Des sans-abri en Hongrie

La société civile contre le christianisme peu béat d' Orban

Des jeunes de Budapest dans un café improvisé Foto: Yelkrokoyade / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – « La protection de l’identité et de la culture chrétienne est un devoir de tous les organes de l’État », a inscrit Victor Orbán dans la Constitution hongroise. L’identité et la culture chrétiennes peut-être, mais pas le christianisme… Après son élection le 8 juin 2018, Orbán l‘« illibéral » décide, faute de supprimer la pauvreté, d’anéantir les pauvres ; et pour commencer, avant de les manger, de vider les rues du pays des 7000 sans-abris qu’elles comptent.

Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, déposent un amendement à la Constitution hongroise et font édicter une loi fondamentale qui stipule qu’ « il est interdit d’utiliser la voie publique comme une habitation ». Or, c’est là une atteinte aux droits sociaux. Cette atteinte a servi pertinemment de déclencheur à l’Article 7 du traité de l’Union contre la Hongrie, le 12 septembre dernier. Chypre et Malte ont d’ailleurs aussi voté une loi de ce type, sans pour autant être inquiétées par les institutions européennes. En tout cas, la loi hongroise est bien devenue effective le 15 octobre dernier.

Il existe bien des centres d’accueil pour les sans-abri ; mais l’insalubrité et la promiscuité y sont catastrophiques, et les places sont très gravement insuffisantes. On peut en déduire que faute de réalisme et armé de son superbe cynisme, Orbán joue du menton en prévision des prochaines élections municipales qui auront lieu dans un an, en octobre 2019… Les SDF apparaissent pour beaucoup comme les nouveaux boucs émissaires, après les migrants – car il n’y a plus d’arrivées de migrants, maintenant. Dommage pour le Fidesz.

Ainsi donc, les personnes qui séjourneront dans les rues se verront affliger une amende, qu’ils ne régleront pas puisque par définition, ils n’ont pas d’argent. Ils seront donc contraints à des travaux d’utilité publique ; et ceux qui le refuseront parce qu’ils ne le veulent ou ne le peuvent se retrouveront en prison. Ce qui est absurde, puisque cela revient plus cher à l’Etat hongrois qu’un hébergement minimal, mais correct, et que l’emprisonnement ne sert nullement à une quelconque réinsertion.

Ces SDF sont en une certaine mesure le produit de l’histoire de ce pays « socialiste » : après la chute du « communisme », en 1989, une proportion énorme des usines ont fermé. Les ouvriers, qui habitaient souvent dans des logements sommaires et collectifs organisés par ces entreprises, ont dû partir – un centième seulement a pu y rester – et se reloger : ce qui était très difficile. De nombreuses familles vivent maintenant dans de petites baraques sans chauffage … et y meurent, dit-on, bien plus que dans les rues : à Budapest et dans les villes, les rues et les recoins sont de meilleurs abris contre le froid que ces habitations de fortune.

Depuis le 15 octobre, les policiers se sont hâtés d’appliquer la nouvelle loi en chassant le sans-abri dans les rues, dans les espaces publics, dans les parkings souterrains… On a traqué aussi tout autour du centre de la capitale, dans la forêt qui entoure Budapest, où l’entreprise qui gère la forêt domaniale de Budapest, le Pilisi Parkerdŏ Zrt, a détruits des baraques et chassé ses occupants, notamment à Kŏbánia-Kispest. Au grand dam de l’association La Ville pour tous, sorte de DAL à la hongroise.

Mais une protestation s’est fait entendre. La semaine dernière, dans une ville du sud ouest du pays, Kaposvár, le tribunal a refusé de condamner un sans-abri de 54 ans et a porté devant le Conseil constitutionnel la nouvelle loi, qu’elle estime anti-constitutionnelle (elle limite en effet les droits fondamentaux, va à l’encontre de l’obligation d’aider les pauvres, l’égalité des chances et la non-discrimination, le droit à un procès équitable et à un recours juridique). Voilà qui risque fort d’aboutir, à notre sens. Vendredi dernier, le 26 octobre, le tribunal de la bonne ville de Székesfehérvar a procédé de la même manière.

De plus, le parti d’opposition au Fidesz au pouvoir, la Coalition démocratique (un parti social-démocrate) a pris fait et cause contre cette loi inhumaine et ces opérations de nettoyage anti-SDF. L’ancien premier ministre, Gyurcsány Ferenc, a même passé la nuit de jeudi à vendredi dernier devant le Parlement, dans la capitale. Il a eu froid. Les SDF ont eu froid quelques milliers de nuits de plus que lui. Un peu plus tard, des artistes hongrois (un peu moins d’une centaine) ont pris le relais devant le Parlement pour y manifester leur indignation.

Dans ce pays de 10 millions que gouverne un régime nationaliste-populiste, la société bouge donc et proteste. Mais soyons prudents : il s’agit d’associations civiques et chrétiennes, de partis d’opposition, des institutions juridiques qui craignent pour la séparation des pouvoirs. Le peuple n’y est que très peu. D’où le grand intérêt des prochaines élections dans le pays, à commencer par ces municipales sur lesquelles Orbán lorgne d’ores et déjà.

 

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