Douche écossaise pour la conjoncture en Alsace

Le chaud et le froid souffle sur la situation économique.

Le Pôle Emploi à Colmar - aussi dépeuplé que les jours fériés et le week-end... Foto: Lionel Allorge / Wikimedia Commons

(Par Alain Howiller) – François Hollande, décidément, n’a pas eu de chance : en pleine déroute municipale, à la veille du deuxième tour d’élections perdues, sortent les chiffres d’un chômage qui, fin février, marquait une nouvelle progression. Après avoir essayé de finasser avec la réalité du pari perdu sur le renversement de la courbe du chômage, même le Ministère du Travail a du reconnaître «une progression marquée» (+4,7% sur un an, +0,9% par rapport au mois précédent) du nombre de salariés sans emploi. Le nombre de chômeurs atteint un record historique avec 3.347.700 chômeurs sans aucune activité. Selon qu’on adopte le calcul qui s’imposait jusqu’ici ou qu’on adopte la nomenclature (…légèrement plus favorable !), le taux de chômage évolue entre 10,2 et 10,7% et ce, après une année 2013 qui avait été marquée par un léger ralentissement de la progression du chômage. Le gouvernement avait cru y déceler une amélioration qui se trouve, aujourd’hui, contredite par la cruelle réalité des chiffres. Alors on se raccroche à quelques éléments positifs.

On exhibe les perspectives ouvertes par les 50 contrats (18 milliards d’euros) passés avec la Chine Populaire dont le Président a rendu à la France (puis à l’Allemagne et au siège de l’Union Européenne à Bruxelles) une visite officielle. On fait état d’une importante commande d’hélicoptères pour le Quatar, de nouvelles commandes de paquebots géants aux chantiers navals français, de signes de reprise corroborés par les constats de l’OCDE et par l’indice d’activité des Petites et Moyennes Industries (PMI) qui a passé en Mars à 51,6 points contre 47,9 en février (mais 53,2 aux Etats-Unis d’Amérique et en Allemagne). Cet indice ne cessait de se dégrader depuis… 33 mois. L’optimisme des ménages a également progressé de 3 points alors que l’indice de confiance des ménages pour l’avenir et le niveau de vie du futur évoluait de +4 points.

Un meilleur climat des affaires ? Le climat des affaires a gagné un point. Des signes de progrès donc, mais qui s’inscrivent, en moyenne, en dessous de la reprise de la croissance enregistrée au niveau mondial : les électeurs qui, aux élections municipales, ont lourdement sanctionnés la majorité soutenant le gouvernement ne s’y sont pas trompés en exigeant un changement de politique plus qu’un changement de membres du gouvernement. On saura assez vite si le message envoyé à ceux qui ont été «abgewählt» (magnifique expression dont on ne trouve pas l’équivalent en français !), qui n’ont pas été réélus aura été entendu.

En Alsace, où le marché du travail a également été marqué par une hausse -plus modérée- du nombre de chômeurs (+3,3 % sur un an, + 0,6% par rapport à fin janvier), un certain nombre de signes positifs ont été relevés. D’abord, l’indice de conjoncture établi par la «Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie – CRCI» a relevé que 35% des dirigeants d’entreprises ont été satisfaits du chiffre d’affaires réalisé au dernier trimestre 2013, tandis que 45% des dirigeants ont trouvé ce chiffre «moyen ou normal». Les prévisions d’investissement et d’emploi repartent à la hausse : si les entreprises de moins de 50 salariés restent prudentes, ce n’est pas le cas de celles de moins de 50 salariés nettement plus optimistes. Pour la CRCI, l’Alsace, cinquième région exportatrice française, mais première pour le volume (16.000 euros par tête !) par habitants, a retrouvé une certaine dynamique exportatrice (+2,1% avec 29,5 milliards d’euros en 2013).

