto: Jebulon / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Mais que diable se passe-t-il avec ceux qui nous dirigent ou qui ambitionnent (!) de nous diriger ? Ils se déchirent, aussi bien à Berlin qu’à Paris, s’attaquent, se contredisent, tirent contre leur camp même s’ils sont ministres, reviennent sur leurs promesses et tout cela au nom de… notre intérêt général ! Et pendant ce temps, les populistes gagnent du terrain : tout le monde a encore en tête les résultats obtenus aux dernières élections régionales par le «Front National» qui pourtant serait un danger pour la démocratie selon 56% des Français (sondage TNS-Sofres), tandis qu’en Allemagne, les sondages annoncent 12 % d’intentions de vote aux prochaines élections législatives pour le parti eurosceptique et anti-immigrés «Alternative für Deutschland – AfD».

Une de mes amies, ancienne dirigeante de la CDU, vient de m’envoyer une lettre désespérée de Bavière s’interrogeant sur le possible «complot» que Horst Seehofer, Edmund Stoiber et leur CSU sont peut-être en train d’ourdir pour faire chuter le gouvernement de grande coalition et, plus particulièrement, Angela Merkel dans la perspective des élections de 2017 ! Et les médias s’interrogent, en France, sur l’arrière-plan du remaniement ministériel : s’agit-il d’encadrer un Premier Ministre susceptible de devenir un concurrent dangereux pour François Hollande candidat à sa succession en… 2017, s’agit-il d’un ultime essai pour s’ouvrir la voie des élections présidentielles de l’année prochaine, s’agit-il (tout de même !) de rétablir la santé du pays ?

Un remaniement qui crée le doute !… – C’est apparemment raté dans l’opinion : 3 Français sur 4 estiment que le remaniement n’améliorera pas la situation du pays, 73% des sondés ne sont pas contents de la nouvelle composition du gouvernement, 61 % estiment que le retour de Jean-Marc Ayrault comme Ministre des Affaires Etrangères n’est pas une bonne chose, 59 % pensent de même du retour des écologistes et, enfin, 78 % des Français n’ont pas été convaincus par l’interview du Président de la République venu présenter, à la télévision, son «nouveau» gouvernement et les objectifs recherchés (voir eurojournalist.eu du 12 février).

Une sorte de désenchantement, de désamour semble s’être installé dont on trouve une «trace parallèle» au-delà du Rhin, dans les sondages sur Angela Merkel et son gouvernement : si plus de la moitié des sondés estiment que la chancelière mène une politique de gauche, près de 40% souhaitent maintenant son départ et 81% estiment que le gouvernement a sous-estimé les problèmes que poserait l’accueil des réfugiés ! Du coup, certains s’appuyant sur la dernière enquête du «Centre de Recherches politiques de Sciences Po» (plus connu sous son ancien acronyme de CEVIPOF) soulignant que 82 % des Français ont une vision négative de la politique et qu’une majorité souhaite un retour vers un système moins présidentiel ou «élyséen», sortent, à nouveau, de leurs tiroirs la nécessité de refonder le régime et d’ouvrir la voie à une VIème République, moins élitiste et plus proche des citoyens.

«Ve République» ou «République de Weimar» ? – Et de fait la situation actuelle de la France relève plutôt de ce que nous avons connu en 1957/1958 (et non 1968) lorsque, avec son retour, le général de Gaulle créa la Ve République : la France, alors, était sous la menace d’attentats liés au conflit algérien, vivait une déconsidération du système politique, devait faire face à une crise économique et monétaire, un débat politique qui agitait clubs et groupes de réflexions (les «Denkfabriken» de l’époque) en dehors des partis et des institutions.

En Allemagne, Heiner Geissler, l’ancien secrétaire général de la CDU -le père du referendum qui ouvrit la voie au projet de gare souterraine «S21» de Stuttgart- n’y va pas de main morte : il voit dans la situation allemande actuelle et dans la montée de partis anti-immigrés (AfD ou PEGIDA) des circonstances proches de celles qui, sous la République de Weimar (!), permirent l’émergence du…. parti national-socialiste et d’Adolf Hitler ! Dans une interview à la radio allemande «Deutschlandfunk», il devait déclarer : «En jouant avec la peur, on peut paniquer tout un peuple !»

L’enquête du CEVIPOF est révélatrice de la crise qui s’est installée entre les citoyens et ceux qui les dirigent : 67% des Français estiment que la démocratie ne fonctionne pas bien, 81% expriment leur désenchantement, 88% pensent que les politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les citoyens, 39% sont méfiants vis-à-vis des politiques, 54% sont déçus par eux. Dans une étude menée précédemment par «l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes – ANACE» (voir eurojournalist.eu du 12 Août 2015), 71% des sondés pensent que les hommes politiques mentent, 43% des jeunes estiment qu’ils pourraient voter pour des partis extrémistes voire participer (à 25%) à des manifestations violentes.

