Des Gilets Jaunes en Serbie !

L'église Saint Sava à Belgrade. Samedi, Saint Sava portera-t-il un gilet jaune ? Foto: Dungodun / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – Avant-hier mardi, le Gilet jaune a fait son apparition au Parlement de Serbie, à Belgrade. C‘est le dirigeant du mouvement Dveri, l’un des mouvements les plus ringards du pays, qui le portait. Un parti nationaliste, « eurosceptique » (il faudrait dire : anti-européen), antigay et sourdement antisémite. Est-ce un hasard ? Non.

Quoiqu’il en soit, Boško Obradović, chef de Dveri, a fait son entrée mardi en arborant fièrement un gilet jaune au-dessus de sa large cravate verte de parvenu. Il comptait ainsi protester contre les indélicatesses du gouvernement Vučić, et contre la hausse des prix du carburant. Et appeler à une manifestation samedi prochain à 18 heures dans les rues de la capitale serbe. Dans un twitter, Obradović a réclamé des « prix normaux »  pour l’essence, et menacé de lâcher des gilets jaunes à Belgrade et dans toute la Serbie. Il a fait remarquer que le pouvoir du parti SNS de Vucic n’a pas négocié avec les manifestants pacifiques de juin dernier, tandis que Macron, lui, a négocié avec des gens qui « ont mis à feu la moitié de Paris » !

Les deux sont liés dans l’esprit des Serbes : en effet, c’est en juin qu’ont eu lieu certaines des plus importantes manifestations qu’ait connues récemment la Serbie, pour s’opposer précisément à la hausse des prix de l’essence. Le président avait promis de « faire quelque chose pour les agriculteurs et les routiers ». Mais il n’a rien fait : bernique, l’essence a conservé son prix en effet très élevé pour la région (moins élevé cependant qu’en Albanie et qu’en Grèce). Et même, pire : le budget de 2019 prévoit une hausse de 2,2 %, alors que le prix du diesel a augmenté, en 2018, de 20 dinars et celui de l’essence normale, de 6 dinars…(un euro valant à peu près 118 dinars.) L’essence y est nettement plus chère qu’en Croatie, qu au Monténégro et qu’en Bosnie-Herzégovine.

D’autres partis et personnalités de droite défileront samedi prochain : parmi eux, le député Nikola Jovanović, qui veut protester contre le parti SNS et sa politique, la corruption et le blanchiment d’argent et la propagande d’État que déverse, selon lui, la radiotélévision publique (RTS).

Il est vrai que le SNS et sa politique présentent beaucoup d’aspects… complexes. La lutte contre la corruption, les droits de l’Homme, ceux des minorités, l’État de droit… Des intentions affichées louables et encensées par l’Union Européenne, te pour cause puisqu’elles sont orientées vers l’entrée de la Serbie dans l’UE. Mais in concreto, la politique du SNS est bien différente et est entachée des mêmes défauts majeurs que celle de tous les pays de la région. Affiche euro-démocratique en façade, pratiques criminomorphes en réalité.

Une protestation contre la vie trop chère donc et contre la dégradation des conditions de vie, qui comme les manifestations françaises, ne manquera pas d’être récupérée par les partis de la droite la plus réactionnaire et en partie, la plus extrémiste. La démagogie et le basisme français les plus élémentaires font des émules, voire des disciples, bien loin de Paris, hélas, solidarité néo-poujadiste obligeant.

Espérons très fort, en tout cas, que la manifestation de samedi prochain ne dégénérera pas, et ne figurera pas comme en France l’entrée dans un long tunnel d’absurdité anxiogène et un empirement de la situation. Et prions ardemment Saint Sava aussi afin que la police, bien autrement brutale à Belgrade qu’à Paris, ne cognera pas… trop fort, justement.