La production industrielle alsacienne se raffermit. Le dernier bulletin de conjoncture établi par la Direction Régionale de la Banque de France, qui avait déjà noté des signes de reprise en Alsace (voir eurojournal.net du 19 Février), relève que «pour l’industrie alsacienne, l’indicateur du climat des affaires est en hausse à 97, après 95 en janvier ; pour la France cet indicateur s’établit à 98, après s’être établi à 99 en Janvier. «La production industrielle alsacienne s’est raffermie et globalement la croissance des commandes se poursuit et les carnets sont d’un niveau convenable. La production», poursuit la note, «devrait encore gagner en consistance dans le court terme.» On note des points positifs dans la fabrication de machines et d’équipements, la fabrication d’équipements électriques (grâce aux exportations), la métallurgie et la fabrication de produits métalliques, l’industrie chimique. Une situation contrastée se constate dans le travail du bois, la fabrication de produits en caoutchouc, le plastique. «L’activité dans les services est stable en février, un léger mieux étant observé dans le transport routier et l’hébergement. D’autres secteurs», souligne encore la note de conjoncture, «souffrent d’un ralentissement de la demande, notamment l’ingénieurie technique et les services informatiques.»

Certes, on serait tenté de parler à propos de la conjoncture alsacienne d ‘une verre à moitié vide ou, selon l’humeur de l’observateur, d’un verre à moitié plein, mais constatons que le climat des affaires s’est, malgré tout, amélioré. Cela va-t-il se poursuivre, les signes de redressement vont-ils s’amplifier ? C’est vraisemblable, mais la courbe du chômage -essentielle dans le contexte actuel- n’est sans doute pas près de s’inverser : les spéculations gouvernementales sur une classique sortie de crise après une spirale de difficultés s’avèrent insuffisantes sans une nouvelle politique d’accompagnement et de stimulation. Et celle-ci mettra sans doute du temps avant de s’inscrire dans le redressement du marché du travail.

L’Allemagne, la Suisse et l’exemple… italien ! Celui-ci bénéficie, en Alsace, de la bonne tenue de la conjoncture en Allemagne et en Suisse : le chômage est de l’ordre de 3,9% dans le canton de Bâle-Ville et de 2,9% dans celui de Bâle-Campagne, tandis qu’il tourne autour de 4,2% au Bade-Wurtemberg (4,4% en Bavière). Les chiffres établis par le bureau commun franco-allemand du travail, à Kehl (240 placements sur 600 demandes environ) sont révélateurs. Mais cela ne suffit pas : un changement de politique est nécessaire quand on sait que (d’après les derniers chiffres publiés) les prélèvements obligatoires ont atteint l’an dernier 46,3% de la richesse nationale (contre 44,9% en 2012), que, dans le même laps de temps, le taux de dépenses publiques a passé de 56,6% du Produit Intérieur Brut (PIB), à 56,9%, et que la dette publique a passé de 90,2% du PIB à 93,4% ! Personne ne nie que trouver une solution n’est pas facile, mais dans cette guerre en faveur de l’indispensable redressement, on espère l’arrivée d’une… force de réaction rapide !

Sans doute ne suffira-t-il pas (plus ?) d’affirmer, comme l’a fait François Hollande lors de son intervention télévisée : «Ce sont les entreprises qui créent les emplois !…» Que ne l’a-t-il pas dit il y a deux ans déjà !… Le changement de Premier Ministre, l’affirmation du Pacte de Responsabilité qui allège les charges de l’entreprise mais qui doit aussi, en prolongement, permettre des allégements de fiscalité pour les plus modestes, le changement de Ministre de l’Economie laissent entendre que le gouvernement français pourrait avoir un nouvel exemple à suivre : ce ne son plus Angela Merkel ou Wolfgang Schäuble, mais le président du conseil italien Matteo Renzi et son «mix : austérité / allègement d’impôts / relance». Il s’est rendu célèbre pour sa formule : «10 milliards d’euros pour 10 millions d’Italiens !» Belle formule… Sera-t-elle suffisante pour dépasser des réalités qui, elles, sont tétues ?

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