Des affaires sanglantes

Rheinmetall, géant allemand de l’industrie de l’armement, profite des tensions internationales et enrichit ses actionnaires, petits et grands.

Là où on prend de telles photos, le groupe allemand Rheinmetall gagne de l'argent. Foto: SSgt William Greeson / US Federal Government / Wikimedia Commons / PD

(KL/AK) – Le groupe allemand Rheinmetall connaît une santé florissante. Avec plus de 20000 salariés, il réalise un chiffre d’affaires d’environ 5,7 milliards d’euros en produisant et en commercialisant des armes et munitions (et aussi des composants pour l’industrie automobile). Il doit son succès aux guerres dans le monde depuis plus d’un siècle. Déjà présent sur le marché durant la Grande Guerre, il emploie pendant la IIe Guerre Mondiale des milliers de travailleurs forcés, nombre d’entre eux en sont morts. Le modèle d’affaires est simple : on vend des armes à ceux qui veulent en acheter, on contourne les législations nationales en profitant de la mondialisation et on exploite un système de lobbying des plus efficaces.

Il est vrai que la législation allemande concernant les exportations d’armes et de munitions dans des zones de guerre est assez stricte. Chaque livraison d’armes fait l’objet d’une procédure d’autorisation compliquée et certaines exportations sont exclues d’office. Pour contourner ces contraintes peu réjouissantes, le groupe profite de la mondialisation. Il s’est implanté dans 29 pays où il exploite 112 sites, dont 37 en Allemagne, 38 dans d’autres pays européens, 13 sur le continent américain, 15 en Asie, 6 en Afrique et 3 en Australie. Cette internationalisation permet une logistique efficace et une proximité avec les clients qui se trouvent dans 138 pays, mais surtout la possibilité de fabriquer et de commercialiser des produits là où ils ne font pas l’objet d’embargos, d’interdictions d’exportations ou de contrôles trop pointilleux.

Le reportage « Des bombes pour le monde », de la chaîne de télévision allemande ARD, montre comment l’industrie de l’armement, des gouvernements corrompus, des lobbys et les belligérants du monde font tourner l’économie.

Par le biais d’une filiale basée en Afrique du Sud, la « Rheinmetall Denel Munition (PTY) Ltd » à Somerset West, le groupe vient de vendre toute une usine de munitions à l’Égypte, un deal qui n’aurait pas été autorisé depuis l’Allemagne. Selon ce reportage, Rheinmetall fournit également des munitions à des États en situation de conflit. Ainsi, l’Arabie Saoudite et l’Iran, ennemis irréductibles, sont tous deux clients de Rheinmetall. Une partie des « produits » est ensuite redistribués à partir de ces deux pays à des organisations terroristes.

La « flexibilité » du groupe lui permet d’agir comme il veut. Et personne n’y regardera de trop près en Afrique du Sud, car la « Rheinmetall Denel Munition (PTY) Ltd. » est détenue à 51 % par la maison-mère allemande Rheinmetall et à 49 % par l’État sud-africain. Ce « partenariat » garantit que les autorités locales n’empêcheront pas les affaires d’un groupe qui injecte des millions d’euros dans l’économie et qui se montre généreux avec les responsables politiques. Les liens précieux que Rheinmetall entretient avec la classe dirigeante dans de nombreux pays sont le fruit d’un travail de lobbying décomplexé.

Sans gêne. – L’un des lobbyistes les plus virulents du groupe Rheinmetall est Dirk Niebel, ancien ministre fédéral allemand de l’aide au développement. Cette fonction lui assurait un accès privilégié aux puissants du monde entier, facilitant ainsi les affaires entre Rheinmetall et les clients dans 138 pays du monde. Dirk Niebel est l’exemple de cette exploitation sans gêne de la fonction politique, une fois le mandat terminé. Après avoir travaillé au redressement de pays ruinés par des conflits, Niebel participe aujourd’hui à armer les belligérants.

La finance est complice. – S’agissant d’une société cotée au DAX (l’équivalent allemand du CAC 40) qui réalise des milliards de chiffre d’affaires, le monde de la finance est partie prenante. Les tensions et conflits qui se produisent dans le monde font grimper le cours des titres Rheinmetall. 2017, mauvaise année pour la paix dans le monde, aura été un excellent cru boursier pour le groupe, avec une hausse de 70 % du cours de l’action.

C’est choquant, mais cela signifie que des millions d’épargnants partagent une responsabilité indirecte : faisant partie de l’indice boursier de référence, les actions de Rheinmetall se trouvent automatiquement dans les nombreux portefeuilles de fonds d’investissement basés sur le DAX. Par conséquent, chaque investisseur dans ces multiples produits financiers, aussi modeste soit-il, contribue à soutenir le groupe Rheinmetall et ses pratiques. Si on veut éviter d’en être involontairement complice, il convient vérifier, avant d’investir dans un produit boursier allemand, qu’il ne comporte pas cette valeur.

2 Kommentare zu Des affaires sanglantes

  1. HEMMERLÉ Pierre // 20. Januar 2018 um 18:08 // Antworten

    CGE+THOMSON avait proposé à votre serviteur quelques 5 Millions annuels pour “équiper” la Syrie. Qui d’autre aurait refusé ?

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