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« Enfantillages. L'Alsace et les prémices de l'illustration jeunesse (XIX-XXe siècles) » - une exposition qui vaut d'être visitée.

Une très belle exposition qui vaut le détour... Foto: Musées de Strasbourg

(Par Thérèse Willer) – « Enfantillages » ? Le titre de l’exposition qui est présentée à la galerie Heitz jusqu’au 17 février, ne rend pas vraiment justice à l’événement, tant celui-ci vaut le détour par la qualité des œuvres présentées, de la scénographie et du propos tout à la fois. Dans le cadre de la labellisation « Strasbourg Capitale mondiale du livre », Florian Siffer, Responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins aux Musées de Strasbourg et Christine Esch, Directrice de la Bibliothèque alsatique du Crédit Mutuel, ont en effet choisi de montrer à partir de ces deux collections et d’autres collections publiques et privées du Grand Est, un thème inédit autour des enfantina – ou livres pour la jeunesse – en Alsace depuis le XIXe siècle.

S’il est essentiellement question d’illustratrices et d’illustrateurs dans les cinq chapitres d’« Enfantillages », il y figure également les imprimeurs-lithographes, les graveurs, ainsi que les éditeurs qui ont participé à ce registre littéraire et graphique, de même que les divers supports sur lesquels ils ont œuvré. C’est ainsi que les visiteurs découvrent non seulement des livres, mais également des affiches, des images à collectionner ou à découper, parfois à but publicitaire, des albums animés. On constate à la vue de toute cette imagerie (au sens noble du terme) qui a été mis à disposition du public enfantin au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, que l’Alsace s’est montrée particulièrement dynamique non seulement pour instruire, mais également pour divertir celui-ci.

L’imagerie Wentzel de Wissembourg qui n’avait rien à envier en termes de qualité à celle, limitrophe, d’Epinal, était destinée à diffuser ces images le plus largement possible. De son côté, l’édition allait accorder à la jeunesse, après la parution des deux premiers albums qui lui avaient été spécifiquement dédiés, Pierre l’ébouriffé – une traduction duStruwwelpeterde Heinrich Hoffmann - chez Hachette, et La Journée de Mademoiselle Lili, illustré par Lorentz Frœlich, chez Hetzel, une attention particulière. L’illustration pour enfants connut dès lors un véritable âge d’or. Des artistes d’envergure, Gustave Doré, Gustave Jundt, Frédéric Lix, Charles Émile Matthis, Théophile Schuler – dont on avait déjà pu voir des dessins originaux lors d’une exposition dédiée aux inspirations sur l’œuvre de Tomi Ungerer au musée éponyme, conservés à la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg, d’un Abécédaire illustré édité chez Hetzel en 1868 sous le titre Le Premier livre des petits enfants – illustrèrent des albums chez différents éditeurs, Pierre-Jules Hetzel, Hachette, Garnier frères ou encore Furne. Dans leur répertoire, les contes littéraires et populaires – ceux-ci inspirant parfois les précédents – tenaient une place prépondérante.

L’édition par Hetzel des Contes de Perrault ou des Fables de La Fontaine illustrés par Gustave Doré est sans doute l’un des exemples les plus aboutis du genre, qui résulte d’une réelle symbiose entre l’éditeur, le graveur et l’illustrateur. En parallèle à ces classiques, les contes et légendes d’Alsace ainsi que certains épisodes marquants de son Histoire, mis en scène dans les lieux emblématiques de la région, constituèrent également une source iconographique importante. Outre la valeur instructive ou divertissante de ces ouvrages, il ne faut cependant pas en méconnaître une portée d’une autre espèce.

En effet, après 1870 et jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, certains artistes, marqués par l’annexion de l’Alsace-Lorraine et les conflits entre la France et l’Allemagne, ont instrumentalisé l’illustration jeunesse pour servir la propagande patriotique – d’un côté comme de l’autre du Rhin. C’est plus particulièrement autour de l’œuvre de Hansi que s’est concentré pendant des décennies l’esprit de revanche cocardière de la France.

En parallèle aux grands noms de l’illustration jeunesse, d’autres, peu connus dans ce registre – et ce n’est pas le moindre des mérites de cette exposition de les montrer -, ne manquent pas de surprendre, ainsi Leo Schnug (ses vignettes réalisées pour les chocolats Stollwerck en 1900) ou Paul Braunagel (ses dessins pour le livre pour enfants Von Drachen, Puppen und Soldaten, 1910). Enfin, quelques émanations dans la deuxième moitié du XXe siècle de ce grand mouvement de l’illustration, entre autres les dessins de Philippe Fix et de Tomi Ungerer, montrent combien l’imaginaire alsacien mis en place a su se renouveler.

En si conclusion, nous nous permettions de proposer un autre titre à cette exposition ? Ce serait dans ce cas, celui d’« Enfantimages »…

Jusqu’au 17 février 2025. Un second volet de cette exposition, « Pas de livres pour enfants. Enfantillages chapitre 2 » est à découvrir au Musée Tomi Ungerer, jusqu’au 2 mars 2025 au Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration.

Catalogue de l’exposition : Enfantillages. L’Alsace et les prémices de l’illustration jeunesse, XIXe-XXe siècles. Ouvrage dirigé par Florian Siffer et Christine Esch Graphisme Aurélien Farina, Paper ! Tiger ! 280 pages / Prix indicatif : 35 euros ISBN : 9782351252260

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