EDF : Merci, Marcel !

Menacée de démantèlement par le projet « Hercule », Électricité De France (EDF) qui fêtera demain ses 75 ans, est née de la volonté d’un homme.

Par tous les temps, et dans les endroits les plus reculés du territoire, les techniciens d’EDF-GDF sont au service de tous. Foto: Classiccardinal / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Pour célébrer le 75e anniversaire d’EDF, les spots publicitaires vont bon train, notamment sur Radio France. A les entendre, il semblerait que l’énergéticien -appellation désormais consacrée- ferait des cadeaux à la souscription de contrats. Comme si avoir accès à une source d’énergie, au même prix, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, n’était pas déjà en soi un cadeau. Ce cadeau nous a été fait en 1946, à la création d’EDF, sous l’impulsion d’un ministre communiste.

André Paul, tout comme Ambroise Croizat, créateur de la Sécurité Sociale, est l’un de ceux dont les ultra-néo-libéraux aimeraient voir les noms définitivement effacés de l’Histoire. Il est vrai que dans la start-up nation des CSP+, un ouvrier devenu ministre, ça fait carrément désordre. Il y a ceux qui sont (misérablement) payés pour faire, même lorsqu’ils font très bien, et ceux qui sont (grassement) payés pour réfléchir, même quand ils réfléchissent très mal. Le taylorisme revisité par Ionesco et Beckett, en quelque sorte…

Enfant trouvé, place Denfert-Rochereau (Paris 14e) en 1900, alors qu’il ne devait pas avoir plus de deux jours, Marcel Paul, ainsi nommé par l’Assistance Publique, fut placé dans la Sarthe. Après l’obtention de son Certificat d’Études, il commença à travailler dans une ferme dès ses 13 ans. Mobilisé dans la Marine en 1917, il devint électricien et participa à la révolte des équipages à l’été 1919, faisant écho à celui des Marins de la Mer Noire. Démobilisé en 1922, il travailla dans la Sarthe, puis à Paris.

Engagé dans les Jeunesses Socialistes dès 1915, militant syndical, il adhéra au Parti Communiste Français en 1923. Mobilisé en 1939, ses antécédents de meneur de grève, le conduisirent dans un bataillon disciplinaire. Deux fois prisonnier et deux fois évadé, il entra dans la Résistance en 1940. Ce qui lui valait la déportation à Auschwitz, puis Buchenwald. Devenant l’un des principaux acteurs de l’insurrection des déportés, il y accueillit l’armée américaine arrivant comme les carabiniers.

Entré au Gouvernement de Gaulle II, en novembre 1945, avec les communistes Maurice Thorez, Ambroise Croizat, François Billoux et Charles Tillon, il fut en charge de la Production Industrielle. Il mit, entre autres, en œuvre la nationalisation de l’industrie électrique et gazière, créant Électricité De France (EDF) et Gaz De France (GDF). Ce qui n’était pas gagné d’avance, car les propriétaires des sociétés de production électrique et gazière, avaient de fidèles amis à l’Assemblé Nationale, parmi les députés de droite et du très centriste Mouvement Démocratique Populaire (MRP), sans compter certains appuis très sérieux dans le groupe socialiste.

Ayant su faire quelques compromis indispensables, il dira plus tard s’être néanmoins accroché à la nationalisation, comme un chien affamé depuis huit jours s’accroche à un os. L’enjeu était de taille, car au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, fournir de l’énergie sur tout le territoire, au même prix et aux mêmes conditions, mettait ses concitoyens sur un pied d’égalité. Ceci procédant d’une logique identique, à celle de la Sécurité Sociale, créée par Ambroise Croizat l’année précédente.

Le capitalisme prospérant toujours infiniment mieux sur le terreau des inégalités, la création d’EDF et de GDF avait coupé l’herbe sous le pied de potentiels profiteurs d’après-guerre. Assurer la fourniture d’énergie et de services, aux mêmes tarifs, quel que soit l’endroit où l’on réside, est une mise en pratique de nos valeurs républicaines. Ainsi de nos jours, lorsqu’interviennent autant quotidiennement que lors des événements climatiques désastreux, les techniciens habillés de bleu, la moindre des choses est de dire ou au moins de penser : « Merci, Marcel ! ».

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