De Paris à Strasbourg – la surprenante « campagne de France » de Winfried Kretschmann

Le Ministre-Président du Bade-Wurtemberg voisin a effectué un « tour de France » - et Alain Howiller explique pourquoi.

Winfried Kretschmann découvre la France et vice versa. Et maintenant ? Foto: Bündnis90/Die Grünen Nordrhein-Westfalen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Il manquait, certes, le dépôt de gerbe sous sur la tombe du Soldat lnconnu, sous l’Arc de Trimphe et l’escorte de la garde républicaine à cheval, mais le cœur y était : à Paris où on avait visiblement entendu dire que leur visiteur pourrait succéder (très éventuellement) à Joachim Gauck comme président de la République Fédérale d’Allemagne, Winfried Kretschmann a été reçu presque comme un… chef d’Etat, drapeaux allemand, du Bade Wurtemberg, de France et de l’Union Européenne déployés sur les lieux de rencontre : notamment chez le Premier Ministre, chez le Ministre des Affaires Etrangères ou la Ministre de l’Ecologie. Cette dernière a même souligné, ce qu’elle avait déjà annoncé quelques jours plus tôt, que la Centrale Nucléaire de Fessenheim allait fermer bientôt : sans doute en 2018 avec la mise en route de la centrale de Flamanville III.

Le « vert » Winfried Kretschmann a fait mine de considérer qu’il s’agissait là d’un « scoop » que la presse allemande, insistant sur la satisfaction de l’hôte venu de Stuttgart, s’est empressée de reprendre dans ses colonnes ! A les lire ce serait le seul point vraiment saillant d’une visite -la deuxième en cinq ans- qui a commencé à Paris pour finir à Strasbourg où le Ministre-Président Kretschmann s’était déjà rendu en Juillet 2014 ! (voir eurojournalist.eu du  9 Juillet 2014).

Du « concret » contre les « populismes » ? – Bien que l’invité d’honneur ait insisté -notamment à Strasbourg- sur le fait qu’il fallait avancer en Europe avec du concret pour lutter contre les populismes, cette visite a surtout servi à réchauffer le climat entre la délégation allemande et ceux qui l’ont reçue cette fois-là : les uns et les autres y ont mis du leur pour montrer qu’entre la visite de Winfried Kretschmann à Paris il y a cinq ans voire celle de Günther Oettinger, l’atmosphère s’était réchauffée au point que notre confrère la « Stuttgarter Zeitung » ait cru pouvoir titrer : « Paris montre de l’intérêt au Sud-Ouest » (« Paris zeigt Interesse am Südwesten ») et que la « Badische Zeitung » ait insisté sur « L’Etonnement face au vert pramatique » (« Staunen über den pragmatischen Grünen »).

Rien de bien spectaculaire n’est sorti de cette visite pour laquelle le Ministre-Président du Land était entouré d’une impressionnante délégation des responsables des ministères et des administrations du Bade-Wurtemberg : on a célébré les rapports amicaux entre la France et l’Allemagne, sorti des placards un « moteur franco-allemand » qui tousse, insisté sur la nécessité d’approfondir encore les relations, souligné le besoin d’aborder ensemble le futur européen (notamment face au problème des réfugiés et après le Brexit). A Strasbourg, Philippe Richert, en tant que président de la Région du « Grand Est » devait insister : « Du fait de sa situation géographique, le Grand Est est un partenaire naturel de la coopération transfrontalière avec les Länder voisins. Au sein de l’espace privilégié qu’est le Rhin Supérieur -associant également la Suisse du Nord Ouest- la Région travaille avec tous ses partenaires pour faire de cette zone un espace intégré ».

Ce n’est un secret pour personne que le souabe Winfried Kretschmann n’a réellement découvert la dimension transfrontalière (chère par contre aux Badois) du Land que depuis qu’il en est le… Ministre-Président et qu’il a fortement placé son deuxième mandat présidentiel sous le signe de la coopération avec l’Alsace, le Sud du Palatinat, le Pays de Bade et les cantons suisses appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler le « Rhin Supérieur ».

Kretschmann et le « Brexit » sur le Rhin ! – La naissance du Grand Est pose évidemment le problème des liens transfrontaliers existant déjà entre les régions voisines de la Lorraine, du Luxembourg, de la Sarre, de la Belgique et d’une partie de la Rhénanie-Palatinat. Manifestement et Philippe Richert et Winfried Kretschmann donnent priorité au Rhin Supérieur, en raison notamment de la présence des cantons suisses « avec lesquels », souligne curieusement Kretschmann, « il ne faudrait pas créer une sorte de Brexit sur le Rhin ! » On devra jeter des ponts entre actions transfrontalières menées au sein du Grand Est, lorsque cette grande région sera consolidée et qu’elle aura trouvé son équilibre », a insisté le Ministre-Président du Land : aurait-il un secret espoir de voir l’Alsace défusionnée après une éventuelle alternance politique ?

En attendant les interlocuteurs de la rencontre strasbourgeoise, déçus de voir que les candidats à une formation puis à un emploi Outre-Rhin ne sont pas aussi nombreux qu’on l’espérait notamment au Pays de Bade, ont décidé d’intensifier l’enseignement de l’allemand en Alsace (rien n’a été dit sur l’enseignement du français au Bade-Wurtemberg). Ils ont décidé de développer les échanges entre enseignants des deux côtés du Rhin, d’intensifier la coopération entre les universités membres d’EUCOR (5 université du Rhin Supérieur), de poursuivre avec l’appui des fonds européens « Intereg » ce qu’on appelle « l’Offensive Sciences ».

Vers la construction d’un centre de recherches transfrontalier ! – A ce propos, le recteur Hans Jochen Schiewer, de l’Université de Fribourg en Brisgau, actuel présIdent d’Eucor, a précisé qu’un projet de « Centre transfrontalier de Recherches du Rhin Supérieur » (250 millions d’Euros attendus des Fonds Interreg) fera l’objet d’études pendant deux ou trois ans avant d’être présenté à l’Allemagne et à la France : si aucune date de mise en route, ni aucun lieu d’implantation ne sont encore définis, la réalisation pourrait voir le jour en quatre ou cinq ans.

Il y a des projets, il y a de la bonne volonté, reste à trouver la… volonté tout court et les moyens de concrétiser ! En attendant, dans le cadre de ce qu’on a baptisé « coopération mémorielle », va être engagée une démarche commune pour faire bénéficier l’ex-camp de concentration de « Natzweiler-Struthof », haut lieu de la mémoire nationale, du « Label du Patrimoine Européen » ! Le passé, décidément, s’invite toujours sur les bords du Rhin, dans l’espoir qu’il fécondera l’avenir !

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