Economie alsacienne : entre le marteau et l’enclume ?
Alain Howiller explique pourquoi le trimestre en cours risque d'être important pour l'économie alsacienne.
(Par Alain Howiller) – A l’heure où se décide l’avenir de la future « Collectivité Européenne d’Alsace »(1) et où les conjoncturistes s’interrogent sur la croissance, les chefs d’entreprises alsaciennes se sentent interpellés par l’évolution d’une année 2019 qui sera marquée par des élections européennes et un « Brexit » qui pourraient, si on n’y prend garde, s’avérer mortifères. Sans compter le triste bilan de la crise des Gilets Jaunes qui pourrait bien coûter 0,2% de croissance !
Alors que la Banque de France vient de ramener, pour cette année, le taux de croissance de l’économie française à 1,4% et à 1,5% pour l’année prochaine et que l’Allemagne table sur un taux de croissance de l’ordre de 1%, les responsables de l’économie alsacienne redoutent les résultats des prochains mois(2). Rien d’étonnant si on veut bien se rappeler que l’Alsace est la troisième région de France la plus industrialisée, qu’elle est la première région pour l’exportation par tête d’habitant, qu’elle compte plus de 1000 entreprises étrangères (dont plus de 400 d’origine allemande, du Bade-Wurtemberg et de la Bavière en majorité) et que ses exportations se dirigent majoritairement vers… l’Allemagne, qui précède (d’assez loin) la Suisse ! C’est dire la sensibilité régionale à l’évolution de l’économie nationale et de l’économie allemande (voire suisse) au risque de se retrouver, en quelque sorte, entre le… marteau et l’enclume au fil « d’une année pleine d’incertitudes », pour reprendre le propos de Jean-Luc Heimburger, le Président de la « Chambre de Commerce et d’Industrie Alsace-Eurométropole » (Strasbourg).
Des « voyants verts » à… la morosité ? – Commentant le 7 Février les résultats de 2018 et se projetant vers 2019, tant la Banque de France que la CCI Alsace constataient que les chefs d’entreprise comptaient sur une reprise d’activité, « tous les voyants sont au vert » (CCI). Et le baromètre 2018/2022 de la Chambre de Commerce Franco-Allemande et du cabinet « EY » saluait l’évolution de l’économie française (78% des investisseurs étaient satisfaits de leur choix alors qu’ils n’étaient que 55% en 2016). 54% des entreprises allemandes en France prévoyaient une progression de leur activité à court terme, 43% d’entre eux envisageant des investissements avec augmentation de leurs effectifs. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Dans son dernier bulletin de conjoncture faisant état des évolutions relevées en Février dans le Grand Est (dont l’Alsace), la Banque de France note : « Une croissance modeste de la production industrielle en février avec une légère diminution des effectifs. Des carnets de commande corrects. Une croissance modérée à court terme avec un maintien des moyens humains. Dans les services marchands, progression de la demande et des prestations avec stabilisation dans les semaines à venir ». L’indice du climat des affaires a passé de Janvier à Février de 100 à 99 (101 au niveau national) tandis que l’indice pour les services marchands a passé, lui, de 106 à 108 alors qu’il se situait à 101 sur le plan national. Rappelons que l’industrie représente près de 19% de l’emploi dans la région alors que les services marchands représentent, quant à eux, près de 18% de l’emploi total.
Un premier trimestre décisif ? – Si 2018 n’avait pas répondu aux attentes formulées en début de l’année avec par exemple un chiffre d’affaires dans l’industrie alsacienne de +1,5%, alors qu’on attendait +3%, l’année avait apporté quelques éléments de satisfaction dont un taux de chômage de l’ordre de 8,6% (contre 8,8% au plan national, chiffre le plus bas depuis 2009 et 8,7% dans le Grand Est). Pour cette année, on prévoit une augmentation des effectifs dans l’industrie de l’ordre de +0,3%, +1,9% des investissements, +1,6% du taux de croissance et une progression des chiffres d’affaires de 4,2%. Selon « l’Association pour l’emploi des Cadres – APEC », le recrutement de cadres pourrait toucher entre 6.200 et 6.600 postes.
