Economie du Grand Est : cet inquiétant palier qui risque de durer

Alain Howiller se projette dans un avenir économique proche et un peu moins proche. Perspectives.

De nombreux experts estiment que nous entrons dans la plus grande crise depuis la "Grande Dépression" en 1929... Foto: Berenice Abbott (1898 - 1991) / WPA / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – On a littéralement le tournis lorsqu’on essaie de faire le bilan de tout l’argent que les Etats entendent investir pour faire face aux conséquences du « Covid-19 » et pour préparer une indispensable relance économique. Il est vrai qu’on ne peut qu’être saisi entre les prévisions de ceux qui estiment que la sortie de la crise sanitaire ouvrira (si on peut dire) la voie à « une crise à nulle autre pareille… Les retombées économiques seront les pires depuis la Grande Dépression de 1929 ! », avance Kristina Georgieva, la directrice du Fonds Monétaire International (FMI). Et Christine Lagarde, qui fut directrice du FMI avant d’accepter, à Francfort, le poste de Présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), d’ajouter : « Si tous les pays ne se relèvent pas, les autres en pâtiront. En se montrant solidaire, on sert en fait ses propres intérêts. »

C’est ce qu’on avait oublié en 1929 avec les conséquences qu’on connaît : effondrement de l’économie mondiale, faillites retentissantes, chômage de masse, montée des nationalismes qui… tentèrent de régler leurs comptes sur les champs de bataille de la IIe Guerre Mondiale.

Le retour d’un « pognon de dingue ? » – Pour lutter contre une « récession mondiale historique », pour reprendre les termes utilisés par la directrice du FMI qui prévoit une chute de 3% du PIB mondial en 2020 – et qui n’exclut pas que la régression continue à se manifester en 2021- les Etats du monde et les banques centrales ont prévu, jusqu’ici, d’engager… 5.000 milliards d’euros sous la forme de subventions, de reports de charges de garanties de prêts, de lignes de crédit aux banques, de rachats d’actifs (Le Figaro du 25 Mars). Pour Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne, les mesures de soutien à l’économie (y compris le poids des dispositions de « confinement » obligatoire ou volontaire) ont déjà coûté 3.000 milliards d’euros aux membres de l’Union Européenne !

En d’autres temps – et il est vrai à une autre occasion -, reprenant un propos plus que malheureux d’Emmanuel Macron, on aurait parlé d’un « pognon de dingue » pour essayer d’enrayer la menace de la « crise économique » qui devrait, inévitablement, succéder à la « crise sanitaire ». L’enjeu, là encore, sera de taille si on prend en compte le fait que les experts estiment que la crise pourrait se traduire en France par une régression du Produit Intérieur Brut (PIB) entre 8 et 10%. En Allemagne ce recul pourrait être du même ordre, les estimations tablant généralement sur – 9%. « Cette crise sera violente, globale et durable », avait souligné Bruno Le Maire, le Ministre de l’Economie et des Finances. Tandis que côté allemand, évoquant l’après « Covid-19 », on n’a pas hésité à souhaiter que pour financer les indispensables mesures de sortie de crise, on réforme le code des impôts pour faire davantage payer les « riches », le tout (en Allemagne !) au nom de la justice fiscale !

Brusque et violent arrêt dans le Grand Est ! – Pour le Grand Est, qui nous concerne particulièrement, les effets économiques de la crise sanitaire se traduisent ainsi, d’après la dernière note de conjoncture rédigée par la Banque de France (Direction de Strasbourg) : « Dans un contexte de pandémie mondiale », relève la banque, « l’économie régionale connaît un brusque et violent coup d’arrêt, dans tous les secteurs. Pour l’industrie, ce dernier s’accompagne d’une forte diminution des effectifs portant exclusivement sur les personnels intérimaires. En l’absence de visibilité sur la fin du confinement, les perspectives pour le mois d’avril restent orientées à la baisse, à un niveau toutefois moins marqué qu’en mars. Chute de la demande et de l’activité pour les services marchands. Courant d’affaires au plus bas pour les semaines à venir… »

