Dégâts collatéraux, projet intact.

Le Forum des Enfants remis aux calendes islamistes.

C'est ici qu'aura lieu le "Forum Mondial de la Démocratie". Mais sans les enfants, pour des raisons de sécurité. Foto: Ziko / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Gervaise Thirion) – Malgré des déconvenues, il est lancé ce quatrième Forum Mondial de la Démocratie qui se tient à Strasbourg du 16 au 21 novembre. On lui avait choisi sa problématique en écho aux attentats de janvier, sous l’intitulé «Liberté vs contrôle : pour une réponse démocratique».

Bien vu, car la question se pose avec encore plus d’acuité maintenant que des «actes de guerre» (thèse officielle) ont été commis dans le pays qui accueille cette grande rencontre et que l’état d’urgence vient d’être décrété en France pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, il y a plus de cinquante ans.

Une surabondance d’informations sans contrôle. – Des événements qu’on ne voulait pas croire possibles «chez nous», alors qu’ils ont lieu quotidiennement «chez les autres» et qu’ils étaient prévus, nous ont sidérés, laissés sans voix. Alors, peut-on encore se réunir pour débattre sereinement ?

On rêvait d’avancer, de progresser. Une fois de plus l’aventure s’annonçait passionnante.

Mais voila que, dans un état d’hébétude, on se trouve brutalement à suivre en boucle le déroulé des infos, des comptes-rendus, des débats de tous ces journalistes, politiciens, penseurs, chercheurs, experts du CERI, de l’IFRI, de Sciences po, tous ces gens qui savent… Des journées entières, des nuits même, d’effervescence à essayer de comprendre et de saisir toute la complexité du problème.

Passé le moment de la douleur, du chagrin, du recueillement vient déjà le moment «du politique». Derrière la volonté affichée par tous (ou presque) d’unité nationale se dessinent déjà quelques couacs dans l’harmonie. Certains réclament plus de sécurité, rien de plus normal dans un tel contexte. D’autres dans leur hâte, commencent à suspecter, à contester partiellement, à accuser plus radicalement, à suggérer des mesures plus draconiennes parfois expéditives.

Dès lors les sujets abordés au Forum n’en deviennent que plus pertinents. Ils sont déployés et relayés par des moyens de plus en plus sophistiqués technologiquement dans un tumulte que décrit si bien Edwy Plenel dans son dernier ouvrage (la troisième équipe).

Qu’on lise ici l’extrait qui traduit l’expérience d’un journaliste qui a vécu le temps des machines à écrire, des pneumatiques, de l’odeur du plomb, des rotatives…

«Un abîme nous sépare de cette époque où les nouvelles patientaient pour nous parvenir, où le temps n’était pas encore immédiat, où l’espace ne semblait pas avoir rétréci. Il ne mesure que trente ans… une virgule dans l’histoire de l’humanité.

Nous vivons aujourd’hui dans un autre monde… celui de l’information instantanée, des nouvelles en flux continu, de l’interactivité des réseaux sociaux, de la circulation sans frontière et en temps réel des moindres urgences, dans un désordre sans tri ni hiérarchie où faits divers éphémères et changements politiques durables s’entremêlent.»

En effet, que de changements ! Mais avec toujours plus de lecteurs, d’auditeurs, de spectateurs, la vérité y gagne-t-elle ? Certes mais avec le discernement que requiert la crédibilité des sources.

La liberté d’information à «l’ère de la terreur». – C’est l’un des trois thèmes qui alimentent les «labs» (laboratoires). La déconvenue sans doute la plus regrettable est l’annulation du «Forum des enfants». Cette initiative importante était proposée, le vendredi 20 novembre à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Enfants, par l’association Thémis et devait rassembler 1200 élèves, âgés de 8 à 10 ans, issus de 45 classes du primaire, de toute l’Alsace.

Trois sujets ont été travaillés avec leurs enseignants : le vivre ensemble et la participation ; citoyen d’internet ; tous différents, tous égaux. Dix projets sélectionnés par un jury devaient faire l’objet d’un vote afin de retenir celui qu’ils estiment le plus innovant et original pour la protection des libertés démocratiques.

Dommage, car il est temps, il devient urgent, de commencer par le commencement : l’éducation, la tolérance, l’utilisation raisonnable et citoyenne des technologies modernes pour lesquelles ils ont des dispositions si étonnantes. Qu’en aucun cas des événements tels que ceux qui viennent de se produire ne leur fasse perdre une perception juste et l’espérance.

Le projet n’est cependant pas abandonné, le travail étant fait, rien n’est plus grave que la déception d’un enfant qui s’y est beaucoup investi.

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