Du nouveau sur l’assassinat de la journaliste maltaise

On apprend des choses sur la mort de Daphné Caruana Galizia

Le Mémorial pour Daphné Caruana Galizia à La Valette Foto: Continentaleurope/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Certains éléments sont apparus dans l’enquête sur l’un des assassinats les plus scandaleux d’un.e journaliste ces dernières années, celui de Daphné Caruana Galizia. Il s’avère qu’elle enquêtait, au moment de sa mort dans sa voiture piégée, sur l’achat d’un parc éolien au Monténégro. Au menu : pots de vin pour les dirigeants maltais, entremetteur azéri, voyage aux Seychelles et navettes incessantes entre Malte et Monténégro.

Le véhicule de Daphné Caruana Galizia, journaliste très professionnelle et passionnée, a explosé le 16 octobre 2017. Cet horrible crime a soulevé une tempête de colère dans toute l’Europe et au Parlement européen. Il a aussi rafraîchi l’intérêt des médias pour les divers lièvres soulevés par Daphné, alors l’un des meilleurs journalistes d‘investigation existants. Le plus gros de ces lièvres est sans doute l’achat du parc éolien de Mozura, au Monténégro. Sur son blog, Daphné a noté qu’elle s’intéressait de près, dans cette affaire, à une société qui portait le nom de Black17 ltd. Et que cette société avait distribué de généreux pots de vin au gouvernement maltais.

Des collaborateurs de l’agence Reuters ont découvert un certain nombre d’éléments essentiels, qui sont exposés dans un article paru vendredi dernier. A commencer par le nom du présumé propriétaire de cette entreprise. Selon Reuters, le propriétaire de la compagnie Black17 ltd est le Maltais Yorgen Fenech. Et c’est lui qui aurait commandité l’assassinat de la jeune femme. Et dans son réseau de relations se trouvait le premier ministre de Malte, Joseph Muscat.

Cette firme basée à Dubai a, semble-t-il, reçu une commission rondelette de 5 millions de dollars, en décembre 2015, lorsqu’ une société maltaise nommée Enemalta a acheté le parc monténégrin, Mozura, qui se situe près d’Ulcinj : cet endroit magnifique et fragile tout près de la frontière albanaise, sur le lac Skadar. La société Black17 ltd n’a pas été la seule, selon Reuters, à se sucrer royalement : un chef de cabinet du premier ministre, Keith Schembri, et le ministre maltais de l’Energie entre 2013 et 2016, Conrad Mizzi (actuellement ministre du Tourisme) auraient eux-mêmes touché une belle somme ; Mizzi effectuait à cette époque d’incessantes navettes entre son île et le Monténégro.

Une opération très importante que cette création d’un parc éolien, dans la configuration de la production d’énergie durable du pays – le Monténégro se veut un pays écologique et soucieux d’environnement, préoccupation écrite en toute lettres dans sa Constitution. Le parc a été construit par une société espagnole, la Fersa, qui a fusionné un peu plus tard avec Audax Renovelables, elle aussi espagnole.

En 2015, étrange ballet. La compagnie maltaise Enemalta a racheté Mozura au mois de novembre. Mais les investigateurs se sont aperçus que le parc avait d’abord été vendu par Fersa à une société basée dans un paradis fiscal fameux, les îles Seychelles : la société Cifidex. Et cela pour le prix de 3 millions d’euros (le 10 décembre 2015).Et 15 jours plus tard, la Cifidex a revendu Mozura à la compagnie Enemalta pour le prix de 10,3 millions d’euros… Pourquoi cette vente intermédiaire ? On ne le sait pas encore ; la société Fersa-Audax refuse d’ailleurs d’expliquer la teneur précise du contrat. Comment interpréter ce curieux mystère ?

Reuters semble avoir pu identifier le propriétaire de Cifidex : il s’agit du businessman azerbaïdjanais Turab Mosayev, le dirigeant de la compagnie pétrolière nationale de son pays, SOCAR Trading, en Suisse.

Que penser de tout cela ? Le Galizia Project, regroupant 9 associations de journalistes (dont Reuters) qui reprennent l’œuvre d’investigation de Daphné Caruana Galizia, poursuivent leurs recherches. Il a bien avancé, ces tout derniers mois, mais on est loin de comprendre encore ce sur quoi au juste Daphné avait mis le doigt – ou ce sur quoi on craignait qu’elle le mette.

Une affaire de pots de vin gigantesques ? Sans doute. Mais peut-être pire : peut-être un savant montage de blanchiment. C’est très vraisemblable aussi, au vu des sinuosités décrites et de l’identité des protagonistes… La mémoire de l’admirable Daphné mérite en tout cas que l’affaire soit éclaircie.

https://www.reuters.com/article/

 

 

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