Droit de péage en Allemagne – pourtant, il avait été prévenu…

Le ministre des transports allemand Alexander Dobrindt (CSU) doit reporter son projet d’un droit de péage pour automobilistes étrangers - l’Union Européenne a ouvert une procédure.

Si Dobrindt avait voulu introduire un système de péage comme en France, personne n'aurait contesté. Foto: Spanish Coches / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Il ne pourra pas dire qu’il n’a pas été prévenu. Le ministre allemand des transports Alexander Dobrindt (CSU) doit reporter à une date ultérieure son projet de rendre les autoroutes allemandes payantes – que pour les automobilistes étrangers. Le projet, mal ficelé, constitue une discrimination, estime la Commission Européenne qui a annoncé une procédure pour non-respect des traités européens contre l’Allemagne. Ce qui ne devrait pas vraiment surprendre – le service scientifique et juridique du parlement allemand avait déjà déclaré dans une expertise que le projet, en l’état, risquait de poser problème au niveau européen.

Pour cause. Le projet proposé par le ministre CSU, constitue une attaque sur la solidarité européenne, pour la simple raison que les automobilistes allemands en soient exclus. Ceci est du à une promesse électorale de la chancelière Angela Merkel qui, pendant la campagne électorale en 2013, avait annoncé «qu‘en aucun cas, les automobilistes allemands devraient payer plus qu‘avant». Si normalement, les promesses électorales ne concernent que ceux qui y croient, en ce qui concerne les automobilistes, le gouvernement se doit d’être vigilant. Car les associations et fédérations des automobilistes en Allemagne comptent de millions d’adhérents et constituent une puissance non-négligeable en ce qui concerne la politique des transports.

Pour ne pas exciter les automobilistes allemands, Alexander Dobrindt pensait avoir trouvé la bonne formule, en prévoyant de faire payer les automobilistes étrangers et de baisser la taxe sur l’automobile que doivent payer les Allemands de manière à ce que cette baisse compense le droit de péage, censé être introduit sous forme d’une vignette annuelle (pour les touristes, des formules à la semaine ou au mois étaient également prévues). Et tout le problème se situe là.

Si le principe de rendre les autoroutes payantes pour financer leur entretien n’a rien de choquant, c’est cette distinction entre automobilistes allemands et étrangers qui est critiquable. Si Dobrindt avait eu l’idée d’introduire un droit de péage comme en France ou en Suisse, un droit qui s’applique à l’ensemble des usagers de la route, personne au niveau européen n’aurait contesté. Mais là, la discrimination est trop évidente.

Ce projet du droit de péage aura occasionné de nombreuses protestations depuis des mois. Dans un premier temps, Dobrindt ne voulait pas seulement taxer l’utilisation des autoroutes, mais de toutes les routes allemandes, suscitant de vives protestations dans toutes les régions frontalières en Allemagne, y compris dans sa Bavière natale. Car l’Allemagne ne compte pas moins de 9 frontières avec d’autres pays et l’ensemble de ces régions frontalières a besoin des échanges de proximité. Une sorte de «droit d‘entrée sur le territoire allemand» aurait porté un coup à la coopération transfrontalière.

Suite aux nombreuses protestations, Dobrindt a du rebrousser chemin, pour finalement sortir son projet actuel qui lui, n’avait aucune chance d’aboutir. Hormis le fait qu’il s’agit probablement d’une violation du droit européen, l’esprit de ce projet en dit long sur l’attitude européenne de la CSU – vous avez dit solidarité européenne ?

A noter : le SPD, lui aussi, avait soutenu ce projet et ce, sur fond de discipline de coalition gouvernementale. Incroyable – pour ne pas désavouer un anti-européen avéré, les socio-démocrates avaient soutenu un projet qui va à l’encontre de tout ce qu’ils déclarent depuis des décennies.

L’échec total de ce projet n’aura pas empêché le chef de la CSU Horst Seehofer d’applaudir son ministre. «[Dobrindt] a accompli une performance majeure», a-t-il déclaré. Et on n’a même pas envie de s’imaginer, si cet échec constitue une «performance majeure», comment ça se présente lorsqu’un ministre CSU propose un mauvais projet…

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