De Strasbourg à Karlsruhe

Le développement durable sera plus efficace dans une perspective transfrontalière. Foto: Fondation Wüstenrot / DFI

(Par Alain Howiller) – On peine à imaginer cette évolution et pourtant : en 1900, seulement 10% de la population mondiale vivait dans des villes ! En2008, le pourcentage dépassait 5O% et d’après les prévisions actuelles, 70% des habitants du globe habiteront dans des agglomérations urbaines en 2030, dans moins de… 15 ans ! C’est dire l’importance que le développement urbain prend dans l’évolution économique et démographique de la planète. L’avenir de la ville, son aménagement au profit de ses habitants deviennent des enjeux décisifs pour une cité qui doit tout à la fois répondre aux besoins des générations actuelles et futures, qui doit préserver ce qui existe, assurer un équilibre entre habitat, zones de loisirs, de formation et lieux de travail.

Nous avons un point commun avec tous les écologistes : «Nous devons à la fois allier les besoins d’aujourd’hui et penser dans le très long terme. La ville dans laquelle nous vivons a été pensée avec des schémas culturels et sociaux d’il y a cinquante voire cent ans. On y vit, heureux, en l’adaptant. Ainsi, il nous faut à la fois s’appuyer sur la mémoire des lieux, bâtir avec les aspirations et les technologies contemporaines et réserver les possibles pour nos successeurs», écrit Nicolas Ferrand, Président du «Club Ville Aménagement», en marge du congrès que son association organise à Strasbourg les 7 et 8 Avril.(1) Plus de 500 participants -architectes, urbanistes, sociologues, élus, aménageurs etc…- sont attendus dans la métropole alsacienne pour ce congrès dont le thème général sera «Ensemble la Ville».

500 personnes et une ministre réunies, à Strasbourg ! – La rencontre, dont la séance de clôture sera présidée par Emmanuelle Cosse, la Ministre du Logement et de l’Habitat Durable, prévoit, outre la visite de nombreux sites de l’Eurometropole strasbourgeoise (28 communes, 24500 emplois, 478.000 habitants), des tables rondes, des ateliers, des conférences sur la transition énergétique pour mieux faire la ville, le rôle des aménageurs, le fait métropolitain, la ville pour tous, l’environnement, l’investissement durable, l’habitat participatif etc… Autant de thèmes qui nourrissent a réflexion sur ce qu’on appelle le développement durable de la ville, un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. L’adaptation des théories du développement durable à la ville s’intensifie depuis une dizaine d’années, en particulier en Allemagne et en France, comme le souligne le troisième tome publiant les travaux engagés, de longue date, par «l’Institut Franco-Allemand – DFI» de Ludwigsburg et la «Fondation Wuestenrot».

Après avoir publié un ouvrage sur «démographie et projet urbain – exemples en France et en Allemagne» puis sur un «Développement urbain et intégration sociale des jeunes», les deux organismes publient cette fois «Stratégies pour un développement urbain durable en France et en Allemagne» parce que «la lutte contre le changement climatique et la transition vers un développement durable économe en ressources comptent parmi les grands défis de notre époque», notent le Dr. Stefan Krämer de la Fondation Wuestenrot et Dominik Grillmayer en soulignant : «Pour la France et l’Allemagne, on constate que la volonté politique de changement, la logique économique et les intérêts des habitants entrent parfois en conflit les uns avec les autres ; mais des solutions durables ne peuvent être élaborées qu’en impliquant la population et en tenant compte de ses habitudes, qu’il s’agisse de lutter contre l’étalement urbain, de renforcer la mobilité durable ou de diminuer la consommation énergétique des bâtiments.»

Des objectifs et des conflits en perspective ! – Il est évident que «dans la mise en oeuvre d’une politique de gestion durable au niveau local apparaissent inévitablement des conflits d’objectifs qui, la plupart du temps, sont liés aux comportements de la population et rendent plus difficile une action cohérente», écrit Dominik Grillmayer qui rappelle que les objectifs recherchés en matière de gestion durable des villes portent sur la lutte contre la consommation d’espace, la densification («construire la ville sur la ville, utiliser les espaces disponibles»), promouvoir des trajets courts et réduire l’usage de la voiture donc diminuer les émissions de gaz à effet serre («ne plus séparer zones d’habitat et zones de travail»), peser sur les déplacements des banlieusards, éviter les encombrements de trafic dans les agglomérations»), investir dans les transports publics, agir sur la consommation d’énergie, promouvoir l’isolation des immeubles. Objectifs ambitieux qui en France, par exemple, se heurte notamment au fait que les deux tiers des constructions neuves sont des… maisons individuelles ! Objectifs ambitieux aussi initiateurs d’un nouveau projet de société, à l’aube d’une troisième révolution industrielle fondée sur des approches technologiques nouvelles(2).

