Derrière les coulisses – le combat des chefs pour le pouvoir à Berlin
Wolfgang Schäuble a profité des vacances de la chancelière pour prendre les reines à Berlin. Angela Merkel ne peut que faire semblant d’approuver sa politique…
(KL) – Pendant des décennies, Wolfgang Schäuble avait rêvé du pouvoir. Il était le successeur pressenti du chancelier Helmut Kohl, mais suite à un scandale autour de financements illégaux de son parti, la CDU, il avait porté le chapeau pour son maître, se privant ainsi de la succession à la chancellerie. A sa place, Angela Merkel prit le pouvoir à Berlin et à l’époque, personne ne pensait qu’elle allait durer à cette position. Erreur. Le temps que Schäuble s’en rendit compte, il avait perdu l’emprise sur le parti qui, un moment donné, aurait aimé le promouvoir Président Fédéral, un poste honorifique, mais dépourvu de réels pouvoirs. Mais même là, Schäuble terminait deuxième de la course, car c’étaient les années rouge-vert, et Johannes Rau (SPD) devenait Président.
Par la suite, en tant que ministre de l’intérieur fédéral, Schäuble se transformait en faucon, prenant ainsi sa revanche sur son destin qui le tenait à l’écart du pouvoir suprême. Mais tout allait changer lorsque Schäuble héritait du portefeuille des finances – du coup, son pouvoir au niveau national et européen devenait une réalité. Au niveau national, plus rien ne fonctionne en Allemagne sans son aval et au niveau européen, il avait enfin trouvé la scène lui permettant d’imposer sa vision d’une société et d’une Europe germanique. Et Schäuble comprit qu’il ne fallait pas être chancelier pour se trouver aux commandes. Depuis, derrières les coulisses berlinoises, il se livre à un bras de fer permanent avec Angela Merkel qui elle, semble de plus en plus perdre le contrôle sur son ministre des finances qui mène une politique européenne en faisant fi si cette politique soit celle de la chancelière ou non.
Ainsi, concernant la Grèce, l‘homme est parti tout seul en croisade contre la Syriza et Alexis Tsipras, il s‘oppose au FMI et Christine Lagarde et Angela Merkel n‘a plus les cartes en mains. Pendant que la chancelière semble enclin d‘aller dans le sens de Christine Lagarde en acceptant une réduction de la dette grecque, Wolfgang Schäuble ne veut pas en entendre parler. Ainsi, après les consultations des ministres des finances européens à Bruxelles, Schäuble, sur un ton suffisant, déclarait être convaincu de pouvoir «trouver une solution acceptable avec le FMI», ce qui, dans sa diction, veut dire «être convaincu de pouvoir mettre le FMI sous pression de manière à ce que Christine Lagarde finisse par adopter la position allemande». La timide tentative d‘Angela Merkel de relativiser cette déclaration, échouait. C‘est Schäuble qui dirige les opérations.
La chancelière doit désormais faire semblant que son ministre des finances exécute ses ordres, ce qui n‘est plus le cas. Surtout dans le dossier de la Grèce, Angela Merkel serait prête à trouver, avec la BCE et le FMI, des solutions réalistes pour la Grèce, mais elle n‘arrive plus à imposer cette vision à Wolfgang Schäuble qui, fort de son expérience de vieux routard de la politique, est en train de devenir le «chancelier secret» d‘Allemagne. Angela Merkel, elle, hérite du rôle ingrat de ramasser les débris que son ministre laisse un peu partout en Europe.
Il est étonnant que personne dans la CDU n‘ose se rebiffer contre ce vieil homme qui visiblement, mène un combat solitaire contre tout ce qui pourrait ressembler à une politique de «gauche» ou innovante en Europe. La CDU a beau vouloir se donner une image «plus jeune», plus en phase avec le 21e siècle – si elle veut y arriver, elle doit obligatoirement se défaire de cet homme qui ne met non seulement en péril la cohésion européenne, mais aussi le rôle de la CDU en Allemagne. En affaiblissant sa chancelière comme il le fait, il deviendra le «bienfaiteur involontaire d SPD». Mais ni Angela Merkel, ni la CDU trouveront le courage de remercier l‘éternel numéro deux, maintenant qu‘il a découvert que le pouvoir s‘exerce aussi bien sur cette position. Et l‘Europe se pose la question : «Jusqu‚où ira-t-il ?»
Il est certain que ce personnage est un réel danger pour la construction européenne en réveillant une défiance dans de nombreux pays contre l’Allemagne. Le spectacle donné sur la scène greque laissera des traces indélébiles dans les consciences en démontrant le peu de cas fait pour la démocratie. L’image de l’Allemagne se ternit avec ce genre d’individu et la colère monte notamment dans les pays méditerranéens qui se sentent humiliés par l’arrogance de ce monsieur. Le peuple allemand devrait se méfier de tels acteurs de la politique qui risquent de nous mener vers des lendemains plein de désillusions. Le front national en France n’en demandait pas tant pour faire ses choux gras et la bêtise de ce triste individu, si il semble gagnant pour l’économie allemande, entraine son pays vers des records d’impopularité.
Il met tout simplement l’Europe en danger et quel serait le bénéfice d’un éclatement de l’union ?
Cher Philippe. “gagnant pour l’économie allemande” … à court terme peut être, à long terme, j’ai des doutes. Le pourcentage d’allemands vivant dans la misère deviendra trop important et avec la perte d’image que tu évoques justement, l’Allemagne ne devra pas trop compter sur la solidarité de ceux qu’elle ruine actuellement… bien content de te retrouver ici !