Des voies multiples, mais pas n’importe lesquelles… (1/4)

Réunissant intervenants compris, plus de trois cent professionnels de santé, dont certains venaient de bien au delà de la région Grand Est, l’édition 2024 du colloque soignant de l’EPSAN, fut qualitativement d’un très haut niveau. - Retour sur la première demi-journée le 7 novembre 2024.

Un colloque dont Yasmine Sammour (Directrice de l’EPSAN et de l’Hôpital Graffenbourg), prononçant le discours d’ouverture, s’est dite très fière pour l’établissement qu’elle dirige. Foto: Marine Zimmermann / EPSAN

illu epsan klein(Jean-Marc Claus) – « Parcours psy : explorez les voies multiples !», telle était l’injonction à la fois titre et thème de ce colloque soignant, dont Yasmine Sammour (directrice de l’EPSAN et de l’Hôpital Graffenbourg) prononçant le discours d’ouverture, s’est dite très fière pour l’établissement qu’elle dirige, soulignant notamment l’importance de nouvelles personnes ressources, tels que les citoyens aidants et les pairs aidants.

Le docteur Philippe Amarilli (président de la Commission Médicale d’Établissement), partant de la médicalisation de la souffrance psychique qui donna naissance à la psychiatrie, pointa la nécessité de nourrir les regards d’une certaine hétérogénéité, bien plus source de synergies que d’oppositions. Il fut rejoint sur la question de l’individualisation des pratiques et du lien thérapeutique, par Kathia Frech (directrice des soins), qui pointa le constant besoin d’idées nouvelles, propres à apporter des solutions concrètes, aux parcours de soins ne devant jamais être standardisés.

C’est Ahmed Benaiche, qui, s’appuyant sur sa pratique d’infirmier spécialiste en santé mentale, donna la tonalité de ces deux journées, par une réflexion intitulée « Tisser du lien autour de la clinique ». Plus que toute autre chose, le lien est et restera la composante essentielle du soin en psychiatrie. Un lien se tissant dans l’observation et le respect de l’altérité, à l’instar des médecins de l’antiquité grecque, se penchant vers les malades alités pour apprendre d’eux.

Peut-on soigner sans le réflexif ? Assurément non ! Et le conférencier l’a démontré, en relatant diverses situations cliniques, convoquant des personnages, laissant transparaître au fil du récit, l’essence même de leurs personnes. Toujours entendre d’où parle l’autre, donc se distancier de nos propres représentations, aborder les situations dans une globalité temporelle, plutôt que l’ici et maintenant, interroger la parole singulière du patient, avant même de construire le discours soignant, c’est ainsi que peut s’élargir le champ des savoirs rendant apte à relationner.

« Comment durer dans ce métier, où il est relativement facile d’entrer, mais bien plus difficile de demeurer ? », questionnait Ahmed Benaiche. Un questionnement d’une actualité brûlante, lorsqu’on la met en perspective avec la durée de vie professionnelle moyenne des soignants. Des moments tels que ces journées de colloque, sont autant de bouffées d’oxygène conceptuel et d’alimentation didactique hyperprotéinée, permettant de durer en renouvelant les praxis.

Ce fut ensuite les docteurs Hervé Javelot (pharmacien) et Thierry Royer (praticien hospitalier), qui prirent la parole pour traiter un sujet suscitant beaucoup d’attentes de réponses : « CBD : on fait quoi ? ». Des réponses qui, n’en déplaise aux psychorigides et aux dogmatiques, ne furent pas univoques.

Le développement des similarités et différences entre cannabinol (CBD) et tétahydrocannabidiol (THC) issus de la même plante, eut cet effet immédiat d’abattre l’image d’un gentil CBD versus un méchant THC. Aucune de ces substances n’est d’usage anodin, et actuellement l’étiquetage de la plupart du CBD en vente libre, est insuffisante pour en garantir une réelle sécurité d’emploi. D’autant plus que les produits à base de CBD, jamais exempts de THC, affichent très souvent un taux de ce dernier bien inférieur à la réalité.

Mais les deux médecins n’exclurent pas l’usage du cannabis à visée thérapeutique, dans des cas bien particuliers qu’ils décrivirent. Par contre, pour ce qui est du CBD notamment employé afin de se sevrer du cannabis, comme relaté dans la vignette clinique fil rouge de la journée, ils furent plus circonspects. Le docteur Thierry Royer insista, en bon addictologue, sur l’instauration du dialogue relatif à ce que représente le produit pour la personne et l’usage qu’elle en fait. Quant au docteur Hervé Javelot, il souligna du point de vue de la pharmacodynamie, que consommer du CBD pour se sevrer du cannabis, créé une illusion de liberté.

Les deux s’accordèrent sur la nécessité de favoriser le développement de pratiques à moindre risque. Ceci passant entre autres, par l’accroissement du niveau de connaissances, non seulement des consommateurs et des professionnels de santé, mais aussi du grand public. Quant à la consommation de CBD dans les unités de soins, les éléments développés plus haut et bien d’autres encore, vont dans le sens de la proscription préventive. Ce qui ne ferme pas les portes de l’hôpital aux consommateurs de CBD, mais comme pour l’usage d’autres substances psychoactives en vente libre, prend clairement le parti de ne pas émettre des signaux d’open bar, dont les effets seraient rapidement dévastateurs.

La suite, dès demain…

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