Des alliances pérennes malgré le Brexit ?

Des accords de défense sans trompette tonitruante, mais...

La France et la Grande Bretagne sont les seules puissances nucléaires en Europe de l'Ouest. Peu rassurant quand on considère la qualité des dirigeants actuels... Foto: Docaeby / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Antoine Spohr) – Le départ des Britanniques, grave, préoccupant, même mortifère pour certains, semble pour d’autres, favoriser une relance de la Construction européenne. Alléluia ou requiem ? Sans faire taire pour autant les marches martiales car le traité de Londres de 2010, (en fait 2 traités dits de Lancaster House), lie profondément les deux pays, seuls détenteurs de l’arme nucléaire en Europe de l’Ouest.

Le sénat français à la manœuvre.

Le président de la Haute assemblée, Gérard Larcher dans une déclaration officielle après le vote britannique, prend en compte la décision avec une résignation presque désinvolte. Qu’on en juge sur pièce :

« Bye bye England », relançons le projet européen
Les Britanniques ont dit non. L’Union européenne doit faire face. Elle doit sans tarder réinventer son avenir avec les Nations qui la composent.

C’est la démocratie. Les Britanniques vont sortir de l’Union et il faudra qu’ils en assument les conséquences. Mais le Royaume-Uni n’est ni la Norvège, ni la Suisse…

Nous avons aujourd’hui à analyser lucidement les causes de cette désaffection vis-à-vis de l’Europe. L’Union a perdu la proximité avec les citoyens, elle ne répond plus à leurs attentes. Elle doit impérativement retrouver un nouvel élan autour de projets qui rassemblent.

L’Europe doit d’abord se mettre pleinement au service de la croissance et de l’emploi, elle doit montrer sa capacité, avec les Nations qui la composent, à défendre ses valeurs communes, à faire face à la crise migratoire et au terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.

Le temps des élargissements est suspendu et le couple franco-allemand, miné par l’affaiblissement de notre pays, doit retrouver son rôle moteur.

La France et l’Allemagne doivent sans délai prendre l’initiative de rassembler un groupe d’états pionniers ouvert qui, s’appuyant sur les peuples, donnera à l’Union européenne l’élan qui lui a tant manqué.

Comme elle l’a fait en 1958, la France doit désormais associer redressement économique et financier, engagement européen et rénovation de sa relation si spécifique avec l’Allemagne.

Le rôle des Parlements nationaux sera majeur dans cette reconstruction. C’est ainsi que nous serons à la hauteur de nos responsabilités dans une Europe qui doit réagir, se donner de nouvelles chances, elle en a les moyens.

L’Europe doit devenir une puissance bien plus qu’un espace. »

Fermez le ban !

On l’a déjà entendue de toutes parts cette antienne. Une puissance, qu’est ce à dire ? Voilà qui est suggéré ci-dessus par le deuxième « personnage » de l’Etat. Attitude très répandue et souvent acceptée dans l’opinion publique : accepter de bon gré la sortie des vilains canards et réorganiser, pieusement, le renouveau de l‘Europe par les « Etats Pionniers » sous la conduite des deux leaders incontournables par droit d’aînesse et surtout droit du plus fort (France et Allemagne).

Voilà, dans le moins négligeable domaine planétaire cette fois, qu’on néglige une réalité de géostratégie mondiale, celle de la sécurité et de la défense du continent, voire de l’Occident.

Mais, voici parallèlement, émanant du même Sénat, un son de cloche complémentaire qui sonne, avec un autre diapason, dans cette déclaration de l’ancien premier ministre, Jean Pierre Raffarin, président de Commission au même Sénat …. Encore une fois, qu’on juge sur pièce, svp. :

« Le mercredi 29 juin, le Bureau de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, présidée par Jean-Pierre Raffarin (Les Républicains – Vienne), s’est rendue à l’ambassade britannique à Paris pour une réunion de travail avec l’ambassadeur Sir Julian KING*.