En Allemagne, la désillusion vis-à-vis des partis, dont les dirigeants accusent un âge se situant autour de 60 ans, se traduit par une abstention croissante aux élections et la dernière enquête «Shell» sur les jeunes met en lumière que si ceux-ci s’intéressent à la politique, c’est en dehors de toute participation aux activités des partis qu’ils ne tiennent pas en haute considération. Ici, comme du côté français, les partis perdent non seulement des électeurs, mais aussi des adhérents : la CDU comme le SPD ont perdu 20.000 membres, chacun, l’année dernière !

Un profond désir de renouvellement ! – L’enquête du CEVIPOF souligne le désir de renouvellement de l’offre politique. Les Français souhaiteraient un régime moins présidentiel : 64% des sondés sont prêts à supprimer un système donnant trop de pouvoirs à un homme, et 44 % seraient favorable à un mandat unique pour leur Président. 77% seraient favorables à au non-cumul des mandats électifs (limitation à deux législatures ou mandatures), 76 % estiment que, une fois élus, les fonctionnaires devraient démissionner de la fonction publique, 66% sont d’accord pour introduire une limite d’âge à ceux qui se présentent à une élection, 51% seraient favorables à un regroupement des élections intermédiaires, 48 % seraient favorables à l’introduction de la proportionnelle, 39 % seraient favorables au vote par internet et 38 % ne seraient pas hostiles à la… suppression du Sénat !

Les propositions ne manquent pas : elles recoupent, tant sur les bords de la Seine que sur ceux de la Spree, un certain nombre de propositions qui ont été mises sur la table (… où sans doute elles resteront sans suite !). Un groupe de travail présidé par Claude Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale -qui y voyait peut-être un moyen de soutenir sa candidature à la présidence (il échouera) de la région Ile de France- et réunissant parlementaires et «personnalités qualifiées» conduites par l’historien Michel Winock, émettra 17 propositions pour «restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants !». Parmi les propositions, le retour à un septennat (unique) pour le Président de la République, l’Assemblée doit pouvoir s’opposer aux nominations effectuées par le Président de la République reconnu comme chef de la majorité (le groupe avait envisagé la suppression du poste de Premier Ministre !), introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée Nationale, fusion du Sénat et du «Conseil Economique, Social et Environnemental», diminution du nombre de députés (400 au lieu de 577), recours au referendum y compris d’initiative populaire…

Propositions françaises et allemandes. – De son côté, un groupe interpartis a fait des propositions : vote électronique élargi, multiplication des bureaux de vote même en dehors des bureaux «officiels», réforme électorale simplifiant un système jugé «trop compliqué», vote obligatoire, vote par correspondance (voir eurojournalist.eu des 7 Octobre et 12 Août). Que deviendront ces propositions ? Dieu seul le sait ! Auront-elles, un jour, une application ? Un peu plus d’un an et demi avant d’importantes échéances électorales (élections présidentielles en France, législatives en Allemagne), il serait surprenant qu’on ouvre les tiroirs dans lesquels elles ont été soigneusement rangées ! Alors ?…

Le citoyen attend et, contrairement à ce qu’on pense généralement, les jeunes, des deux côtés du Rhin, s’intéressent à la politique, à condition qu’on fasse de la «politique autrement» ! Faire de la politique autrement : c’est un concept qui a été cultivé après les élections régionales françaises et la menace que le «FN» avait fait peser sur les résultats. Christian Estrosi, Président de la Région «Provence-Alpes-Côte d’Azur», Xavier Bertrand, Président de la Région «Nord-Pas-de Calais-Picardie», Philippe Richert, Président de la Région «Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine» ont pris des engagements allant dans le sens d’un renouvellement de la «gestion politique». Résisteront-ils à la pression des prochaines échéances électorales ? Que deviendra, en France, le concept «d’Union Nationale» ou de «Front Républicain» déjà menacé à la fois par les affrontements entre camps opposés ou les bagarres internes lançant les animateurs d’un même camp les uns contre les autres ? Que deviendra, en Allemagne, la «Grande Coalition» : tiendra-t-elle, au train où vont les choses, jusqu’à l’automne 2017, moment des nouvelles élections ? On peut s’interroger sur la précarité (qui, en France, n’épargne pas les syndicats) qui s’installe dans les structures politiques.

Colmatage et… égalité réelle ? – Que peuvent apporter les colmatages en perspectives d’échéances électorales auxquelles on vient de procéder en France à l’occasion du dernier remaniement ministériel dont les symboles resteront le retour contesté d’un ancien Premier Ministre brutalement renvoyé ou la création, après un éphémère ministère de l’économie et du… redressement productif, d’un secrétariat d’état à… l’Egalité réelle !

Il est vrai qu’on a échappé au Ministère du Bonheur dont les Emirats Arabes Unis ont gardé l’exclusivité et qu’on ne s’explique pas, alors qu’on réclame un renouvellement de l’offre en politique et un rajeunissement des acteurs, que ce soient les meetings des anciens -hier Stéphane Hessel, aujourd’hui Valery Giscard d’Estaing ou…. en léger décalage d’âge, Bernie Sanders ou Alain Juppé- qui sont les plus suivis !

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