Objectifs ambitieux encore qui implique qu’on associe largement le citoyen aux décisions et aux actions afin d’éviter au maximum que ne s’installent des conflits d’intérêts individuels préjudiciables aux intérêts du plus grand nombre. En France, EcoQuartiers, EcoCités, AgroCités essayent d’obéir, avec le soutien de l’Etat, à respecter cet objectif : y est déterminante, l’action incitative de l’Etat qui n’a pas su (comme en Allemagne) fusionner les communes, mais qui joue sur les 19 Métropoles (dont Strasbourg et Metz dans ce qu’on appellera désormais le… «Grand Est») et sur les inter-collectivités.

L’exemple de Karlsruhe et de Brême ! – En Allemagne, depuis l’adoption en 2002 de la «stratégie nationale de développement durable» (actualisé tous les 4 ans), le gouvernement (un peu à la traîne !) s’appuie sur un «Conseil pour le développement durable» et, surtout, sur l’action coordonnée des communes (en première ligne !) des Länder, la société civile et les entreprises.

Comme par exemple à Brême où la transition énergétique, et une croissance économique durable (fondée sur l’éolien), entendent nourrir le rétablissement d’une «ville-Etat» en quasi-faillite. A Karlsruhe, autre exemple cité, la «grande ville du vélo» qui aménage deux itinéraires cyclables par an, un programme en 20 points privilégie la lutte contre la pollution en agissant sur l’utilisation d’une voie publique partagée par tous les utilisateurs (piétons, cyclistes, automobilistes, usagers des transports en commun tram/train ou «métro»). Il est vrai que la multiplication des chantiers (notamment pour le métro) a provoqué bien des bouleversements qui n’ont sans doute pas été étrangers au remplacement du maire CDU sortant Heintz Fenrich par son challenger SPD, Frank Ment !

Un «Plan local d’urbanisme» pour l’Eurometropole Strasbourg. – Le «risque politique majeur» qu’illustre l’exemple de Karlsruhe, met en relief que le passage en «gestion durable» d’une ville avant d’être une solution est, en fait, un problème : il s’agit d’associer un maximum de gens à la «solution du problème», en évitant de mettre en cause la cohésion sociale, en tenant compte des gens et en particulier des personnes défavorisées, en ne privilégiant pas ceux qui sont… déjà privilégié ! Il s’agit aussi -comme le «Congrès de Strasbourg du Club Ville Alménagement» l’illustre, d’enrayer le déclin industriel et de promouvoir une forme de croissance et de progrés social en luttant contre les intérêts égoistes ! Pas facile !

L’Eurometropole de Strasbourg qui vient de soumettre son «Plan local d’Urbanisme Intercommunal – PLUi» à l’enquête publique prévue par la loi, va recueillir, du 4 Avril au 20 Mai, l’avis de ses administrés. Le «PLUi» met en relief la qualité paysagère du plan, la manière dont il favorise le cadre de vie, l’équilibre entre zones bâties, zones agricoles et zones naturelles. Il révèle la manière dont est respecté l’aménagement de l’espace, la manière dont est pris en charge l’impact du changement climatique, le maintien et le développement des zones d’attractivité économique. Le rendez-vous citoyen est, on le voit, d’importance au moment où se met en place la nouvelle région «Grand Est» et où l’Eurometropole se voit confiée de nouvelles compétences au service du développement.

(1) Le «Club Ville Aménagement» a été fondé en 1993 : il regroupe des professionnels de l’aménagement de nos cités, des aménageurs, des collectivités, des architectes, des élus, des universitaires, des représentants de l’Etat, des personnalités etc… Il organise un congrès tous les trois ans, il met en place des séances de travail, des échanges y compris avec des partenaires d’autres pays, des conférences. Pour joindre et savoir : club-ville-amenagement@i-carre.net ou www.club-ville-amenagement.org

(2) www.wuestenrot-stiftung.de ou bien info@wuestenrot-stiftung.de ou encore www.dfi.de.

1 Kommentar zu De Strasbourg à Karlsruhe

  1. Chapeau M. Howiller pour ce travail remarquable de recherche et donc analyse fondée.

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