Dopage : nous créons des monstres pour les punir ensuite

L’Allemagne veut désormais punir de peines de prison les sportifs qui se dopent ainsi que les marchands de produits dopants.

Altius, citius, fortius - ce leitmotiv constitue la base du phénomène du dopage. Foto: Wladyslaw / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.5

(PP) – Le dopage est un phénomène que la société a crée. A une époque où lors de compétitions sportives, déjà une deuxième place est considérée comme un échec, la pression sur les athlètes est telle que le dopage est devenu un moyen courant pour améliorer les performances. L’Allemagne discute actuellement une proposition de loi du ministres de la justice Heiko Maas qui prévoit des peines autant pour les vendeurs de produits dopants que pour les sportifs pris en flagrant délit.

Souvent, ce n’est pas le sportif qui choisit le dopage. Dans bon nombre de sports, le dopage est devenu la base du succès et qui dit succès, dit primes, sponsors et avantages matériels. Le système de soutien aux sportifs du haut niveau, permettant aux athlètes de s’entrainer de manière professionnelle, est entièrement basé sur les succès – pour faire partie du «groupe A» des soutiens financiers aux sportifs, il faut se classer dans les six premiers lors de championnats du monde ou lors des Jeux Olympiques. La différence entre une 6e et une 7e place détermine souvent si un sportif peut vivre de son sport ou non.

Les exigences vis-à-vis des sportifs, ce sont nous qui les déterminons. Pour que les retransmissions à la télévision soient attractives, les étapes du Tour de France mesurent en moyenne 200 km et en vue de seulement deux jours de repos sur le Tour, on comprend qu’il faille avoir recours à des «aides chimiques» pour pouvoir fournir de tels efforts pendant les trois semaines du Tour. Si on organisait des étapes plus courtes, en ajoutant un ou deux jours de repos supplémentaires, les sportifs auraient plus de facilités et pourraient se passer de produits dopants. Mais ce sont les sponsors, les médias et finalement les spectateurs qui ne veulent pas de Tour à taille humaine – ce sont le spectacle et la performance surhumaine que les gens veulent voir.

Trois ans de prison pour les sportifs dopants ? Cela semble démesuré et on responsabilise uniquement les maillons les plus faibles de la chaine. Citons l’exemple du cycliste allemand Jörg Jaksche qui, après avoir mis un terme à sa carrière, avait permis au public de jeter un regard sur les mécanismes du dopage. Jaksche, engagé au début de sa carrière dans l’écurie espagnole ONCE, avait pu intégrer le groupe pendant une année, constatant qu’il se situait systématiquement à 15 à 20% en dessous des performances de ses collègues. Après une première saison frustrante, le chef de l’écurie l’aurait convoqué pour lui proposer soit de prendre les mêmes produits que les autres, soit de quitter son sport. «Si tu n’en veux pas, pas de problème», il a entendu, «devant la porte, il y a 250 coureurs qui prendraient immédiatement ta place». Jaksche finissait par prendre les produits que les docteurs de l’écurie lui proposaient. Et là, il ne s’agit pas d’un cas isolé, mais d’un système qui fonctionne depuis des années.

Ben Johnson, Lance Armstrong et tous les autres en prison ? Non, cela va trop loin. La jurisprudence sportive peut suspendre des sportifs confondus, en cas de récidive à vie. Pour un sportif ambitieux, cela constitue une peine forte, le privant de la compétition et donc de la possibilité d’exercer son sport à un haut niveau. Mais de là, les jeter en prison ?`

Le texte proposé par Heiko Maas prévoit toutefois une clause à laquelle on ne peut que souscrire – cette clause prévoit des peines de prison allant jusqu’à 10 ans pour toute personne fournissant des produits dopants à des mineurs. Cette mesure semble censé car on connait les effets néfastes de ces produits sur des organismes de jeunes.

Mais avant de lancer une croisade contre les sportifs que nous admirons par ailleurs lorsqu’ils remportent des titres et la gloire pour nos pays respectifs, il conviendrait peut être de revoir notre propre relation avec le sport. Nous ne pouvons pas demander aux sportifs de dépasser les frontières de la performance humaine, en les punissant de peines de prison lorsqu’ils mettent tous les moyens en œuvre pour y parvenir. Pour combattre le fléau du dopage, un effort de toute la société serait nécessaire. En jetant les sportifs en prison, on ne change rien au système qui mène vers le dopage.

 

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