Ecoutes : Un jour à la commission d’enquête…

La commission d’enquête du Parlement allemand, chargée d’enquêter sur le scandale de surveillance de la NSA et du BND, n’a pas la vie facile...

C'est ici, au Paul-Löbe-Haus à Berlin, que la Commission d'enquête tente d'élucider le scandale NSA/BND. Pas évident... Foto: Manfred Brueckels / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Le Parlement allemand, le Bundestag, a crée le 20 mars 2014, suite aux révélations d’Edward Snowden, une commission d’enquête sur les activités de la NSA en Allemagne. Selon la Constitution allemande, le Grundgesetz (Art. 44), une telle commission d’enquête doit être mise en oeuvre par le Parlement dès lors un quart des députés le demande. L’ensemble des groupes parlementaires siège, en fonction du nombre de leur députés, dans une telle commission – ce qui garantit une transparence maximale. Puisque les partis de l’opposition bénéficient des même droits que les grands partis au pouvoir, ces commissions sont surnommées «l’épée le plus aiguisé de l’opposition». Mais le travail de la «commission d’enquête NSA» s’avère extrêmement difficile. Big Brother s’est invité aux réunions de la commission.

Fin de la semaine passée, en plein milieu du scandale impliquant désormais aussi et surtout le rôle du service secret allemand BND (Bundesnachrichtendienst), la réunion de cette commission a tourné en démonstration de la démocratie millésime 2015 – plusieurs témoins du BND ont été interrogés. Il s’agissait d’employés de la centrale d’écoute de Bad Aibling en Bavière où ils avaient à traiter les «listes de sélectors» que la NSA fournissait pour commander des écoutes de l’Elysée, de la Commission Européenne et d’entreprises dans différents pays européens. Si les dépositions de ces témoins sentaient la manipulation, comme l’exprimaient plusieurs membres de la commission à la sortie, un personnage étrange, haut fonctionnaire et émissaire de la Chancellerie d’Angela Merkel, faisait irruption en permanence, interpellant les témoins de se taire en évoquant «de graves conséquences pour la République Fédérale» si les témoins allaient divulguer des détails concernant le fonctionnement des services secrets. Ainsi, il est intervenu lors que les députés souhaitaient connaître la nature des „sélectors“, leur nombre, les manières de leur transmission et stockage – en clamant que ces questions ne pouvaient être discutés qu’en séance secrète. Au point où même le président de la commission, le Professeur Patrick Sensburg (CDU) finissait par demander à cet invité non-convié de «se calmer».

Il est incroyable qu’un fonctionnaire de la Chancellerie puisse ainsi perturber une réunion d’une commission d’enquête du Parlement, qu’il puisse intimider des témoins et intervenir dans le déroulé de la séance. Mais cet incident sans précédent ne fait que prouver une chose – la Chancellerie est impliquée dans ce scandale jusqu’au fond. Puisque ce fonctionnaire n’avait certainement pas fait le déplacement par son propre chef, il est évident que la Chancellerie fait des pieds et des mains pour empêcher que de la lumière soit faite sur ce scandale.

De toute manière, même sans les interruptions de cet individu étrange, dont l’identité n’a pas été divulguée, sauf qu’il s’agit d’un haut fonctionnaire (Regierungsdirektor), les témoins n’étaient pas venus pour dire la vérité sur les commanditaires et donc les responsables de cet espionnage des partenaires européens et de l’économie européenne. Visiblement briefés, ils assumaient à deux l’entière responsabilité pour ces «listes de sélectors», en indiquant avoir «omis» d’en informer leurs supérieurs. Ces listes qu’ils manipulaient quotidiennement, arrivaient par une ligne sécurisée directement des services américains – pour être ensuite encore validées par la centrale du BND à Pullach. Difficile de croire qu’une telle procédure aurait pu avoir lieu sans que les grands patrons des services secrets et de la Chancellerie (en charge du contrôle des services secrets) soient au courant. Toujours est-il que les deux témoins souffraient aussi d’autres trous de mémoire et finissait par répondre à certaines questions par «Jein» («oui et non»)…

Les témoins commençaient à transpirer, lorsque le cerbère de la Chancellerie n’a pas réussi à empêcher la question si certains des «sélectors» qu’ils avaient à traiter, auraient pu être illégaux. «M’en fous», répond l’un des témoins, «j’avais mes ordres !». «Des ordres ?», retorque le député Christian Flisek (SPD), «je croyais que vos supérieurs n’étaient pas été informés ?». A ce moment-là, le témoins à fait valoir son droit au silence…

Reste donc le constat que le gouvernement d’Angela Merkel, par le biais de la Chancellerie, s’immisce dans le travail de la commission en charge du scandale NSA/BND. Les Allemands découvrent avec stupeur que l’Allemagne se trouve depuis des années sous commandes américaines et que même le travail d’une commission parlementaire dépend désormais des ordres venus de Washington. Et le plus étonnant dans tous cela, malgré une couverture médiatique assez large de ce scandale, aux prochainés élections, les Allemands voteront à coup sûr pour les mêmes. On nous a tellement habitués à des énormités que nous ne sommes plus à une énormité près…

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