Des bananes sans plastique

Plátanos sin plástico - du rôle indispensable de l’UE en matière de banane

Une bananeraie à La Gomera. Foto: Jn-Mc Claus / Collection personnelle

(Par Jean-Marc Claus) – Il existe différentes façons de cultiver les bananiers en Europe. Enfin, en Europe, disons plus précisément dans l’Union Européenne dont certains pays possèdent des territoires aux Antilles, comme la France, ou le long des côtes ouest-africaines, comme l’Espagne et le Portugal. Ainsi, la banane est aussi un fruit européen ! Il est important de le préciser, car les normes encadrant cette culture et les réflexions relatives à sa pérennisation permettent aux bonnes volontés d’échapper peu ou prou au rouleau compresseur de la mondialisation.

Notons d’abord que sur les 130 millions de tonnes de bananes produites annuellement dans le monde, 30% des exportations arrivent en Europe, ce qui n’est tout de même pas négligeable sur un marché global de 7 milliards d’euros quand notre vieux continent ne représente que près d’un dixième de la population mondiale. Sur le marché international, trois catégories de bananes se livrent une concurrence qui a donné lieu, de 1993 à 2017, à une guerre commerciale dont les conséquences restent encore à évaluer. Acteurs majeurs de ce conflit, les USA, alliés aux pays producteurs sud-américains inféodés, voulaient imposer leur Banane Dollar au reste du monde et notamment à l’Union Européenne qui leur opposait des droits de douane jugés par eux excessifs. America First, déjà au début des nineties ! Après plusieurs condamnations de l’UE par l’OMC, cette bagarre s’est soldée par une réduction de 30% des droits de douane imposés à la Banane Dollar, celle-ci représentant 70% des bananes consommées en Europe. Produite en Amérique Latine et commercialisée par des géants étasuniens, elle concurrence la Banane ACP (Afrique – Caraïbe – Pacifique) produite dans les anciennes colonies françaises et britanniques, celle-ci constituant 20% de la consommation bananière européenne. 70% + 20% = 90% : donc, il reste une petite place pour la Banane Euro produite essentiellement par la France aux Antilles et l’Espagne aux Îles Canaries. Cette banane, soutenue et subventionnée par l’Union Européenne, représente, mis à part le scandale sanitaire du chlordécone aux Antilles Françaises, une réelle chance pour la biodiversité.

Avec leur variété originale dite Platano de Canarias, les producteurs canariens consomment bien moins d’eau et produisent des fruits bien plus savoureux que les Bananes Dollar ou ACP. Bien sûr, il en est toujours, tentés par le miroir aux alouettes du gain immédiat, qui se convertissent aux standards US. Cependant, la recherche d’authenticité par un nombre croissant de consomm’acteurs et la mise en valeur des variétés locales par les producteurs peut largement contribuer tant au maintien de la biodiversité qu’à la pérennisation des ressources naturelles. Par ailleurs, le bilan carbone de la banane canarienne est bien meilleur que celui de ses concurrentes, car sa durée d’acheminement sur le continent est de plus ou moins une semaine selon les routes maritimes empruntées.

Avec 16 millions de bananiers, les bananeraies, souvent situées très près de la mer, ne manquent pas aux Canaries. Elles couvrent 9.000 hectares de l’archipel, soit près de 20% de sa surface agricole et produisent annuellement près de 400.000 tonnes de fruits vendus environ seulement 0,60€ plus cher au kilo que leurs concurrentes sud-américaines, alors que leur coût de production est 4 fois plus élevé. Les bananeraies de moins d’1 hectare représentent 80% des exploitations canariennes. Premier producteur de Banane Euro, l’Espagne (65,32%) caracole devant la France (30,41%), le Portugal (3,22%), Chypre (0,65%) et la Grèce (0,40%).

Le micro-climat dont bénéficient les Îles Canaries et la richesse des terres volcaniques constituent un potentiel énorme pour l’agriculture. La culture des bananes se fait soit sous bâche, ces immenses serres ressemblant à des houblonnières recouvertes d’un voile finement ajouré, soit en plein air. En parcourant les bananeraies de plein-air, on peut voir qu’à un moment du développement de la piña (= le régime), cette dernière est enveloppée d’un sac en matière plastique qu’elle conserve jusqu’à la récolte. Cette technique employée aussi aux Antilles Françaises est appelée engainage. Elle a pour fonction de préserver les fruits des dommages causés par les frottements avec les feuilles et d’accélérer la croissance du régime en modifiant son environnement microclimatique.

Conscients du fait que nombre de ces dérivés du pétrole finissent en mer pour se transformer en micro-plastiques mortellement polluants, les producteurs partenaires d’un programme de recherche lancé par l’Universidad de Las Palmas de Gran Canaria et soutenu par l’Union Européenne testent un nouveau sac protecteur réalisé à base de fibres de… bananier. S’échiner à chercher sous la terre une matière première et fabriquer à grands frais ce que la nature dépose gratuitement à ses pieds, voilà bien une caractéristique majeure de l’homo-modernus-stupidem ! Chaque plant émettant environ deux rejets par an, une bananeraie produit toujours un excédent de matières végétales dont une partie peut servir à la fertilisation des sols et l’autre se voir recyclée sous différentes formes, l’une d’elles étant la fibre de bananier dont on fait maintenant des sacs non-polluants aussi aptes à protéger les piñas que leurs équivalents plastiques. Quant au risque qu’ils finissent à la mer, sachant que la pulpe de bananier constitue un aliment utilisé par les pisciculteurs, nous pouvons être tranquilles.

Voilà par exemple, en ces temps d’europhobie et de tentation exitiste, à quoi peut servir l’Union Européenne, car il y a fort à parier que sans son soutien, le projet de l’université canarienne serait resté dans les tiroirs de chercheurs dépités, forcés alors de partir outre-atlantique pour voir enfin reconnues et exploitées leurs découvertes. Idem pour le soutien apporté à la Banane Euro car, concernant la production canarienne, il est particulièrement comique de constater que son arrivée récente sur le marché européen hors Espagne insulaire et continentale a été voulue par la… Suisse ! Et oui, ce petit pays pestant lui aussi souvent contre l’Union Européenne sait néanmoins reconnaître la qualité de ses productions. C’est ainsi que la Coop a passé fin 2016 un accord commercial avec Europlatano permettant depuis aux consommateurs helvètes l’accès a un fruit de qualité contribuant au maintien de la biodiversité.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste