Deliveroo jette l’éponge en Allemagne

Le service de livraison de repas préparés se retire du marché allemand. Trop de stress avec les syndicats, trop de concurrence. Mais « l’ubérisation de la malbouffe » ne s’arrête pas pour autant.

Il y a quelques jours, les livreurs Deliveroo manifestaient contre les conditions de travail. Ce soir, il n'auront plus de travail du tout. Foto: Leonard Lenz / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(KL) – En principe, l’Allemagne aurait du être le marché idéal pour « Deliveroo ». Mais le service de livraison de repas préparés anglais n’a pas réussi à s’imposer outre-Rhin – trop de concurrence, trop de critiques concernant son système de rémunération, trop mauvaise presse à cause du traitement des livreurs qui, comme en France et d’autres pays, sont des « auto-entrepreneurs » qui sont tout sauf des auto-entrepreneurs. L’annonce du retrait du marché allemand, faite en début de semaine, était surprenante car aujourd’hui, vendredi, est déjà le dernier jour de « Deliveroo » en Allemagne – ce soir, il file à l’anglaise.

Le système « Deliveroo » est celui qu’appliquent également tous les concurrents, et que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreux secteurs d’activité. On oblige les travailleurs à adopter le statut d’auto-entrepreneur pour économiser les charges sociales et des problèmes avec des travailleurs qui pourraient s’organiser s’ils étaient salariés. Pourtant, pour être auto-entrepreneur, on n’a pas le droit de travailler pour un seul client, mais puisque personne ne contrôle, les livreurs de ces services opèrent pour le moins dans une zone grise et généralement, ne se tournent pas vers les autorités, de peur de n’être pas tout à fait dans la légalité et de perdre le boulot, aussi mal payé qu’il soit.

Assurances maladie, de chômage ou de retraite ? Pas dans ce monde « ubérisé » ! Chacun pour soi et si tu n’es pas content, tu peux partir. Fourniture d’un outil de travail (comme par exemple un vélo) ? Bien sûr que non – tu es auto-entrepreneur et donc responsable de tes propres moyens de travail. Il est beau, le monde post-moderne où les droits des travailleurs disparaissent les uns après les autres.

Maintenant, tout va aller très vite. Les clients qui disposent encore d’un avoir sur leur compte-clients seraient remboursés, indique l’entreprise anglaise, les 100 salariés environ en CDI (si, si, ça existe aussi chez « Deliveroo », des salariés qui, centralement, gèrent le travail des 1000 livreurs) obtiendront une prime de licenciement et voilà, ce soir, vendredi 16 août, Deliveroo n’existera plus en Allemagne. « Nous nous concentrerons sur les marchés en croissance ailleurs en Europe et en Asie », annonce l’entreprise, tout en soulignant qu’un retour en Allemagne ne serait pas exclu.

Le géant Deliveroo, financé par un autre géant qui n’est autre qu’Amazon, avait pourtant mis les moyens pour gagner le marché allemand. Mais avec leur publicité agressive, les Anglais n’ont fait que renforcer les concurrents nationaux comme « Lieferando » et « Lieferheld » qui avaient fusionné en début de l’année, et qui peuvent maintenant se frotter les mains. Un concurrent de moins. Et effectivement, ce ne sont pas les concurrents qui manqueraient sur ce marché en Allemagne.

Les Néerlandais de « Takeaway.com » (propriétaire de la marque « Lieferando ») se sont déjà accaparés la filiale allemande de « Delivery Hero », tout en cherchant à opérer une autre fusion avec « Just Eat ». Déjà dans le portefeuille des Néerlandais – les services « Pizza.de » et « Foodora ». Toutefois, « Takeaway.com » se trouve face à un problème après la reprise de « Lieferando », car « Lieferando » constituait l’exception qui confirme la règle – ce service emploie les livreurs comme salariés et non pas comme auto-entrepreneurs. On verra combien de temps « Lieferando » pourra continuer à salarier ses livreurs, car ce système « classique » fait désordre dans ce monde « ubérisé ».

L’exemple des 1000 livreurs de « Deliveroo » montre clairement comment fonctionne ce « nouveau monde » – avec un préavis de 3 jours (!), ils se trouvent tous à la rue, sans avoir le droit de toucher le chômage ou d’autres prestations auxquelles tout salarié peut prétendre – on les envoie dans le désert et dans un chômage où ils sont largement moins bien lotis qu’un chômeur « normal ».

Pendant des décennies, nos aïeux se sont battus pour les droits des travailleurs, pour une protection sociale minimum, pour qu’un salarié puisse vivre à peu près tranquillement du fruit de son travail. Tout cela vient d’être aboli sans que personne ne s’y oppose – les « auto-entrepreneurs » dans ces services n’ont aucun droit, sont mal payés, doivent assumer eux-mêmes leurs frais sociaux et n’ont aucune garantie d’emploi – la preuve : ceux qui travaillaient en début de semaine pour « Deliveroo », sont ce soir au chômage.

Le libéralisme « far west » selon le système anglo-saxon (« hire and fire ») est donc arrivé aussi sur le continent européen. Il serait peut-être temps de se révolter contre ces entreprises qui non seulement diffusent une nourriture « fast food », mais qui en plus, laissent leurs collaborateurs seuls dans le vent. La disparition de « Deliveroo » du marché allemand est une bonne chose, la disparition de tous les concurrents qui appliquent les mêmes modèles d’affaires en serait une aussi. Aux consommateurs de régler ce marché – si plus personne ne commande de la malbouffe par ces services, ils disparaîtront un à un. Et ce ne serait pas une mauvaise chose.

1 Kommentar zu Deliveroo jette l’éponge en Allemagne

  1. Bravo, tout à fait d’accord

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