Economie : après le Covid-19, va-t-on fermer les « Open Space » ?

Alain Howiller sur les changements que le Covid-19 aura déclenché dans les entreprises.

Télé-travail ou Open Space, comme ici à HR-inforadio ? Foto: Inforadio at German Wikipedia / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Si le Covid-19 a fait ré-découvrir le « travail à domicile » baptisé un peu rapidement « télé-travail », dont certains ont tendance à faire la panacée de « l’entreprise de demain », il a également et dans le même temps, souligné combien les salariés pouvaient se sentir mal à l’aise dans leurs bureaux ou ateliers. Au cœur de leur « mal-vivre » professionnel, beaucoup d’économistes et de psycho-sociologues n’ont pas hésité à placer cet « open space » dont pourtant ils avaient encouragé le développement au fil des dernières décennies.

D’après une étude publiée en novembre dernier dans « Le Parisien », près de 30% des espaces professionnels relevaient, en France, de cette catégorie de lieux de travail où les employés étaient regroupés sur un plateau unique ouvert, sans cloisons intérieures. La formule, inventée aux Etats-Unis, avait été recyclée en Allemagne dans les années 50 avant de se développer dans toute l’Europe à partir de 1970. Les promoteurs de l’open space, appuyés par les agents immobiliers qui y voyaient de nouveaux emplacements à vendre et par les financiers qui pensaient y trouver des gains d’espace, donc des économies sur les coûts, avançaient parmi les avantages de la formule : une image de modernité, la création de services installés dans des immeubles de bureaux, des communications facilitées entre les salariés, des espaces libres de cloisons faciles à gérer.

Quand les salariés critiquent l’open space – En fait, dès le développement du concept, les critiques s’étaient mises à pleuvoir à travers une multitude d’études. Selon les uns, la concentration excessive faisait baisser leur productivité, selon d’autres, l’espace commun était source de distraction et leur faisait en réalité perdre 86 minutes par jour (enquête IPSOS) ; selon d’autres analyses, près de 7% des salariés estiment qu’ils étaient moins productifs en espace ouvert, une étude danoise affirmait que dans un espace où travaillaient plus de 6 personnes, les salariés étaient en moyenne absents 8 jours par an. Selon un sondage réalisé par le quotidien « Le Progrès » (Lyon), 69% des salariés trouvaient que la fin de l’open space serait une bonne chose, alors que 17% seulement étaient favorables à son maintien et 14% n’avaient pas d’opinion !

Et voilà que 54% des salariés en « télé-travail » affirment que le bureau ne leur a pas manqué et que 55% d’entre eux ont souligné qu’ils avaient apprécié de ne plus perdre de temps en transport pour se rendre au travail ! Alors exit les bureaux et plus particulièrement l’open space auquel on a, en outre, tendance à reprocher qu’il permet une circulation plus facile aux… virus ? Irait-on vers un retour aux bureaux individuels, fermés ? Pas si simple !

Travailler chez soi : pas si simple ! – Dans l’euphorie des sorties de confinement et de l’innovation qu’a constitué, pour beaucoup, le travail à domicile, on a oublié de se pencher sur certains inconvénients pourtant patents : l’inadaptation des appartements dans beaucoup de cas, le manque de réseaux adaptés, l’insuffisance de la connectique et d’un « multi-nodal » nécessaire, la trop forte implication entre la vie privée et la vie professionnelle, l’absence d’horaires définis, le manque de contacts physiques avec les collègues que la « visio-conférence » et « skype » ne compensent pas ! Du coup, les partisans de l’open space ont engagé des réflexions sur une adaptation de l’espace de travail ouvert.

Déjà, l’Organisation Mondiale de la Santé – OMS – a recommandé une première mesure : concentrer moins de monde dans les espaces ouverts. De leur côté, architectes d’intérieur et décorateurs ont fait des propositions pour améliorer les choses. Certaines visent à combiner télé-travail et espaces ouverts qui deviendraient lieux de réunions ou espaces occupés, à tour de rôle, par des salariés quittant leur appartement ordinateurs portables sous le bras pour s’installer, le temps nécessaire, devant des bureaux non-individuellement affectés ! Une ventilation naturelle (grâce aux fenêtres qui s’ouvrent) devrait être préférée, soulignent de nombreux observateurs, à la climatisation qui véhicule trop facilement – et trop souvent – des virus. Mais l’offensive la plus originale qui s’inscrit finalement dans le droit fil de la vague verte qui déferle, est portée par les partisans de ce qu’on appelle « la biophilie ». Il s’agit de rendre de l’attractivité aux espaces ouverts en les « verdissant ».

Enfin du « végétal » en entreprise ? – « Le végétal en entreprise fait son chemin. A l’origine, c’était une simple décoration. Puis est venue la thématique du bien-être au travail. Aujourd’hui, l’enjeu va bien au delà. Planter du végétal est devenu une solution pour mieux enraciner les talents », écrit Cyrille Schwartz, le « pape » de la biophilie (cschwartz@corporategarden.fr). Celui-ci ne se fait pas faute de rappeler que « Dans une enquête menée par la chaire Immobilier et Développement Durable de l’ESSEC, 83% des étudiants sondés, futurs cadres de l’économie, accordaient de l’importance à la présence de végétaux dans leurs bureaux et 60% à la présence d’espaces verts individuels à entretenir. Autant dire que la biophilie est déjà perçue comme un levier pour attirer et fidéliser les jeunes talents. » Par ailleurs, 61% des sondés accordent de l’importance à la présence de toitures et de façades végétalisés !

Alors, fini le temps des plantes vertes dont personne ne s’occupe et qui, rabougries et solitaires sur un coin de meuble, dépérissent doucement avant de terminer leur misérable vie dans une… poubelle ? La biophilie, c’est le retour de la nature et du végétal dans les lieux de travail, c’est l’intégration de la nature à l’intérieur des espaces professionnels. « La crise sanitaire peut-être une opportunité pour les entreprises qui proposent des solutions pour végétaliser les environnements de travail intérieur et extérieur », souligne Odile Duchenne, directrice générale d’ACTINEO (siège à Saint Priest dans l’agglomération lyonnaise), bureau d’études sur le bien-être au travail.

Respirer l’air extérieur – Qui, il y a peu encore, aurait jamais pensé qu’une épidémie (fût-ce le Covid-19) conduirait à réfléchir sur un… verdissement des espaces de travail, facteur de productivité et d’attractivité ? Car, comme le rappelait le magazine « Challenges », certaines études américaines ont souligné qu’un environnement accompagné de verdure ou d’un éclairage naturel était à l’origine d’une augmentation de 15% du sentiment de bien-être et de celui de créativité, la sensation d’une meilleure productivité progressant de 6% !

Alors que vivent les plantes, la verdure interne ou externe, les façades et les toits végétalisés, voire équipés de… potagers ! Les plantes plutôt que le verre ou le plexiglas sauveront-ils l’Open Space ? « Désormais, il y a un nouveau rapport à la nature » rappelle, toujours dans Challenges, l’architecte et urbaniste Elisabeth Pélegrin-Genel : « Les gens veulent du vert, du bois, de l’eau (1), des plantes et respirer l’air extérieur. » Etonnant, non ?

(1) Une nouvelle méthode est désormais proposée aux entreprises : équiper les espaces de travail ou les terrasses prolongeant ces espaces en faisant appel à l’aquaponie, une méthode qui réunit culture de plantes et élevage de petits poissons. Les plantes sont placées le plus souvent dans des bacs posés sur des aquariums dont l’eau les irrigue en circuit fermé ! L’imagination prendrait-elle le pouvoir ?

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