Economie et politique sociale : L’erreur allemande

Le climat social froid en Allemagne paralyse la croissance. Et ce, depuis 1990. L'erreur pourrait peser lourd d'ici une poignée d'années.

La pauvreté est une conséquence de la politique d'austérité, non seulement en Grèce, mais aussi en Allemagne. Foto: www.blu-news.org / WIkimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Lorsqu’un état souhaite faire des économies, il commence à faire des coupures là où il s’attend à la moindre résistance. Donc, chez les plus pauvres, les faibles revenus, les exclus de la société, sachant que ces populations n’ont pas de lobby pour les défendre. En Allemagne, cela s’est matérialisé par l’introduction des «mini-jobs» (avec des salaires allant jusqu’à 430 € par mois, présentant «l’avantage» pour l’état que ceux qui occupent de tels postes précaires, disparaissent des statistiques du chômage. Mais, selon un rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), cette politique d’austérité intérieure, conduit l’Allemagne droit dans le mur – cette politique sociale constitue le plus grand frein à la croissance.

En principe, c’est logique. En laissant une bonne partie de la population avec des revenus extrêmement faibles, on la coupe également de la consommation. Ce qui bloque l’évolution de la conjoncture et ne favorise que ceux qui gagnent leur vie dans le monde de l’exportation, donc des domaines comme l’automobile, les machines industrielles et finalement tous les secteurs où il existe une forte demande sur des marchés étrangers.

Cela aurait même pu fonctionner, si l’Allemagne ne connaissait pas un grave problème démographique. Mais ce problème est devenu une réalité – d’ici peu, l’Allemagne aura du mal à défendre sa place de leader sur les marchés de l’exportation, car elle deviendra moins productive. Et ce sera exactement à ce moment-là que la politique de l’austérité constituera le retour de la manivelle pour cette économie qui actuellement, prend un bain au soleil en donnant de bons conseils à ses voisins européens.

Erreur – selon le rapport de l’OCDE, l’Allemagne a déjà loupé le train. Pendant les années fastes (1990 – 2010), elle aurait pu enrgistrer une croissance supérieure de 6% par rapport à la croissance effectivement réalisée, uniquement en acceptant un clivage trop important entre les bons salaires et les salaires misérables que touchent la plupart des ouvriers allemands. Et ce fossé ne cesse de se creuser. Si en 1985, les 10% des salaires les plus forts gagnaient cinq fois plus que les 10% aux plus faibles revenus, aujourd’hui, les meilleurs salaires payent sept fois plus que les revenus les plus faibles. L’évolution continue donc et traduit soit l’ignorance de la signification d’une politique sociale qui mériterait cette appellation, soit une sorte de paralysie face à ce qui arrivera inévitablement au «premier de la classe» en Europe.

Une bonne politique sociale n’a pas seulement un aspect altruiste, mais aussi un impact purement économique. Si au moins 10% de la population sont coupés de la consommation, cela veut dire qu’il devient très difficile de stimuler les marchés intérieurs. Dans une situation mondiale en pleine mutation, avec l’émergence des états BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui se partageront désormais non seulement la plus grande part des ressources énergétiques et industrielles au niveau mondial, mais qui constitueront en même temps le plus grand marché mondial, la confiance allemande quant à ses exportations risque de s’effondrer.

Est-ce une raison de se frotter les mains en regardant l’Allemagne devenir «l’homme malade de l’Europe» ? Non. Car l’Union Européenne, sans l’apport de l’Allemagne, connaîtra d’autres problèmes qui n’arrangeront personne. Mais il est grand temps que l’Allemagne revoit sa copie – en acceptant une harmonisation européenne de la politique sociale et de la politique économique. Il faudra également que l’Europe trouve le courage de museler les marchés financiers, le système boursier et les banques qui exsanguent notre continent et dont les lobbys sont tellement puissantes que nos gouvernement nationaux et les institutions européennes n’osent pas s’y attaquer.

Une phrase de ce rapport mérite une attention particulière. «Seul les états qui investissent dans des chances équilibrés pour tous, au niveau de la formation scolaire et professionnelle, pourront faire face aux défis de l’avenir». Mais l’Allemagne n’investit pas assez dans ces domaines et cela ajoutera forcément au déclin de l’économie outre-Rhin.

Continuer à regarder cette évolution n’arrangera rien et personne. Force est de constater qu’aucun pays européen ne pourra faire face seul à la concurrence internationale – seule une Europe forte pourra se permettre de mener une politique sociale digne de ce nom. Et après tout, devons-nous réellement subir une politique qui écrase les plus faibles pour continuer à engraisser les plus fortunés ? Il est grand temps de se réveiller…

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