Disney + : l’autocensure, protège-t-elle les enfants ?

L’un des géants des plateformes de streaming a choisi, depuis le mois de janvier, d’interdire l’accès à certains de ces films, ce qui rouvre le débat de la censure.

Je ne vois pas de mal, je n’entends pas de mal, je ne dis pas de mal… est-ce ou non la stratégie de Disney face à un héritage culturel de près de cent ans ? Foto: Anderson Mancin / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Anouchka Braig) – Les services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), comme Netflix, Prime vidéo ou OCS, ont chaque année davantage d’abonnés. En 2021, Disney +, l’un de ces services, s’est fait remarquer, en interdisant certains de ses films aux usagers du « profil enfant ».

De nombreuses plateformes proposent en effet différents profils, le « profil enfant » préservant ces derniers des films avec restriction d’âge. Cependant, sur Disney +, les enfants ne peuvent plus visionner « Les Aristochats », « Peter Pan », « La Belle et le Clochard », « Dumbo » ou encore « Aladdin ». La raison : Disney juge ces films inadaptés, car ils contiennent des représentations à caractère raciste.

Ces films ne sont visionnables par les plus jeunes, qu’avec l’accord d’un adulte, en passant donc par un « profil adulte ». Chats siamois aux yeux bridés parodiant une personne asiatique, corbeau noir afro-américain, Amérindiens ou Arabes caricaturés, sont les personnages coupables de cette censure.

Au lancement de ces films depuis la plateforme, un message apparaît, contenant notamment les avertissements suivants : « Ces stéréotypes étaient déplacés à l’époque et le sont encore aujourd’hui. Plutôt que de supprimer ce contenu, nous tenons à reconnaître son influence néfaste afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, d’engager le dialogue et de bâtir un avenir plus inclusif, tous ensemble. ».

Des scènes ont pourtant déjà été supprimées. En 1969, environ une minute du film « Fantasia » (1940) a été censurée, à savoir tous les passages représentant une jeune femme centaure noire de peau, plus petite que ses semblables, et à leur service. Plus récemment, une scène de « Lilo et Stitch » (2002) a également été modifiée, cette fois pour une supposée mauvaise influence. La petite héroïne, qui initialement se cachait dans un lave-linge, se cache désormais derrière un carton de pizza.

Interdire aux enfants l’accès à certains titres jugés racistes, modifier ou censurer des scènes d’œuvres existantes et achevées, pour des raisons idéologiques et non artistiques, sont-ils de bons choix ? Cela revient-il à nier un courant de pensée qui était actuel, lors de la sortie des ces films ? Cela relève-t-il d’une volonté progressiste, ou révisionniste ? Faut-il protéger les enfants de ces images à caractère raciste ?

Disney ayant fait son choix, concernant les images racistes, qu’en est-il des représentations, images ou paroles sexistes ? Faut-il aussi interdire « Mulan » (1998) aux enfants, et alerter les adultes d’un contenu inadapté, parce qu’un homme en traite d’autres de « femmelettes » ? Faire de même avec « Blanche-Neige et les Sept Nains » (1937) et « La Belle au bois dormant » (1959), parce qu’on y voit un homme embrasser une femme inconsciente, sans son consentement préalable ? Et faire de même avec tous les films, dans lesquels des hommes épousent des femmes, uniquement pour leur aspect physique ?

Les choix de Disney les concernent, mais posent tout de même question. L’Art doit-il être l’objet de censures en raison des courants de pensée actuels ? L’ouvrage polémique « Tintin au Congo » (1931) devrait-il également être censuré ?

Peut-on enfin accorder à l’Art, une fonction réellement pédagogique ? Chaque œuvre gagnerait alors à être contextualisée, avant d’être abordée. Ce sont autant de petites fenêtres sur notre histoire. Conserver ces œuvres telles qu’elles étaient à l’origine, pourrait illustrer les courants de pensée, qui furent actuels à une époque donnée, et permettrait de comprendre pour quelles raisons ils sont déplacés aujourd’hui, et ne sont plus tolérés.

Peut-on faire confiance aux spectateurs, et aux amateurs de toutes sortes d’œuvres d’art, pour avoir la maturité nécessaire permettant d’aborder l’Art de façon éclairée ? Ou au contraire, les images à caractère raciste, ou sexiste, risquent-elles d’attiser la haine envers l’autre ? Disney a pris récemment position, et le débat est relancé.

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