Devant la menace des conflits…
… l’ONU lance des négociations pour l’interdiction des armes nucléaires !
(Par Alain Howiller) – Alors que l’ensemble des puissances nucléaires engagent d’importantes sommes pour moderniser leur arsenal nucléaire -dont ils poursuivent activement la « miniaturisation »- l’ONU engage ses premières réunions(1) consacrées à la mise en route éventuelle d’un traité pour l’interdiction des armes nucléaires : nul doute que l’organisation internationale a, ainsi, engagé un nouveau marathon diplomatique dont nous ne sommes pas près de voir le terme : du reste, de nouvelles réunions sont d’ores et déjà prévues d’ici à l’été. Les discussions s’engagent dans un climat qui n’incite guère à l’optimisme – dans le monde entier, le commerce des armes se développe et les budgets de la défense… explosent !
Ce n’est certainement pas le fruit du hasard si la Chine Populaire a annoncé que son budget de la défense allait augmenter de 7%. Pour ce faire, Pékin a choisi le lendemain du jour où Donald Trump avait, lui, annoncé qu’il avait l’intention d’augmenter de 10% le budget militaire américain ! Les deux pays occupaient déjà le premier (USA) et le deuxième rang des budgets militaires dans le monde et dans la liste des pays exportant le plus d’armements on trouve, dans l’ordre, les Etats Unis en tête, avec en plus un budget militaire de plus de trois fois supérieur à celui de Pékin ! Suivent la Russie, la Chine Populaire, la France, l’Allemagne (qui a rétrogradé de la quatrième à la cinquième place !) et la Grande Bretagne (voir eurojournalist.eu du 15 Mars). Les décisions américaine et chinoise illustrent le renversement auquel le monde est, en fait, confronté depuis 2015. Jusqu’à cette date, on pouvait noter une décélération des budgets : mais, depuis, les dépenses ont marqué une augmentation que l’Institut International de Recherche de la Paix de Stockholm (SIPRI) chiffre à + 8,4% entre 2012 et 2016, avec une accélération ces deux dernières années.
Les dépenses folles des budgets militaires ! – Les conflits se sont multipliés, le terrorisme islamiste a pesé de son poids sanglant et les dépenses militaires ont augmenté à travers le monde au point d’atteindre, d’après le Sipri, 2,3% du PIB mondial. Et aux conflits qui marquaient jusqu’ici le Moyen Orient, voire l’Afrique du Nord, sont venus s’ajouter des risques en Asie et en Europe. Après la chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre Froide, on pensait que l’Europe serait préservée, d’autant que la mise en place de « l’Organisation pour la Sécurité en Europe (OSCE) » qui impliquait la Russie, devait offrir de nouvelles garanties. Il n’en sera finalement rien : des Balkans à la Géorgie, de l’annexion de la Crimée ou plus généralement à la déstabilisation de l’Ukraine et la menace sur le Donbass. Sans oublier, notamment, le conflit chypriote (déjà) pomme de discorde entre la Grèce et la Turquie. L’Europe de la paix a, plus d’une fois, cédée devant une nouvelle Europe de la Guerre à laquelle personne n’avait voulu croire. Et cette interview dans laquelle Vladimir Poutine avait confié qu’il n’aurait pas hésité à utiliser des armes nucléaires stratégiques en Crimée si cela avait été nécessaire, fait aujourd’hui encore froid dans le dos !
Les multiples « provocations » auxquels la marine ou l’aviation russes procèdent en entrant dans l’espace aérien ou en franchissant la limite des eaux territoriales des pays de l’OTAN, les manœuvres militaires auxquelles ces derniers se livrent régulièrement dans les pays proches de la frontière russe, le retour effectif (Lituanie) ou annoncé (Suède) de la conscription, le repositionnement dans les zones sensibles de l’Europe des blindés américains, sont autant de marqueurs de risques potentiels qui alimentent la volonté d’augmenter dans la plupart des pays, une hausse sensible des budgets de la défense. Cela est non seulement vrai en France, mais également (c’est nouveau) en Allemagne, en Pologne, dans les Pays Baltes. Certes, ces augmentations même liées à la poursuite des efforts également coûteux de miniaturisation de l’armement nucléaires stratégiques, sont moins destinées à préparer une troisième guerre mondiale à laquelle ne croient guère la plupart des observateurs.
Equilibre de la terreur et… diplomatie ! – Au-delà de la préservation d’une sorte d’équilibre de la terreur, pour l’heure elles servent… l’emploi et sont utilisées comme … « arme diplomatique ». De ce dernier aspect, les provocations et intimidations russes constituent des exemples typiques : pour le nouveau tsar russe, il s’agit de répondre et de contenir l’arrivée de troupes de l’OTAN en Pologne ou dans les Etats Baltes, de réagir à l’installation des batteries anti-missiles américaines sur le territoire polonais et roumain, de mettre en garde la Finlande et la Suède contre toute tentation de rejoindre l’alliance atlantique, d’empêcher à l’Est tout risque de nouvelles adhésions à l’Union Européenne.
A Kaliningrad (ex Königsberg), cette enclave russe coincée entre la Pologne et la Lituanie, l’arrivée de missiles balistiques capables de transporter des ogives nucléaires tout comme la mise en place par Moscou d’un système de défense en réponse au dispositif US, sont autant d’exemples concrets qui illustrent ce propos de Vladimir Poutine : « La Russie n’accepte pas les tentatives de pressions militaires, politiques et économiques…. et se réserve le droit de réagir à des actions hostiles, y compris par le renforcement de sa défense nationale… » Ce bruit de bottes s’inscrit-il -préventivement en quelque sorte- à cette incroyable (une de plus !) affirmation de campagne de Donald Trump constatant que l’Amérique n’avait cessé de perdre des guerres lors des dernières décennies : « Nous devons gagner, nous devons commencer à nouveau de gagner des guerres ! »
Guerre ou… paix ? – Où s’arrêteront les rodomontades des uns et des autres : « Personne ne veut la guerre, mais on n’est pas à l’abri d’un incident qui pourrait très vite dégénérer. » (rapport des députés Gwenean Bui (« PS ») et Jean-Jacques Guilet (« Les Républicains ») sur « L’Asie du Sud Est à la confluence des océans ». (voir eurojournalist.eu du 1er Juin 2016). L’analyse est universelle, même si elle portait principalement sur la situation en Asie où, d’après certaines sources, les dépenses militaires sont supérieures à celles des Européens ! On y relève guère que les provocations de la Corée du Nord menacée d’une réaction militaire de la part des Etats Unis (!).
On ne relève guère que le budget de la défense de l’Inde, premier importateur mondial d’armes, a augmenté de 43% en 5 ans, de 132% en 10 ans (+ 8% en 2017), que le Japon a doté ses troupes « d’auto-défense » d’un statut de véritable armée autorisée à intervenir en dehors du territoire national (budget de la défense +2% d’une année sur l’autre).
La Chine s’est éveillée ! – La Chine Populaire dont le budget de la défense a été multiplié par 10 en 15 ans, est devenue le deuxième budget militaire du monde (devant la Russie et après les USA). Première puissance mondiale pour le nombre de ses soldats et… de ses blindés, le gouvernement chinois a vu ses ambitions grandir bien au-delà de la Mer de Chine : après avoir négocié une base navale à Djibouti, il a continué à investir lourdement dans sa flotte, y compris dans les sous-marins et un deuxième porte-avions.
Dans ce contexte mondial particulièrement chargé où la menace et les risques ne sont jamais très loin, à l’ONU l’issue des négociations pour un « Traité interdisant l’utilisation des armes nucléaires » paraît bien aléatoire et à beaucoup d’observateurs, les négociations, elles, apparaîtront bien utopiques en elles-mêmes. Mais comment ne pas saluer les efforts de ceux qui, envers et contre tout, continuent de miser sur le dialogue et la négociation pour sortir des impasses dans lesquelles un monde déséquilibré et oublieux du passé s’est engagé. Avant le mur, il y a la marche arrière et, comme l’affirmait Guillaume 1er d’Orange-Nassau : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »
(1) La session de 4 jours consacrée au projet de traité sur l’interdiction des armes nucléaires a commencé ce lundi 27 Mars à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Une quarantaine d’états -dont la Chine- boycottent les débats. Les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, Israël et la Russie ont voté, lundi, contre l’ouverture de négociations sur l’interdiction des armes nucléaires !
Kommentar hinterlassen