El Hierro, l’île qui a le vent en poupe

Jean-Marc Claus présente une petite île des Canaries qui surprend à plus d'un niveau...

El Hierro, île qui expérimente de nouvelles approches énergétiques. Foto: Wolfgang Sauber / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Jean-Marc Claus) – El Hierro, la plus à l’Ouest des îles Canaries, a fait parler d’elle en 2019 grâce à une série télévisée franco-espagnole diffusée sur Arte et Movistar. L’enquête policière, relatée dans « Hierro », avait aussi le mérite de nous faire découvrir des paysages magnifiques. Considérée comme la plus « sauvage » de l’archipel, celle île volcanique, à peine plus grande que le Val de Marne ou Santorin, est depuis 2000 classée par l’Unesco Réserve de Biosphère. Ce classement n’y interdit pas pour autant l’activité humaine, notamment traditionnelle, mais mieux encore, se prête à l’innovation et plus particulièrement en matière d’énergies renouvelables.

Ainsi, El Hierro sort-elle de l’âge des énergies fossiles pour s’ancrer solidement dans le futur, en conquérant méthodiquement une indépendance énergétique forçant le respect. Bien sûr, ses quelque 11.000 habitants, soit ce que perd annuellement Paris, vivant sur une île ensoleillée et dotée d’un micro climat, n’ont pas besoin de beaucoup d’électricité. Soit, mais si le modèle est unique, le savoir-faire reste néanmoins duplicable. Quant au climat, Samsø au Danemark et Eigg en Écosse, bien moins chanceuses qu’El Hierro, sont pourtant elles aussi engagées dans le même processus d’auto-suffisance énergétique.

El Hierro échappe, par la structure administrative de l’Espagne, à l’hyper-centralisme générateur d’inertie mortifère ou d’implosions-explosions. Mieux encore, dotée depuis 1912 comme les autres îles de l’archipel d’un Cabildo Insular dont les membres sont élus au suffrage universel, elle dispose d’une sorte de gouvernement insulaire aux compétences accrues après le retour à la démocratie en 1975, et renforcées dans les années 1990. C’est dans ce contexte qu’un projet, ambitionnant de passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables, vit le jour.

Tomas Padron Hernandez, ingénieur, élu de l’île jusqu’en 2011, lança en 1979 un projet fou : associer une source d’énergie stable à une source d’énergie variable afin de produire l’électricité nécessaire, tant aux habitants de l’île, qu’à ses quatre usines de dessalement de l’eau de mer. El Hierro ne disposant pas de rivières et de lacs, l’approvisionnement des populations en eau douce nécessite l’emploi de ces usines de dessalement particulièrement énergivores. Il devenait urgent, en pleine crise pétrolière, de trouver une alternative au fuel. Ce ne fut pas simple et cela prit du temps, car en plus de l’incrédulité de nombre de ses concitoyens, Tomas Padron Hernandez dut résoudre de nombreux problèmes techniques pour réaliser son projet. Mais son obstination porta finalement ses fruits. Sa centrale hydro-éolienne, imaginée en 1979, construite à partir de 2007, fut inaugurée en 2014.

Hydro-éolienne signifie cinq éoliennes et deux bassins, du vent et de l’eau. En fait, l’idée consiste à récupérer le surplus d’énergie produite par les cinq éoliennes alimentant les quatre usines de dessalement et les habitants de l’île. Le vent, toujours présent n’est pas constant, ainsi fallait-il trouver un moyen de compenser ses baisses de régimes, afin d’assurer une alimentation stable. Depuis 2014, un ingénieux système permet de pomper de l’eau entre deux bassins installés dans les cratères d’anciens volcans, l’un à 700 m du niveau de la mer et l’autre à 650 m. Le surplus d’énergie des éoliennes sert à remonter l’eau et en période de baisse de régime, son évacuation 50 m plus bas via 3 km de tuyaux fait tourner quatre turbines produisant 11,3 méga-watts, c’est-à-dire quasiment la production électrique des éoliennes. Ce projet, d’un coût de 80.000.000 d’€, constitue un élément clef de l’indépendance énergétique de l’île. Cela peut paraître cher, mais à l’époque 80.000.000€, c’était juste le prix… d’un footballeur.

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