Déplacement difficile pour Thorbjørn Jagland

Dans une ambiance surchauffée par les déclarations de plus en plus rocambolesques de Recep Tayyip Erdogan, le Secrétaire Général du Conseil d’Europe, Thorbjørn Jagland, se rend aujourd’hui à Ankara.

Une mission extrêmement difficile attend le Secrétaire Général du Conseil d'Europe Thorbjørn Jagland à Ankara. Foto: CoE / Candice Imbert

(KL) – Il y a des déplacements plus faciles que celui qui attend aujourd’hui le Secrétaire Général du Conseil d’Europe, Thorbjørn Jagland. Car Jagland aura une mission impossible – faire revenir le président turc à la raison. A Ankara, le Secrétaire Général du Conseil d’Europe rencontrera le grand patron en personne, mais aussi son premier ministre Binali Yildirim, le ministre des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu, le ministre de la justice Bekir Bozdağ et, comme indique un communiqué de presse, « des leaders des partis de l’opposition ».

Avant cette visite diplomatique, le président Erdogan a estimé nécessaire de verser encore de l’huile dans le feu en déclarant hier que « les pays occidentaux soutiennent le terrorisme et les putschistes qui ont failli [me] renverser » – une déclaration osée pour un homme politique qui n’a jamais estimé nécessaire de démentir les rumeurs selon lesquels sa famille était impliquée dans le commerce avec Daesh.

Lors des rencontres entre Jagland et le leader turc et ses marionnettes, on peut s’attendre à un dialogue de sourds. Pendant que le Secrétaire Général du Conseil d’Europe tentera de modérer le leader turc en ce qui concerne les « purges » de l’armée, de la justice, de l’éducation et des médias, Erdogan voudra parler de la libre circulation des ressortissants turcs dans l’Union Européenne dès le mois d’octobre. Celui qui a pour l’habitude d’enfermer toute voix critique dans son pays, ne risque pas d’être sensible aux arguments de Thorbjørn Jagland. Heureusement que la haute fonction de Jagland le protègera contre une arrestation, car ce qu’il aura à dire à Erdogan, ne fera pas plaisir à ce dernier.

Le message que portera Thorbjørn Jagland est simple – si la Turquie devait réintroduire la peine de mort, le Conseil d’Europe n’aura pas le choix – il devra exclure la Turquie. Et forcément, Jagland ne pourra que protester contre ces « purges », contre la fermeture de tous les médias indépendants, contre l’arrestation de plus de 18000 personnes, contre les nouvelles agressions turques contre les Kurdes, contre la prise du contrôle de l’armée et des services secrets par le leader turc, contre l’oppression de minorités, contre les violations répétées de la Charte des Droits de l’Homme par la Turquie etc. – et Erdogan ne voudra pas en entendre parler. Par contre, Erdogan voudra parler de l’argent qu’il souhaite que l’Europe paie à la Turquie, Erdogan voudra parler de cet accord malheureux entre l’UE et la Turquie concernant les réfugiés, Erdogan voudra parler des milliards d’euros qui sont alloués aux candidats à l’adhésion à l’UE et on peut se poser la question s’ils auront des sujets communs qu’ils pourront discuter.

La mission diplomatique de Thorbjørn Jagland est importante, mais il n’y a que peu de chances à ce qu’elle aboutisse à quelque chose. La Turquie s’enferme avec une attitude paranoïaque autour d’un dictateur-président qui est en train de transformer un état démocratique en une dictature présidentielle et religieuse, tout en éliminant l’opposition.

Mais Thorbjørn Jagland veut également rencontrer des représentants de l’opposition à Ankara. On attend avec curiosité qui la Turquie présentera comme « représentant de l’opposition »… En espérant que ses interlocuteurs ne soient pas immédiatement conduits dans un camp de détenus après l’entretien avec le Secrétaire Général du Conseil d’Europe.

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