Délits de haine ordinaire…

En Espagne, par ces temps de pandémie, certains professionnels n'échappent pas à la haine, mais la réponse des pouvoirs publics ne se fait pas attendre.

Promouvoir l'acceptable, poursuivre l'inacceptable... Foto: RecycledStarDust / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Photos à l’appui, La Vangardia relate des delitos de odio passibles de poursuites : c’est-à-dire des délits de haine envers des soignants, mais aussi des caissier(e)s qui montrent, si besoin était, que d’un côté des Pyrénées comme de l’autre, existent et prolifèrent les mêmes individus bas de plafond, les mêmes pétochards haineux. A ceci près qu’à l’heure où, au Nord-Est des Pyrénées, les propriétaires responsables le 31 mars 2020 de l’expulsion de Melina, infirmière exerçant en réanimation au CHU de Montpellier et de trois membres de sa famille, sont enfin poursuivis pour plusieurs délits cumulés, l’Espagne montre une fois de plus le chemin, car là bas, ce genre de comportements porte un nom très explicite : le délit de haine.

Le ministère de l’intérieur espagnol fait campagne contre ces délits pouvant conduire au crime et publie sur son site des plaquettes explicatives en plusieurs langues où l’expression delito de odio est traduit par hate crime, ou crime haineux. Ces versions employant le terme crime, mettent l’accent sur le fait qu’il s’agit d’atteintes à la personne ou aux biens en raison de leurs liens réels ou perçus, leur connexion, leur soutien, leur appartenance à un groupe basé sur une caractéristique commune à ses membres. Évidemment, sont énumérés les origines, la langue, la couleur de peau, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, le handicap, mais aussi, et c’est très important, tout autre facteur similaire. Ainsi, en cette période de pandémie, les menaces et voies de faits à l’encontre de personnes assurant tant des missions de service public que de service au public, sont considérées comme des délits de haine car dirigés contre des personnes appartenant à un groupe basé sur une caractéristique commune à ses membres. Point n’est alors besoin de chercher d’autres articles de lois pour étayer le dossier, au risque de se retrouver face à un avocat particulièrement retors et donc potentiellement capable de démonter l’accusation pièce par pièce.

Dès le 27 février 2020, La Vangardia se faisait écho de la décision des autorités de poursuivre les responsables de certains délits en lien avec la pandémie de Covid-19. Ainsi, simuler une situation dangereuse, porter atteinte à l’honneur d’une personne, inciter à la haine et perturber la paix publique, est susceptible de coûter jusqu’à quatre ans d’emprisonnement. Les bulos, traduisibles en hoax ou canulars, sont inclus dans cette loi, notamment lorsqu’ils sont diffusés sur les réseaux sociaux. Avec un tel arsenal juridique à l’appui, les personnes assurant des missions de service public ou de service au public, harcelées par leur voisinage durant la pandémie, ont les moyens de porter plainte efficacement. Ce à quoi se sont engagées des infirmières soutenues par Florentino Pérez Raya, président du Consejo General de Enfermería de España, organisme plus que centenaire représentant 200.000 professionnels. Donc les lettres anonymes et les aspersions d’eau de javel sur les portes des logements ne resteront pas sans poursuites, tout comme le tag « Rata contagiosa » (rat contagieux) inscrit sur la voiture d’une gynécologue à Barcelone. Les incitations à déménager et les menaces contre des caissières sont encore plus aberrantes que celles à l’encontre des soignant(e)s. Comment, des individus à courte-vue, se pensant peut être à l’abri du Covid-19 en faisant déménager les soignant(e)s de leur voisinage, peuvent-ils s’imaginer ne pas avoir besoin de recourir aux personnels des magasins d’alimentation ? Peut-être sont-ils ceux qui, d’un côté comme de l’autre des Pyrénées, on fait des stocks énormes de denrées alimentaires et de papier hygiénique, à l’annonce du confinement ?

L’espèce humaine ne variant guère d’un pays à l’autre, il n’est pas étonnant de retrouver en différents endroits de la Terre d’identiques comportements abjects. Aussi serait-il absurde de penser les Espagnol(e)s globalement meilleurs que d’autres Européen(ne)s, dont les Françai(se)s, pour ne pas les nommer. Que l’être humain soit bon par nature ou qu’il naisse pécheur, il demeure capable de la même inhumanité. Ce qui fait la différence n’est pas tant la nature humaine que sa perméabilité à une quelconque pression sociale. Or, il appartient aux pouvoirs publics de déterminer, dans un cadre démocratique, ce qui est acceptable ou inacceptable et de se donner les moyens tant de promouvoir l’acceptable que de sanctionner l’inacceptable. Les applaudissements aux fenêtres, se manifestant quotidiennement à 20h00 en Espagne depuis le début de la pandémie, sont soutenus par les forces de l’ordre et le gouvernement. Les delitos de odio, dont le possible virage vers des crimenes de odio n’est jamais à exclure, sont poursuivis par les forces de l’ordre et seront sanctionnés par la justice.

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