À l’issue de la réunion, Jean-Pierre Raffarin a déclaré : « La France et le Royaume-Uni sont et resteront de proches partenaires, des alliés et surtout des amis. Ces deux grandes puissances militaires en Europe, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, continueront de travailler ensemble, en particulier pour lutter ensemble contre le terrorisme au Sahel ou au Levant. »

Dès le 12 juillet, se tiendra au Sénat, à l’initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, une réunion parlementaire de suivi des accords franco-britanniques sur la défense (traités de Lancaster House) rassemblant sénateurs, députés et parlementaires britanniques de la chambre des Communes et de la chambre des Lords.

Dans cette attente, « Le Conseil européen doit donner de la clarté : l’Europe on est dedans ou on est dehors, sinon, l’Europe sera rongée de l’intérieur. Relançons « l’Europe des projets » en franco-allemand » a déclaré Jean-Pierre Raffarin. « La relation franco-allemande est historique, elle a une dimension qui doit dépasser les dirigeants du moment », a-t-il estimé.

Etonish ! Nein ? (Pierre Desproges, la minute de M. Cyclopède)

Eh bien voilà ! Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le Monde Occidental est sous puissante protection avec l’arme nucléaire comme ultime recours, avec nos amis britanniques qui en sont dotés comme nous et tous les autres avec leurs arcs ou leurs sarbacanes. Le tout, tout de même, sous l’œil vigilant de l’OTAN mais aussi de l’ONU où les deux pays sont membres permanents du Conseil de Sécurité dotés d’un droit de veto.

Et comme disait Anne Roumanoff : « On ne nous dit pas tout ».

Ou alors très partiellement (voir ci-dessus) entre les commentaires enamourés subitement pour le pauvre peuple britannique honteusement trompé ou l’expression de mépris voire de haine qu’a suscitée son arrogance. Alors cherchons à en savoir un minimum.

Que dit le Traité de Londres ou de Lancaster House 2010 ?

Il s’agit pour les deux « nucléaires », dans un premier souci, grâce à la mise en commun de technologies de pointe en matière de radiographie et d’hydrodynamique, de développer l’arme et d’en perfectionner l’emploi éventuel. Bien sûr les transferts de technologies, les achats d’armements, les échanges d’information y sont inclus.

Dans un communiqué rassurant, les deux gouvernements ont déclarés « être déterminés à jouer en matière de Sécurité et de Défense un rôle leader… avec un niveau de confiance mutuelle sans précédent dans notre histoire ». Il est prévu qu’un centre du CEA abritera, en France une installation pour tester les bombes nucléaires en 2016/2017.

Nos deux pays, qui l’eût cru, se sont donc rapprochés en renforçant leur coopération bilatérale qui peut s’inscrire dans des alliances plus vastes comme l’OTAN bien entendu mais d’autres aussi comme l’ONU voire l’UE.

Et ça a marché dès 2011 : 80% des raids aériens en Lybie ont été menés par la coalition bilatérale. Remarquons, sans malice, que l’Allemagne n’a pas participé aux hostilités.

Face à la menace iranienne telle que conjointement ressentie, nos deux associés, bons compères, demandent de nouvelles sanctions car « notre objectif demeure que l’Iran se conforme pleinement à ses obligations internationales ».

Viennent renforcer cette coopération des projets très concrets concoctés en 2012 comme la fabrication d’un drone en commun, pilotée par Dassault Aviation et BAE System.

Plus réjouissant ou alors plus inquiétant, une installation à Valduc (France) pour » la modélisation de la performance des têtes nucléaires et des équipements associés, afin d’en assurer la viabilité…. ».

On est rassuré. Le Brexit ne touche pas à l‘essentiel de la place des puissants dans une hypothétique déflagration générale qui renverrait bien loin ces pusillanimes préoccupations de vivre et d’agir ensemble dans cette UE des 27 ou des 28 si puérilement fragile.

Ne parlons pas d’une Défense Européenne qui n’a été qu’obérée par ce beau bilatéralisme. Il faudrait « reconfigurer », à fond !

* Sir Julian King anglo-gascon, énarque, marié à une énarque danoise, sera vraisemblablement le prochain commissaire européen anglais. Aurait-on débusqué enfin un authentique européen faisant autorité ?

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