Donald Trump, le magicien-héros

Il confond ses méchants ennemis et résout tous les vilains problèmes

Superman et Batman Foto: Chris Favero / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(MC) – Les embrassades passionnées de Donald Trump et Jean-Claude Juncker, la semaine dernière, ont beaucoup impressionné. On se serait attendu à les voir finir derrière un buisson, genre I heard it thru’  the Grapevine. Mais… Et les conséquences pratiques et concrètes pour les relations économiques entre Etats-Unis et Europe ?

En réalité, ce n’est pas ce qui importe pour Trump. Ce qui importe pour le Président Orange, c’est l’admirable et fascinante répétition d’un schéma narratif héroïco-épique, celui même qu’on voit à l’oeuvre dans toutes les mythologies. En somme, il s’agit du schéma : désolation et dévastation, puis intervention du héros sans reproches et brave comme tout ; et enfin, récompense pour l’action du héros qui mouille sa chemise carrelée, voilà le salut pour l’humanité (américaine) par delà la tribulation et la catastrophe cosmique. Heroic fantasy et Manifest destiny : le grand homme hegélien de l’histoire est un héros américain mixte de Goldorak et de Superman.

Donald Trump a besoin de cela : la présidence est une thérapie inespérée pour lui. Il s’en sortira peut-être. On l’imagine dans 5 ans, à rédiger (à faire rédiger) ses souvenirs intersidéraux, immédiatement transposés en bande dessinée. Il y faudrait Crumb, mais ce n’est pas le genre de la maison. Crumb et Trump, un joyeux tandem, pourtant.

Du côté des populations, exclues de ce cercle magique, on est dans l’illusion, et on finira bien par s’en apercevoir ; la seule dupe qui demeurera sera alors Trump lui-même.

Trump, en réalité, construit toute son action sur le fait d’avoir des ennemis. Il se construit des ennemis, en bon disciple involontaire de Carl Schmitt.

On peut à bon droit aller jusqu’à avancer que l’identité de cet ennemi importe très peu. La Corée du Nord, les Français trop smart, les Kraut-Allemands avec leurs voitures menaçantes dans toutes les rues de Manhattan, les Iraniens décidément très musulmans (on eût pu s’attendre à de tendres et passionnées gâteries entre le président américain et Rohan ; quelle déception pour les amateurs de shows hollywoodiens), l’Union Européenne qu’on veut agresser, diviser et pourrir en envoyant Steve Bannon, un fasciste brutal, à Bruxelles , la Russie, les Mexicains dépenaillés et flemmards, les Chinois grouillants et vraiment très jaunes : des ennemis à terroriser, à marquer au slip et à plaquer au sol grâce à la cape magique de la vocation américaine à la suprématie mondiale, à la Destinée Manifeste.

Il s’agit d’une suprématie d’essence magique : ni protectionniste, ni immédiatement impérialiste ; au fond, tout cela n’intéresse pas Trump. L’Amérique, c’est moi, et je la sauverai grâce à mes poings nus et à mes kfc, voilà toute la substance politique et même, spirituelle de Donald.

Qui sera la prochaine victime de l’euphorie empoisonnée qu’exhale Trump dans ses croisades répétitives ? Qui sera la prochain « ennemi » à circonscrire de son amour de Spiderman héroïco-évangélique ? Le dirigeant de Siemens, par exemple, est devenu plus prudent depuis que par complaisance courtisane, il s’est avancé à présenter Trump comme un redoutable homme d’affaires efficace et conséquent, et que les résultats ont plutôt fait empirer la situation qu’ils ne l’ont améliorée en quoi que ce soit. La même alternance d’euphorie fraternelle et d’horreur doit nous inspirer méfiance et rejet après l’affreuse entrevue de mercredi dernier entre un président allumé et un Juncker qui souffre de la soif.

Plus concrètement : les Américains achètent bien plus à l’étranger qu’ils n’y vendent leurs produits. Comment régler ce qui, pour les dirigeants économiques et politiques, représente un vrai problème ? Le simple énoncé de la question montre à quel point les vociférations de Hulk-Trump n’ y changeront pas grand-chose, et produiront dans bien des cas des effets négatifs ou pervers. Ce n’est certes pas en augmentant drastiquement les droits de douane, ni en les réduisant à néant, que les Etats-Unis compenseront leur déficit commercial. Il leur faut pour cela en chercher et en trouver les moyens réels.

 

 

 

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