Du Persil aux Chafarines, autres fragments d’Espagne

Les possessions espagnoles au Nord du Maroc ne se limitent pas à Ceuta et Melilla. Elles s’intégraient jusqu’en 1956, dans un ensemble appelé le « Protectorat Espagnol au Maroc »

Comme en témoigne cette carte de 1920, le Protectorat Espagnol sur le Maroc couvrait la partie Nord du Maroc. Foto: Antonio Grilo / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Faire un tour d’horizon des possessions espagnoles situées au Nord de l’Afrique, ne se limite pas à Ceuta en face de Gibraltar et Melilla presque en face d’Almeria. Quatre autres confettis d’Europe appartenant au Royaume d’Espagne complètent cet ensemble, et sont autant de potentiels sujets de tension avec le Royaume du Maroc.

A l’Ouest de Ceuta, l’îlot Persil appelé aussi Isla de Perejil et îlot Leïla, se trouve à 8 km de l’enclave espagnole et à 200 m de la côte marocaine. Territoire contesté par excellence, ses 13,5 hectares plutôt arides sont néanmoins colonisées par le Persil Marin (Crithmum maritimum), une plante vivace halophile appréciant les embruns. Occupé par le Portugal comme Ceuta en 1415, il est tombé dans l’escarcelle de la Couronne d’Espagne en 1688.

En 2002, il a été l’objet d’une crise entre Espagne et Maroc, lorsque dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine, des militaires marocains s’y étaient positionnés. Il s’en était suivi un débarquement des forces espagnoles, qui n’a heureusement pas causé de pertes humaines comme ce fut le cas lors de la Guerre de Malouines, opposant vingt ans plus tôt Royaume Uni et Argentine.

A l’exact opposé de l’Isla de Perejil, 46 km à l’Est de Melilla et à 3 km au Nord du Cap de l’Agua (Ras El Ma), les Islas Chafarinas ou Iles Zaffraines, sont constituées des Iles du Congrès, du Roi et Isabel II. Elles sont occupées par des militaires espagnols et peuvent héberger des scientifiques en mission. Appartenant à l’Espagne depuis 1848, le Maroc les revendique également.

Entre Melilla et Ceuta, d’Est en Ouest, l’Archipel d’Al-Hoceima ou Alhucemas est composé des îles Peñón de Alhucemas, Isla de Tierra et Isla de Mar. Elles tiennent leur nom de la lavande (al khozama) abondant dans le Rif Central. La plus proche d’entre elles est à 50 mètres de la côte marocaine. Évidemment, lors de la crise de l’Ilot du Persil, l’armée espagnole y pris position. L’Espagne les occupe depuis 1673.

A l’Est de Ceuta, la Presqu’île de Velez de la Gomera, ou Peñón de Vélez de la Gomera pour les Espagnols et Rocher du Badis pour les Marocains, appartient à l’Espagne depuis 1564, après une occupation de 1508 à 1522. Elle servit un temps de bagne. En 2012, des militants pour la libération de Ceuta et Melilla, s’y sont infiltrés pour y faire flotter le drapeau du Royaume du Maroc. Les autorités espagnoles les ont reconduit sur le continent dans la journée.

Ces confettis d’Europe et parcelles d’Espagne, ne datent pas d’hier, comme en témoignent leurs années d’acquisition, ou plus exactement d’appropriation. Mais les résumer à de parcelles de territoire espagnol, le long de la côte marocaine revient à oublier la « période glorieuse » de l’Afrique Espagnole. Comme tout pays européen colonialiste, le Royaume d’Espagne a aussi occupé une partie de l’Afrique.

Initialement sur fond d’antagonisme chrétiens versus musulmans, dont la Reconquista (722-1492) fut un moment clef, l’occupation du Nord de l’actuel Royaume du Maroc va de pair avec la possession espagnole du Sahara Occidental, qui fera l’objet d’un autre article. Le Protectorat concédé par la France à l’Espagne, lors de la Convention de Madrid en 1912, s’étendait sur le Nord du Maroc et aboutit à l’indépendance en 1956, Mohammed V devenant alors Roi du Maroc de plein exercice.

Or, Mohammed V, qui s’était distingué durant la Seconde Guerre Mondiale en refusant de collaborer avec Gouvernement de Vichy, n’est autre que le grand-père de l’actuel Roi du Maroc Mohammed VI. Ainsi, la fin de la présence et de l’influence espagnole au Nord du Maroc, ayant moins d’un siècle, il apparaît clairement que ces confettis d’Europe et parcelles d’Espagne au Sud de la Méditerranée conservent une importance géopolitique et stratégique.

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