« Face à l’épidémie du coronavirus », ajoute la note, « et aux mesures de confinement (qui ont été effectives à partir du 17 Mars à 12 heures), les entreprises ont fermé leurs sites plusieurs jours en Mars et ont enregistré une forte chute de leur activité. » La Banque de France souligne, à ce propos, que tant dans l’industrie du Grand Est (où la moyenne des jours de fermeture exceptionnelle a été de 6 jours) que dans les services marchands (où le nombre de jours de fermeture exceptionnelle a été de 7 jours), le nombre de jours de fermeture a été légèrement supérieur à ce qui avait été noté au niveau national.

Des milliards d’euros et un « Fonds de Résistance » ! – Le déconfinement qui, comme l’annonçait Emmanuel Macron, doit démarrer le 11 Mai, ouvrira-t-il, comme on l’espère, de véritables perspectives de reprise économique appuyées sur les mesures de soutien à l’économie ? Devant l’Assemblée Nationale, Bruno Le Maire avait annoncé qu’avec 9 millions de salariés en chômage partiel, les mesures d’indemnisation avaient déjà coûté 24 milliards d’Euros à l’Etat. Le plan de 110 à 115 milliards d’euros de soutien à l’économie suffira-t-il, à ce rythme d’envolée des coûts ? On peut avoir des doutes si on prend en considération que les mesures prises en Allemagne sont déjà de l’ordre de… 1.200 milliards d’Euros ! Vertigineux ! Ces sommes ne prennent pas tout en compte : certaines aides venues des Länder et des collectivités en général ne figurent pas dans ces dispositions définies par les Etats centraux !

Le Grand Est, par exemple, a créé, au nombre des aides, un « Fonds de Résistance » de 44 millions d’euros. Ce fonds a été créé en coopération notamment avec les départements et la Banque du Territoire, pour soutenir les associations et les petites entreprises. Président de la Région Grand Est, Jean Rottner souligne à ce propos : « Parce que la santé économique des entreprises du Grand Est est au cœur des préoccupations de la Région, nous avons décidé de mettre en place des dispositifs d’accompagnement qui leur permettront de faire face à la crise actuelle et de construire l’avenir. »

« New Deal » ou « Plan Marshall » ? – Viendra le temps des factures : qui paiera, comment paiera-t-on les montants astronomiques qu’exigeront la relance et le soutien aux économies ? Il ne suffira pas d’écouter les « y a qu’à » et les « il faut que » de ceux qui, hier déjà, peinaient à soutenir l’économie. Il ne suffira pas non plus de compter sur la reprise vive qui, généralement, accompagne les sorties de crises. On peut toujours rêver qu’un Roosevelt nouveau sera à l’origine d’un « New Deal » salvateur : on sera déjà heureux que la politique de son lointain successeur Donald Trump ne ressuscite pas les « US go home » des années « Viet Nam » ! Pourra-t-on compter sur ce « Plan Marshall »européen dont rêve Emmanuel Macron alors que les 27 pays-membres de l’Union Européenne peinent à s’unir pour définir un budget pour l’UE.

Si, en Allemagne, Olaf Scholz a émis quelques idées (qui ont peu de chances d’aboutir) pour une réforme de la fiscalité afin de faire davantage payer les « riches » pour financer les mesures d’aide à l’économie, en France, Edouard Philippe a écarté l’idée d’un recours à l’impôt ! Alors, relancera-t-on l’idée du lancement d’un grand emprunt garanti par l’Etat ? La boîte à idées est ouverte ! En attendant, Edouard Philippe, lors de sa dernière conférence de presse, comme Peter Altmaier, le Ministre allemand de l’économie, a utilisé la formule : « Nous devons apprendre à vivre avec le virus ! »

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