Les données publiées à la fin de ce mois donneront une idée de l’orientation d’un premier trimestre dans un contexte difficile où tous les clignotants semblent vouloir passer à l’orange, voire au rouge. Il n’y a guère qu’en Suisse, restée jusqu’ici à l’écart des ralentissements, où on considère que la croissance pourrait être de +1,6% (contre 1,5% en moyenne dans l’Union Européenne) grâce, notamment, aux conséquences du… Brexit(!) et à la progression des ventes aux Etats-Unis d’Amérique (15% des ventes helvétiques à l’étranger) qui, espère-t-on à Berne, resterait au cœur de la croissance mondiale !
L’attraction du marché de l’emploi dans la Confédération Helvétique (chômage 2,7%, et 3,4% dans le canton de Bâle-Ville, 2,1% dans celui de Bâle-Campagne) continuera-t-il à bénéficier aux frontaliers alsaciens ? Le risque de retournement de conjoncture en Allemagne, où le marché de l’emploi tient pour le moment (5,3% de taux de chômage au niveau national, mais 3,2% en Bavière et au Bade-Wurtemberg, 6,2% en Sarre, 4,6% en Rhénanie-Palatinat), pèsera-t-il sur l’emploi, les exportations ou les investissements du côté alsacien du Rhin ? Deux questions auxquelles 2019 devra apporter des réponses. Elles apporteront des pièces importantes au puzzle de l’économie de l’Alsace et, partant, du Grand Est.
(1) Voir eurojournalist.eu des 25 Février et 13 Mars 2019.
(2) Voir eurojournalist.eu du 4 Février 2019.
Bonjour,
Je voulais apporter une note positive sur l’économie de l’Alsace et surtout la zone d’emploi de Strasbourg et de l’ensemble zone d’emploi de Strasbourg + “Ortenau Kreis”, c’est à dire peu ou prou l’Eurodistrict.
Ce qu’on remarque avec les statistiques disponibles portant sur le nombre d’emplois salariés, c’est une hausse forte et continue depuis le troisième trimestre du nombre d’emplois salariés.
Sur une période de 3 ans, hausse des emplois salariés (T3 2018/T3 2015):
Zones d’emploi :
Zone d’emploi Strasbourg Ortenau :
- Ortenau : + 7,5% (remarque : les statistiques allemandes sont sur la période T4 2018/T4 2015)
- Strasbourg : + 6,6%
Total : + 7,25%
Mulhouse : + 1,93%
Colmar : + 4,33%
Haguenau : + 5,54%
Molsheim-Obernai : + 3,99%
Par comparaison, les zones d’emploi à l’ouest et au sud de l’Alsace :
Nancy : + 1,24%
Metz : + 1,1%
Reims : + 3%
Thionville : – 0,6%
Troyes : – 0,6%
Dijon : + 3%
Belfort-Montbéliard : + 2,4%
Besançon : + 3,3%
Et l’évolution de l’emploi salarié à l’est de l’Alsace, en Allemagne :
Karlsruhe (ville + canton) : + 5,4%
Freiburg (ville + canton) : + 8,1%
Stuttgart (région) : + 7,5%
(pour rappel, les statistiques allemandes portent sur la période T4 2018/T4 2015)
Evidemment, certaines grandes zones d’emploi françaises restent encore plus dynamiques :
Nantes : + 10%
Bordeaux : + 9,7%
Toulouse : + 9,2%
Montpellier : + 8,1%
Rennes : + 7,6%
Eurodistrict : + 7,25%
Lyon : + 7,1%
Marseille-Aubagne + Aix : + 5,05%
Lille + Roubaix-Tourcoing : + 4,2%
Nice : + 3,6%
Mais quel rebond, il faut remonter aux années 90 pour connaitre une telle croissance de l’emploi salarié autour de Strasbourg! Manifestement la région de Strasbourg a profité de la création du Grand-Est et de la LGV-Est.